Rapport n° 245 (2021-2022) de M. Daniel GREMILLET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 1er décembre 2021
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L'ESSENTIEL
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QU'EST-CE QUE LA TAXONOMIE VERTE ?
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OÙ EN SONT LES NÉGOCIATIONS SUR
L'INCLUSION
DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE ?
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POURQUOI INTÉGRER L'ÉNERGIE
NUCLÉAIRE
À LA TAXONOMIE VERTE ? 5 ARGUMENTS
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I. UN ATOUT FONDAMENTAL EN FAVEUR DE LA
DÉCARBONATION RECONNU AUX ÉCHELLES EUROPÉENNE ET
INTERNATIONALE
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II. UNE PRÉSENCE DANS PRÈS DE LA
MOITIÉ DES MIX DES ÉTATS MEMBRES CHOISIE SOUVERAINEMENT PAR EUX
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III. DES BÉNÉFICES
AVÉRÉS SUR LES PLANS ENVIRONNEMENTAL ET ÉCONOMIQUE
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IV. DES RISQUES ENCADRÉS S'AGISSANT DE LA
SÛRETÉ DES INSTALLATIONS ET DE LA GESTION DES DÉCHETS
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V. DES BESOINS ÉLEVÉS AU REGARD DES
INVESTISSEMENTS PRÉVUS NOTAMMENT EN FRANCE
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I. UN ATOUT FONDAMENTAL EN FAVEUR DE LA
DÉCARBONATION RECONNU AUX ÉCHELLES EUROPÉENNE ET
INTERNATIONALE
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LA POSITION DE LA COMMISSION :
POUR UNE INCLUSION DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
DANS LA TAXONOMIE VERTE, PRÉALABLE INDISPENSABLE À TOUT PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
SUR L'INCLUSION DU NUCLÉAIRE
DANS LE VOLET CLIMATIQUE
DE LA TAXONOMIE EUROPÉENNE
DES INVESTISSEMENTS DURABLES
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 245
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l' inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables ,
Par M. Daniel GREMILLET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
Voir les numéros :
Sénat : |
214 et 246 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Mercredi 1 er décembre 2021, la commission des affaires économiques a adopté la proposition de résolution , présentée par les sénateurs Daniel Gremillet (Les Républicains - Vosges), Claude Kern (Union Centriste - Bas-Rhin) et Pierre Laurent (Communiste, républicain, citoyen et écologiste - Paris), sur l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie européenne sur les investissements durables .
I. QU'EST-CE QUE LA TAXONOMIE VERTE ?
La « taxonomie verte » consiste en une classification des activités économiques au regard de leur impact environnemental, notamment en matière d'atténuation du changement climatique ou d'adaptation à ses effets, afin de faciliter le financement des plus vertueuses d'entre elles.
Ses objectifs sont doubles pour les investisseurs : d'une part, il s'agit de faciliter et de développer leurs investissements nécessaires à l'atteinte de l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050, issu de l'Accord de Paris de 2015, de la loi « Énergie-Climat » de 2019, et de la « Loi européenne sur le climat » de 2021 ; d'autre part, l'enjeu est aussi d'accroître l'information sur la performance environnementale des entreprises, pour renforcer la transparence des marchés et de lutter contre l'éco-blanchiment.
La taxonomie est issue du règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020.
Elle poursuit 6 objectifs environnementaux : l'atténuation du changement climatique ; l'adaptation au changement climatique ; l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et la réduction des pollutions ; la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Elle prévoit 3 catégories d'activités économiques : pour être qualifiées de durables, ces activités doivent poursuivre au moins l'un des 6 objectifs environnementaux et ne causer aucun préjudice aux autres (principe « Do No Significant Harm » - DNSH) ; à défaut, elles peuvent être qualifiées de transitoires - si aucune solution de remplacement n'existe - ou d'habilitantes - si elles permettent à d'autres activités de poursuivre ces objectifs.
La taxonomie emporte 3 conséquences majeures :
• Tout d'abord, elle vise à renforcer les règles de transparence financière. Les acteurs des marchés et les entreprises de plus de 500 salariés devront rendre compte de leur contribution à l'atteinte des objectifs environnementaux. Les produits financiers devront afficher la part des investissements réalisés dans des activités durables, habilitantes ou transitoires. Les déclarations de performance non financière devront préciser les parts des dépenses d'investissement ou de fonctionnement associées aux activités durables. Les autres acteurs économiques seront incités à le faire volontairement.
• Plus encore , la taxonomie entend réorienter les investissements économiques. En uniformisant les critères de durabilité des produits financiers et des obligations d'entreprise, elle facilitera les comparaisons et accroîtra la transparence. Dans le même temps, la taxonomie contribuera à lutter contre l'éco-blanchiment, c'est-à-dire la mise à disposition de produits ou d'obligations indument présentés comme durables. Ce cadre permettra de lever tout obstacle aux levées de fond pour les activités durables et de flécher les investissements vers de telles activités.
• Enfin, la taxonomie ambitionne de servir de point d'appui aux politiques publiques. Tout d'abord, les États membres et l'Union européenne devront appliquer ses critères dans les exigences imposées aux produits financiers ou aux obligations d'entreprise (mesures, normes ou labels). Par ailleurs, la taxonomie sera utilisée dans les futures politiques de l'Union européenne, en matière de finance durable et au-delà. Preuve de son importance, selon le règlement du 18 juin 2020, la taxonomie « pourrait servir de référence au futur droit de l'Union visant à faciliter la réorientation des investissements vers des activités économiques durables » et « pourrait également servir de base à d'autres mesures économiques et réglementaires » .
