N° 435
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 février 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (procédure accélérée),
Par M. Mathieu DARNAUD,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Sénat : |
344 et 436 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 2 février 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois du Sénat a adopté, sur le rapport de Mathieu Darnaud (Les Républicains - Ardèche), le projet de loi n° 344 (2021-2022) ratifiant l'ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale .
Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution , cette ordonnance vise à actualiser le statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française au regard des évolutions législatives intervenues dans le droit de la fonction publique territoriale depuis 2011 1 ( * ) et des revendications exprimées lors de l'important mouvement de grève de mai 2017 .
Constatant des avancées pour les droits des agents communaux et l'attractivité de la fonction publique communale, la commission a approuvé la ratification de l'ordonnance, tout en regrettant que ce texte n'ait pas suffisamment pris en considération les particularités de la Polynésie française . Elle a donc souhaité, par l'adoption de 21 amendements , tenir davantage compte des spécificités culturelles, sociales et géographiques du territoire, renforcer les garanties accordées aux agents communaux, et consolider les instruments du dialogue social.
I. LE RECOURS À UNE ORDONNANCE DE L'ARTICLE 74-1 POUR UNE ACTUALISATION BIENVENUE DU STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES COMMUNAUX DE POLYNÉSIE FRANÇAISE
A. FACE À UN STATUT GÉNÉRAL QUASI INCHANGÉ DEPUIS 2011, DE VIVES REVENDICATIONS SOCIALES
1. Le statut général de la fonction publique des communes de Polynésie française : une création récente, la nécessité d'actualisations régulières
La fonction publique des communes de Polynésie française et de leurs groupements est la troisième fonction publique 2 ( * ) et la plus récente de Polynésie française : le personnel communal n'est doté d'un statut de droit public que depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 3 ( * ) . Tandis que, jusqu'à cette date, les quelque 4 700 agents communaux 4 ( * ) employés par les quarante-huit communes de Polynésie française relevaient d'un statut de droit privé et étaient soumis à des situations très hétérogènes, l'ordonnance définit un statut uniforme, qui leur permet de disposer des mêmes droits et obligations que les fonctionnaires territoriaux de la métropole et des départements d'outre-mer, tout en tenant compte des contraintes financières des communes, des groupements de communes et de leurs établissements publics administratifs.
Compte tenu des évolutions du droit général de la fonction publique, l'ordonnance de 2005 a fait l'objet d'une importante actualisation en 2011 ; de la même manière, les modifications législatives notables intervenues depuis cette date rendaient nécessaire une nouvelle actualisation du statut, afin d'y transposer notamment les apports de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires , et de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique .
Des communes récentes et dispersées, dotées d'un statut depuis 2004
Sur les 48 communes (et 98 communes associées) que compte la Polynésie française, 44 n'existent que depuis 1971 5 ( * ) ; elles sont réparties sur un ensemble géographique comprenant 121 îles (dont 76 habitées) , qui sont dispersées sur un espace océanique grand comme l'Europe 6 ( * ) . Si 275 918 habitants ont été recensés en 2017 7 ( * ) , les trois quarts d'entre eux habitent dans les 13 communes des îles du Vent (Tahiti, Moorea, Tetiaroa), tandis que le quart restant habite dans les quatre autres archipels (îles sous le Vent ; îles Australes ; îles Marquises ; îles Tuamotu-Gambier). Seules trois communes comptent plus de 20 000 habitants : Faa'a (28 000 habitants), Papeete (26 000) et Punaauia (24 000).
La loi organique statutaire du 27 février 2004 a conforté la place des communes au sein des institutions polynésiennes, en les reconnaissant comme collectivités territoriales de la République 8 ( * ) . Elle leur réserve des compétences d'attribution , en matière notamment de police municipale, de voirie communale ou encore de distribution d'eau potable. Enfin, l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 a étendu aux communes de Polynésie française l'application des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales .
2. Les revendications sociales exprimées en mai 2017 par les agents communaux
Par ailleurs, les agents communaux de Polynésie française ont fait valoir, dans le cadre du vaste mouvement de grève qui a touché l'ensemble des communes en mai 2017 , un certain nombre de revendications statutaires, telles que l'instauration d'une indemnité de départ volontaire à la retraite, le maintien des droits acquis avant l'intégration dans la fonction publique communale, ou encore la majoration du congé annuel pour tenir compte de l'ancienneté ou de la situation familiale de l'agent.
À la suite de l'accord conclu avec le Haut-commissaire fin mai 2017 , s'est ouverte une longue période de concertation entre le Gouvernement et les instances locales dont l'ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 constitue l'aboutissement.
* 1 La dernière modification d'ampleur de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs datait de la loi n°2011-664 du 16 juin 2011.
* 2 Aux côtés de la fonction publique de l'État et de la fonction publique de Polynésie française (dite aussi du Pays).
* 3 L'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, prise sur le fondement de l'article 14 (10°) de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, a donné à l'État la compétence pour fixer les règles relatives à la fonction publique communale.
* 4 Au 31 décembre 2021, la fonction publique de la Polynésie française comptait environ 4 300 fonctionnaires titulaires (source : Centre de gestion et de formation de Polynésie française).
* 5 En vertu de la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes sur le territoire de la Polynésie française ; les quatre communes qui existaient déjà avaient quant à elles vu le jour entre 1890 et 1965.
* 6 Soit 2,5 millions de km 2 , pour une superficie émergée de 4 200 km 2 .
* 7 Source : Institut national de la statistique et des études économiques, 2018.
* 8 Article 6 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.