II. OÙ EN SONT LES NÉGOCIATIONS SUR L'INCLUSION DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE ?
Le règlement du 18 juin 2020 prévoit que la Commission européenne , après avis d'un groupe d'experts techniques, adopte un acte délégué pour fixer les critères permettant de déterminer si une activité contribue à l'atténuation du changement climatique et si elle cause un préjudice aux autres objectifs environnementaux.
Si un premier acte délégué a été pris le 4 juin 2021, il est muet sur l'énergie nucléaire.
Un premier rapport , du groupe d'experts techniques (GET), publié en mars 2020, n'a pas recommandé l'inscription de l'énergie nucléaire.
Il préconisait plutôt qu' « un travail technique d'ampleur soit entrepris sur les aspects DNSH de l'énergie nucléaire dans le futur par un groupe ayant une expertise technique approfondie sur le cycle de vie des technologies nucléaires et les impacts environnementaux existants ou potentiels » .
Sur cette base, un second rapport , du Centre commun de recherche (CCR), publié en mars 2021 1 ( * ) , a proposé l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie.
Il concluait ainsi qu' « aucune preuve scientifique [ne vient affirmer] que l'énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou l'environnement que d'autres technologies de production d'électricité déjà incluses dans la taxonomie » .
Conformément au rapport du CCR , la Commission européenne s'est engagée à intégrer l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.
Dans sa communication du 21 avril 2021, réitérée le 13 octobre dernier, elle a indiqué présenter un acte délégué complémentaire couvrant les secteurs ne l'étant pas encore, dont l'énergie nucléaire. Elle a aussi évoqué le gaz naturel comme activité transitoire.
Par ailleurs, plusieurs autorités européennes se sont personnellement exprimées.
• Le commissaire au commerce, Valdis Dombrovskis, a déclaré, en marge d'une réunion de l'Eurogroupe, début octobre, l'intérêt de reconnaître l'énergie nucléaire comme une source d'énergie bas-carbone.
• À l'issue du sommet européen des 21 et 22 octobre 2021, la présidente de la commission européenne, Ursula Van der Leyen, a de son côté évoqué le besoin de l'énergie nucléaire comme source stable, et du gaz naturel à titre transitoire.
• Le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, a fait part devant la commission des affaires européennes, le 28 octobre 2021, d'un compromis possible consistant à intégrer l'énergie nucléaire et le gaz naturel comme des activités transitoires.
Pour autant, l'inclusion de l'énergie nucléaire oppose deux groupes d'États membres .
Le premier groupe, conduit par la France, soutient cette inclusion.
Le Président de la République française et les chefs de Gouvernement de six États membres 2 ( * ) ont adressé une lettre à la Commission européenne en ce sens, le 19 mars 2021.
Dans une tribune, publiée le 10 octobre 2021, le ministre chargé de l'économie et la ministre déléguée chargée de l'industrie, ainsi que leurs 14 homologues de 9 autres pays européens 3 ( * ) , ont réaffirmé cette position.
Le second groupe, animé par l'Allemagne, rejette cette inclusion.
Dans une lettre adressée à la Commission européenne, le 30 juin 2021, les ministres de l'environnement de cinq États membres 4 ( * ) ont plaidé pour laisser la taxonomie inchangée.
À l'occasion de la COP26 de Glasgow, le 11 novembre 2021, les ministres de l'environnement de cinq États membres 5 ( * ) ont réaffirmé cette position.
À ce stade, l'acte délégué complémentaire est en attente : il pourrait être pris très prochainement, dans la mesure où la taxonomie doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2022.
III. POURQUOI INTÉGRER L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE ? 5 ARGUMENTS
Dans ce contexte très incertain, le rapporteur estime que 5 arguments plaident résolument en faveur de l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.
1. L'énergie nucléaire est un levier fondamental de décarbonation, reconnu aux échelons européen et international
En Europe, l'atteinte de la neutralité climatique suppose de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030, conformément à la « Loi européenne sur le climat » de 2021, et de multiplier par 2 la production d'électricité d'ici à 2050, selon le commissaire au marché intérieur : l'énergie nucléaire est donc indispensable . Elle est d'ailleurs soutenue par le traité Euratom , de 1957, et dans le cadre du 9 e programme-cadre d'Euratom, à hauteur de 1,4 Md€ sur 5 ans, selon la représentation permanente de la France.
Plus encore, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) , dans son rapport spécial Réchauffement planétaire à 1,5 °C , du 6 octobre 2018, a inclus « l'énergie nucléaire » , aux côtés des « énergies renouvelables » et du « captage et stockage du CO 2 » parmi ses options d'atténuation et de développement durable.
Enfin, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) , dans son rapport Science et technologie nucléaires dans l'adaptation au changement climatique , du 10 novembre 2021, a plaidé pour « contribuer aux efforts d'adaptation au changement climatique à travers la recherche et la coopération technique dans les science et technologie nucléaires » .
2. Le choix de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique relève de la seule compétence des États membres
L'article 194 , paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) reconnaît en effet que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit des États membres de déterminer les conditions d'exploitation de leurs ressources énergétiques, leur choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique .
Ce droit a été rappelé par le Conseil européen, dans la Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre notifiée aux Nations Unies en 2020, où il a précisé que « certains États membres ont indiqué qu'ils utilisaient l'énergie nucléaire comme part de leur mix énergétique ».
Dans ce contexte, la France a fait le choix de promouvoir l'énergie et l'hydrogène nucléaires : l'article L. 100-4 du code de l'énergie, tel que fixé par la loi « Transition énergétique » de 2015, et la loi « Énergie-Climat » de 2019, prévoit 50 % d'énergie nucléaire d'ici à 2035 (5°) et entre 20 et 40 % d'hydrogène bas-carbone ou renouvelable dans les consommations totale et industrielle à l'horizon 2030 (10°).
Outre la France, l'énergie nucléaire est répandue à l'échelle européenne , avec 106,31 gigawatts (GW) de capacités installées et 6,49 GW de capacités en construction selon l'AIE ; près la moitié des États membres disposent de réacteurs de 2 ème génération 6 ( * ) et un nombre significatif sont engagés dans la construction de réacteurs de 3 ème génération 7 ( * ) .
3. L'énergie nucléaire présente des bénéfices environnementaux et économiques avérés
C'est une énergie peu émissive : elle n'émet en moyenne que 6 grammes de CO 2 par kilowattheure (kWh) en France, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et 12 grammes de CO 2 / kWh dans le monde, pour le GIEC.
Outre les émissions de CO 2 , l'énergie nucléaire présente d'autres bénéfices environnementaux : ainsi, selon le rapport du CCR, son occupation des sols est inférieure aux énergies solaire ou éolienne et ses émissions de polluants 8 ( * ) comparables ou inférieures.
C'est un pilier de notre sécurité d'approvisionnement . La France dispose d'un parc de 56 réacteurs, soit une puissance installée de 62 GW et une production de 335 térawattheures (TWh) en 2020 ; cela représente 67 % de notre production d'énergie et 39 % de notre consommation d'énergie, selon Réseau de transport d'électricité (RTE).
C'est un atout pour notre compétitivité économique . La France exporte son électricité à hauteur de 44,8 TWh ; les ménages et les entreprises bénéficient, en outre, d'un coût de l'électricité inférieur de respectivement 13 et 17 % aux autres pays européens, selon le ministère de la transition écologique (MTE).
Enfin, l'énergie nucléaire est porteuse d'externalités positives dans nos territoires . Elle constitue, en définitive, la 3 ème filière industrielle française avec 2 600 entreprises, 200 000 emplois et 50 Md€ de recettes, selon le MTE.
4. Les risques posés par l'énergie nucléaire sur le plan de la sûreté des installations ou de la gestion des déchets sont encadrés
Si certains opposants à l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie, évoquent, au titre de son impact environnemental, les enjeux de la sûreté des installations et de la gestion des déchets, la commission des affaires économiques rappelle que ces enjeux sont strictement régulés en Europe , cette régulation devant garantir in fine une totale maîtrise des risques.
L'exploitation des installations nucléaires est contrôlée . La directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 impose aux États membres de créer une autorité de règlementation indépendante. Conformément à cette directive, la loi « TSN », 2006, soumet les installations et activités nucléaires au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Le recyclage des combustibles usés et le stockage des déchets nucléaires sont, eux aussi, encadrés . La directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 impose aux États membres de se doter d'un programme national de gestion des déchets radioactifs et du combustible usé. Conformément à cette directive, la loi « de programme relative à la gestion durable », de 2006, prévoit un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) et confie la gestion des déchets nucléaires à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
Le « mono-recyclage » des combustibles usés permet de séparer les matières valorisables des déchets nucléaires, et de créer un nouveau combustible - à base de plutonium (MOX) ou d'uranium (URE) - utilisé dans 22 réacteurs dans le 1 er cas et 2 dans le 2 nd , selon le MTE.
De plus, 90 % des déchets disposent en France d'une « filière de gestion ultime » : les déchets à très faible activité (TFA) et à faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) sont stockés au Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) ou au Centre de stockage de l'Aube (CSA), tandis que les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et les déchets à haute activité (HA) rejoindront le Centre industriel de stockage géologique pour les déchets (Cigéo), selon l'ANDRA.
Enfin, l'énergie nucléaire est l'objet d'un effort de recherche et de développement (R&D) . Bien que fortement affecté par l'abandon par le Gouvernement du projet Astrid en 2019, un tel effort existe en France en direction de la « fermeture du cycle du combustible », pour passer du « mono-recyclage » ou « multi-recyclage » des combustibles usés et des réacteurs de 3 ème génération à ceux de 4 ème génération.
Dans son rapport précité, le CCR a rappelé l'intérêt de pratiques rigoureuses d'exploitation, du stockage géologique des déchets et de l'effort de R&D pour maximiser le recyclage des combustibles usés et réduire la radiotoxicité des déchets.
5. Les besoins de financement de l'énergie nucléaire sont élevés au regard des investissements prévus notamment en France
La commission des affaires économiques plaide depuis longtemps pour un « retour en grâce » de l'énergie nucléaire . Elle a reporté de dix ans la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire, dans loi « Énergie-Climat », de 2019, et a conditionné toute fermeture de réacteur nucléaire à une étude d'impact sur le plan de la sûreté nucléaire, de la sécurité d'approvisionnement et des émissions de GES, dans la loi « Climat et résilience », de 2021. De plus, le Sénat a adopté, le 23 mars 2021, la résolution présentée par le président Bruno Retailleau, la présidente Sophie Primas et le rapporteur Daniel Gremillet, et cosignée par le président Jean-François Rapin « invitant le Gouvernement à [...] préserver la prédominance du nucléaire au sein de notre mix énergétique ».
La commission constate que l'étude Futurs énergétiques 2050 , de Réseau de transport d'électricité (RTE), propose des investissements en matière nucléaire . Dans cette étude, RTE a identifié les 2 défis auxquels la France est confrontée d'ici à 2050 : l'électrification de 15 à 60 % des usages ; le renouvellement du parc existant, avec un « effet falaise » dès 2040. Pour y faire face, RTE propose notamment un scénario à 50 % d'énergie nucléaire : il nécessite a minima la construction de 14 réacteurs pressurisés européens ( European Pressurized Reactors - EPR) et de 4 GW de petits réacteurs modulaires ( Small Modular Reactors - SMR) et un effort R&D en faveur de la « fermeture du cycle de combustible ».
Dans ce contexte, le Président de la République a opéré un virage complet dans la politique énergétique conduite, en annonçant l'allocation d'1 Md€ à l'énergie nucléaire, en octobre, et la construction de nouveaux réacteurs , en novembre. Si ces annonces doivent être précisées, de lourds investissements sont donc à prévoir, le MTE ayant évalué le « Grand Carénage » à 45 Md€ et le provisionnement pour démantèlement à 110 Md€, et le groupe EDF la construction de trois paires d'EPR à 46 Md€.
Or, si la majeure partie du financement de l'énergie nucléaire est publique, la portion privée sera conditionnée à la taxonomie . Faute d'être intégrée, l'énergie nucléaire pourrait ainsi être pénalisée par le truchement des produits financiers, des obligations d'entreprise ou des crédits export. À plus long terme, elle pourrait l'être par celui des écolabels voire des obligations vertes ou des aides d'État, selon l'importance que prendra la taxonomie dans la stratégie de l'Union européenne en matière de finance durable, et au-delà.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : POUR UNE INCLUSION DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE, PRÉALABLE INDISPENSABLE À TOUT PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS
Issue d'une initiative transpartisane, la proposition de résolution propose :
• d' inclure l'énergie nucléaire dans la taxonomie , en veillant à reconnaître les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de cette énergie en tant qu'activités durables ;
• de maintenir une neutralité technologique entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui issu des énergies renouvelables ;
• de ne pas soumettre les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire à des obligations d'information autres que celles applicables à toute activité durable ;
• d' adopter l'acte délégué avant le 31 décembre 2021 , afin d'entrer en vigueur de manière concomitante avec les autres dispositions de la taxonomie.
La commission des affaires économiques a adopté sans modification la proposition de résolution, examinée la semaine précédente par la commission des affaires européennes , rappelant qu'il s'agit d'un travail sénatorial commun.
Elle estime justifiée l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie verte , et le classement de la production d'électricité induite comme une activité durable.
Pour rappel, pour être qualifiée de durable, une activité économique doit poursuivre l'un des 6 objectifs environnementaux de la taxonomie et ne pas porter préjudice aux autres (principe « DNSH »).
Or, l'énergie nucléaire s'inscrit bien dans l'objectif d'atténuation climatique , compte tenu de ses très faibles émissions de GES.
Par ailleurs, le rapport du CCR a conclu que l'énergie nucléaire ne porte pas préjudice aux autres objectifs environnementaux, respectant ainsi le principe « DNSH ».
Selon lui, « la mise en oeuvre de mesures spécifiques, telles que la sélection des sites, la conception et la construction appropriée des installations, de même que des pratiques rigoureuses d'exploitation et de gestion des déchets, doivent permettre que les impacts potentiels sur la santé humaine et l'environnement restent dans les limites établies ».
À l'heure où la France et d'autres pays européens ont fait part de leur intention d'investir dans l'énergie nucléaire, la commission rappelle que le choix des mix énergétiques relève de la compétence souveraine des États membres.
C'est pourquoi il est impératif de garantir une totale neutralité technologique à l'égard de l'énergie et de l'hydrogène nucléaires. À cette condition , l'énergie nucléaire pourra être pleinement mobilisée au service de la neutralité climatique d'ici à 2050, découlant de nos engagements supranationaux. C'est fondamental car la décarbonation de notre économie est tout autant une obligation juridique qu'une exigence morale.
QU'EST-CE QUE LA TAXONOMIE VERTE ?
La « taxonomie verte » consiste en une classification des activités économiques au regard de leur impact environnemental, notamment en matière d'atténuation du changement climatique ou d'adaptation à ses effets, afin de faciliter le financement des plus vertueuses d'entre elles.
Ses objectifs sont doubles pour les investisseurs :
- d'une part, il s'agit de faciliter et de développer leurs investissements nécessaires à l'atteinte de l'objectif de « neutralité carbone » d'ici à 2050 , issu de l'Accord de Paris, du 12 décembre 2015 9 ( * ) , intégré dans le droit interne par la loi « Énergie-Climat » 10 ( * ) , du 8 novembre 2019, et conforté par la « Loi européenne sur le climat » 11 ( * ) , du 30 juin 2021 ;
- d'autre part, l'enjeu est aussi d'accroître l'information sur la performance environnementale des entreprises , ce qui permet de renforcer la transparence des marchés et de lutter contre l'éco-blanchiment.
Issue d'un engagement bien établi de l'Union européenne en faveur la finance durable (I), la taxonomie verte est une réglementation complexe (II) aux conséquences importantes (III).
I. UN ENGAGEMENT EUROPÉEN BIEN ÉTABLI EN FAVEUR DE LA FINANCE DURABLE
Depuis le début des années 2010 , l'Union européenne, s'est engagée en faveur de la finance durable.
Il s'agit d'une application concrète de l'article 3, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne (TUE), qui dispose que l'Union européenne « établit un marché intérieur » en oeuvrant « pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée [...] et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ».
Selon le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'Union européenne dispose, pour ce faire, d'une compétence exclusive pour l'établissement des règles de concurrence (article 3) et partagée s'agissant du marché intérieur, de l'environnement et de l'énergie (article 4).
Dans ce contexte, l'Union européenne a d'abord veillé à intégrer les enjeux climatiques dans les investissements privés comme publics.
- Dans une décision du 20 novembre 2013 12 ( * ) , le Parlement européen et le Conseil ont ainsi appelé le secteur privé à accorder une place plus importante à l'environnement et au climat .
- Dans un règlement du 25 juin 2015 13 ( * ) , ces mêmes instances ont fixé un objectif de 40 % d'investissements climatiques , dans le cadre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS).
Par la suite, l'Union européenne s'est dotée d'une stratégie globale et complète en matière de finance durable.
- Dans sa communication Prochaines étapes pour un avenir européen durable , du 22 novembre 2016 14 ( * ) , la Commission européenne a affirmé que toutes les actions et initiatives stratégiques de l'Union européenne doivent s'inscrire dans les objectifs de développement durable (ODD) , issus du Programme de développement durable des Nations Unies (PDDNU), du 25 septembre 2015.
- La finance ne fait pas exception à cet engagement : c'est pourquoi un groupe d'experts de haut niveau a été chargé d'élaborer une stratégie globale et complète en matière de finance durable.
- Cette stratégie a été formalisée dans le Plan d'action : financer la croissance durable , publié par la Commission européenne, le 8 mars 2018 15 ( * ) . Au sein de cette stratégie, la mise en oeuvre d'un système de classification unifié des activités durables a été identifiée comme l'action « la plus importante et la plus urgente ».
Aujourd'hui, l'Union européenne présente trois règlements pour concrétiser cette stratégie en matière de finance durable :
- le règlement établissant la taxonomie verte de l'Union européenne 16 ( * ) , du 18 juin 2020, qui propose donc une classification commune des activités économiques selon leur incidence environnementale ;
- le règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité des services financiers 17 ( * ) , du 27 novembre 2019, qui oblige les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers à identifier les risques liés à la durabilité, à les prendre en compte dans leurs processus et à fournir une information dans leurs produits financiers ;
- le règlement sur les indices utilisés comme indices de référence 18 ( * ) , du 8 juin 2016, qui veille à ce que les administrateurs en charge des indices de référence pour les instruments et contrats financiers ou les fonds d'investissement garantissent leur exactitude et leur intégrité.
Le rapporteur rappelle que le deuxième règlement a été intégré dans notre droit national, par l'article 29 de loi « Énergie-Climat » 19 ( * ) , du 8 novembre 2019, dont il était par ailleurs le rapporteur pour la commission des affaires économiques.
Cet article a ainsi permis de consolider les informations devant être publiées par les sociétés de gestion de portefeuille et certains investisseurs institutionnels 20 ( * ) sur les modalités de prise en compte des critères relatifs aux objectifs environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance (ESG) dans leurs politiques d'investissement.
Il a notamment prévu que ces sociétés ou investisseurs intègrent, dans leur « politique relative aux risques en matière de durabilité », une information sur les « risques associés au changement climatique » et « les risques liés à la biodiversité ».
Lors de l'examen de la loi « Énergie-Climat » , le rapporteur a veillé à ce que les dispositions nationales n'excèdent pas celles européennes, tant dans le contenu que les délais proposés : en effet, pour la commission des affaires économiques, les sur-transpositions, qui complexifient le cadre juridique et pénalisent les acteurs économiques, sont à proscrire.
II. LA TAXONOMIE VERTE : UNE RÈGLEMENTATION COMPLEXE
Telle que proposée par le règlement du 18 juin 2020, la taxonomie verte est une règlementation complexe .
Le rapporteur retient de cette règlementation (voir encadré) quatre points d'attention majeurs.
En premier lieu, le champ d'application de la taxonomie est large , puisqu'il englobe :
- les États membres et l'Union européenne , dans la définition des exigences imposées aux acteurs financiers ou aux émetteurs mettant à disposition des produits financiers ou des obligations d'entreprise qualifiés de durables ;
- les acteurs des marchés financiers mettant à disposition de tels produits financiers ;
- les entreprises 21 ( * ) soumises à l'obligation de publier une déclaration de performance non financière, le cas échéant consolidée.
En deuxième lieu, les objectifs environnementaux poursuivis par la taxonomie sont nombreux, puisqu'ils consistent en :
- l' atténuation du changement climatique ;
- l' adaptation au changement climatique ;
- l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;
- la transition vers une économie circulaire ;
- la prévention et la réduction des pollutions ;
- la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes .
En troisième lieu, la classification des activités économiques par la taxonomie est multiple, plusieurs catégories existant :
- les
activités durables
, qui poursuivent
au moins l'un des objectifs environnementaux précités, ne causent
aucun préjudice aux autres
- ce principe étant
appelé
« do no significant harm »
(DNSH) -, et respectent des garanties minimales et des critères
techniques ;
- les activités transitoires , pour lesquelles il n'existe aucune solution de remplacement, sous réserve que ces activités présentent des niveaux d'émissions de gaz à effet de serre (GES) performants, n'entravent pas le développement ou le déploiement de telles solutions de remplacement et n'entraînent aucun verrouillage d'actifs ;
- les activités habilitantes , qui permettent à d'autres activités de poursuivre directement l'un des objectifs environnementaux susvisés, dès lors que ces activités présentent un impact environnemental positif significatif et qu'elles n'entraînent aucun verrouillage d'actifs.
En dernier lieu, l'élaboration de la taxonomie est largement du ressort de la Commission européenne : le règlement du 18 juin 2020 a notamment prévu qu'elle adopte, avant le 30 décembre 2020, un acte délégué pour fixer les critères permettant de déterminer si une activité contribue à l'atténuation du changement climatique et si elle cause un préjudice aux autres objectifs environnementaux, pour une application le 1 er janvier 2022.
Que dit le règlement sur la taxonomie verte du 18 juin 2020 ? L' article 1 er applique le règlement sur la taxonomie aux États membres et à l'Union européenne dans la définition des exigences imposées aux acteurs financiers ou aux émetteurs en ce qui concerne les produits financiers ou les obligations d'entreprise mis à disposition comme durables, aux acteurs de marché mettant à disposition de tels produits financiers ainsi qu'aux entreprises soumises à l'obligation de publier une déclaration de performance non financière, le cas échéant consolidée. L 'article 3 prévoit de classer les activités économiques comme durables si elles contribuent substantiellement à un ou plusieurs des objectifs environnementaux, ne portent préjudice à aucun d'entre eux, sont exercées selon des garanties minimales - issues de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'Organisation des Nations unies (ONU) - et sont conformes à des critères d'examen technique. Définis à l' article 9 , les objectifs environnementaux ainsi poursuivis sont : l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction des pollutions, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. L' article 10 prévoit de classer les activités économiques comme contribuant à l'atténuation du changement climatique si elles concourent de manière substantielle à stabiliser les concentrations de GES, en évitant ou en réduisant ces émissions ou en améliorant leur absorption 22 ( * ) . Un acte délégué doit définir, avant le 31 décembre 2020, les critères d'examen technique permettant de déterminer si une activité contribue de manière substantielle à cet objectif d'atténuation et si elle cause un préjudice aux autres objectifs environnementaux, pour une application le 1 er janvier 2022. L'article 23 habilite la Commission à prendre de tels actes délégués et l' article 24 prévoit qu'elle soit accompagnée par un groupe d'experts des États membres. Outre les activités durables, deux autres catégories sont prévues. L 'article 10 permet de classer les activités économiques comme transitoires lorsqu'il n'existe pas de solution de remplacement sobre en carbone sur le plan technologique et économique, dès lors que ces activités présentent des niveaux d'émission correspondant aux meilleurs performances du secteur de l'industrie, n'entravent pas le développement ou le déploiement de telles solutions de remplacement et n'entraînent par un verrouillage d'actifs à forte intensité en carbone compte tenu de leur durée de vie économique. L'article 16 prévoit de classer les activités économiques comme habilitantes si elles permettent directement à d'autres activités d'apporter une contribution substantielle à l'un des objectifs environnementaux, dès lors que ces activités ont un impact environnemental positif significatif sur la base de considérations relatives au cycle de vie et n'entraînent pas un verrouillage d'actifs compromettant les objectifs environnementaux à long terme compte tenu de leur durée de vie économique. Plusieurs obligations s'imposent aux acteurs publics comme privés. L' article 4 prévoit que les États membres et l'Union européenne recourent aux critères de durabilité prévus pour déterminer si les activités sont durables. Les articles 5 à 7 définissent les obligations de transparence applicables aux informations financières et l'article 8 à celles non financières. Tout produit financier doit comprendre les informations relatives à l'un ou aux objectifs environnementaux ainsi qu'une description de la manière et de la mesure dans laquelle les investissements sous-jacents à ce produit sont effectués dans des activités durables. Il doit préciser la part des dépenses d'investissement réalisés pour le produit concerné, dans des activités durables, habilitantes ou transitoires. Toute déclaration non financière, le cas échéant consolidée, doit préciser la manière et la mesure dans laquelle les activités de l'entreprise sont associées à des activités durables. Elle doit préciser la part du chiffre d'affaires provenant de produits ou de services associés à des activités durables ainsi que les parts des dépenses d'investissement ou de fonctionnement associées à de telles activités. |
III. LA TAXONOMIE VERTE : DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES
Au regard des considérants du règlement du 18 juin 2020, la taxonomie verte emporte des conséquences importantes.
Tout d'abord, la taxonomie vise à renforcer les règles de transparence financière. D'une part, les acteurs des marchés et les entreprises couverts par le règlement devront rendre compte de leur contribution à l'atteinte des objectifs environnementaux fixés par la taxonomie. Les produits financiers devront afficher la part des investissements réalisés dans des activités durables, habilitantes ou transitoires. Les déclarations de performance non financière, le cas échéant consolidées, devront préciser les parts des dépenses d'investissement ou de fonctionnement associées aux activités durables. D'autre part, les opérateurs économiques non couverts par le règlement seront encouragés à le faire de manière volontaire.
Plus encore , la taxonomie entend réorienter les investissements économiques. En uniformisant les critères de mise à disposition des produits financiers et des obligations d'entreprise qualifiés de durables, elle facilitera les comparaisons et accroîtra la transparence. Dans le même temps, la taxonomie contribuera à lutter contre l'éco-blanchiment, c'est-à-dire la mise à disposition de produits ou d'obligations indument présentés comme durables. Ce cadre permettra de supprimer tout obstacle aux levées de fond pour les activités durables et de flécher les investissements vers de telles activités.
Enfin, la taxonomie ambitionne de servir de point d'appui à de futures politiques publiques. Tout d'abord, les États membres et l'Union européenne devront appliquer les critères issus de la taxonomie dans les exigences imposées aux produits financiers ou aux obligations d'entreprise, qu'il s'agisse de mesures, de normes ou de labels. Par ailleurs, la taxonomie doit permettre de consolider la politique de l'Union européenne en matière de finance durable, notamment par l'institution de normes ou la création de labels. Preuve de l'importance de la taxonomie, elle « pourrait servir de référence au futur droit de l'Union visant à faciliter la réorientation des investissements vers des activités économiques durables » et « pourrait également servir de base à d'autres mesures économiques et réglementaires ».
Au total, le rapporteur relève que , si la taxonomie verte a une incidence directe et à court terme sur les produits financiers et les obligations d'entreprise, elle pourrait avoir une incidence indirecte et à plus long terme sur les politiques publiques poursuivies par l'Union européenne et ses États membres.
OÙ EN SONT LES NÉGOCIATIONS SUR L'INCLUSION
DE
L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE ?
La prise en compte de l'énergie nucléaire par la « taxonomie verte » est l'objet d'une négociation entre les États membres , un premier groupe de pays - conduit par la France - plaidant pour son inclusion, au regard notamment de ses faibles émissions de GES, tandis qu'un second groupe de pays - animé par l'Allemagne - la refuse, en raison notamment des enjeux liés à la sûreté et aux déchets nucléaires.
Si l'énergie nucléaire a d'abord été omise de la taxonomie verte (I), un rapport a recommandé son inclusion (II), aujourd'hui soutenue par un nombre croissant d'autorités européennes et d'États membres (III).
I. UNE OMISSION INITIALE DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DE LA TAXONOMIE VERTE
Comme rappelé plus haut, le règlement sur la taxonomie verte , du 28 juin 2020, a prévu qu'un acte délégué , adopté par la Commission européenne en lien avec un groupe d'experts techniques, définisse les critères d'examen technique permettant de déterminer si une activité contribue de manière substantielle à l'objectif d'atténuation des émissions de GES et si elle cause un préjudice aux autres objectifs environnementaux (articles 10, 23 et 24).
Dans ce contexte, la question de l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte s'est posée.
Un premier rapport , du groupe d'experts techniques (GET) 23 ( * ) , publié en mars 2020, n'a pas recommandé l'intégration de l'énergie nucléaire.
Il préconisait plutôt qu'« un travail technique d'ampleur soit entrepris sur les aspects DNSH de l'énergie nucléaire dans le futur par un groupe ayant une expertise technique approfondi sur le cycle de vie des technologies nucléaires et les impacts environnementaux existants ou potentiels ».
C'est pourquoi un premier acte délégué a été publié le 4 juin 2021 24 ( * ) , sans comporter aucune référence à l'énergie nucléaire : le Parlement européen l'a adopté en septembre dernier et le Conseil peut s'y opposer jusque début décembre.
Cet acte délégué applique « pour les activités énergétiques, le seuil général de 100 gCO2e/kWh 25 ( * ) d'émissions sur l'ensemble du cycle de vie [...] à moins que les chiffres montrent clairement que les technologies concernées sont très au-dessous de ce niveau ».
Selon l'annexe I de cet acte délégué, la production d'électricité par une centrale hydroélectrique contribue à l'atténuation du changement climatique , dès lors qu'elle respecte ce seuil général d'émissions de GES et la législation européenne sur les règles de continuité écologique, issues de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2010 26 ( * ) .
Le rapporteur fait part de sa satisfaction : en effet, face aux hésitations initiales des autorités européennes, il avait appelé, dans une proposition de résolution, du 25 février 2021 27 ( * ) , à « valoriser l'hydroélectricité au même niveau que les énergies solaire et éolienne dans les négociations européennes afférentes à la “taxonomie verte” ».
Selon la même annexe, la fabrication d'hydrogène contribue elle aussi à l'atténuation du changement climatique, à la condition que ses émissions de GES soient inférieures à un seuil de 3 tCO2eq/tH2 28 ( * ) .
Le rapporteur estime que cette disposition va dans le bon sens ; dans son rapport d'information sur l'application de la loi « Énergie-Climat » 29 ( * ) , il avait appelé à éfendre l'hydrogène bas-carbone à l'échelle européenne, dans le cadre des négociations sur la “taxonomie verte? »
Enfin, la même annexe classe la production d'électricité ou de chaleur-froid par bioénergie comme contribuant à l'atténuation du changement climatique , dès lors notamment qu'elle respecte les critères de durabilité, prévus par la directive (UE) 2018 /2001 du 11 décembre 2018 30 ( * ) .
Là encore , c'est un élément de satisfaction pour le rapporteur , qui observe que le Sénat a récemment rappelé l'intérêt des biocombustibles, tels que les biocarburants 31 ( * ) ou le biogaz 32 ( * ) , pour notre transition et notre souveraineté énergétiques.
II. UNE INCLUSION PROMUE PAR LE RAPPORT DU CENTRE COMMUN DE RECHERCHE
Un second rapport , du Centre commun de recherche (CCR) 33 ( * ) , publié en mars 2021, a proposé l'intégration de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.
Il concluait ainsi qu'« aucune preuve scientifique [ne vient affirmer] que l'énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou l'environnement que d'autres technologies de production d'électricité déjà incluses dans la taxonomie » .
Ce second rapport a fait l'objet de deux avis , du Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) 34 ( * ) et du Groupe d'experts de l'article 31 du traité de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) 35 ( * ) , en juin 2021.
Le rapporteur retient de ce rapport une dizaine de constats, balancés et éclairants, sur l'impact environnemental de l'énergie nucléaire :
- les émissions de GES sont comparables à celles de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne ;
- d'autres émissions de polluants 36 ( * ) sont comparables ou inférieures à celles des énergies solaire ou éolienne ;
- l'occupation des sols est comparable à celle d'une centrale à gaz mais inférieure à celles des énergies solaire ou éolienne ;
- le taux de mortalité des centrales occidentales de 2 ème génération est plus faible que celui des énergies fossiles, de l'hydroélectricité ou de l'énergie éolienne mais plus fort que celui de l'énergie solaire ;
- la consommation d'eau et la pollution des cours d'eau nécessitent une attention particulière aux stades de la sélection des sites mais aussi de la conception et de la construction des centrales ;
- les effets nocifs des rayons ionisants pour les professionnels doivent être prévenus par de strictes mesures de radioprotection ;
- en ce qui concerne les déchets hautement radioactifs, il existe un large consensus que le stockage final dans les dépôts géologiques est la solution la plus efficace et la plus sûre ;
- un effort de recherche est consacré à la maximisation du recyclage du combustible usé dans les réacteurs nucléaires et à la réduction de la radiotoxicité des déchets hautement radioactifs dans les dépôts géologiques.
Au total, le rapporteur relève que , selon le rapport du CCR, un corpus de mesures spécifiques permet de maîtriser l'impact environnemental de l'énergie nucléaire : « la mise en oeuvre de mesures spécifiques, telles que la sélection des sites, la conception et la construction appropriée des installations, de même que des pratiques rigoureuses d'exploitation et de gestion des déchets, doivent permettre que les impacts potentiels sur la santé humaine et l'environnement restent dans les limites établies ».
III. UNE INCLUSION TOUJOURS ATTENDUE MAIS BÉNÉFICIANT D'UN SOUTIEN CROISSANT
La Commission européenne s'est engagée à intégrer l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte selon les conclusions du rapport du CCR.
Dans sa communication du 21 avril 2021 37 ( * ) , elle a indiqué présenter un acte délégué complémentaire à la taxonomie verte couvrant les secteurs ne l'étant pas encore, dont l'énergie nucléaire dès la fin du « processus de réexamen spécifique et conformément à ces résultats » prévue pour l'été 2021. Elle a également évoqué les activités de gaz naturel et les technologies connexes, en tant qu'activités transitoires.
La Commission européenne a réitéré cet engagement, sans plus préciser d'échéance, dans sa communication du 13 octobre 2021 38 ( * ) .
Par ailleurs, plusieurs autorités européennes ont fait part de leur soutien à l'intégration de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.
- Tout d'abord, le commissaire au commerce, Valdis Dombrovskis, a souligné, en marge d'une réunion de l'Europe, début octobre, l'intérêt de l'énergie nucléaire comme une source d'énergie bas-carbone dans l'effort de réduction des émissions de GES.
- À l'issue du sommet européen des 21 et 22 octobre 2021, la présidente de la commission européenne, Ursula Van der Leyen, a de son côté évoqué le besoin de l'énergie nucléaire comme source stable, et du gaz naturel à titre transitoire, aux côtés des énergies renouvelables.
- Enfin, le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, a indiqué devant la commission des affaires européennes du Sénat, le 28 octobre 2021, un compromis possible consistant à intégrer l'énergie nucléaire, comme le gaz naturel, comme des activités transitoires.
Pour autant, l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte continue d'opposer deux groupes d'États membres.
Le premier groupe, conduit par la France, soutient cette inclusion.
Dans une lettre adressée à la Commission européenne, le 19 mars 2021, le Président de la République française et les chefs de Gouvernement de six États membres 39 ( * ) ont ainsi demandé de garantir dans l'Union européenne l'application du principe de neutralité technologique, en veillant à ne pas exclure l'énergie nucléaire des politiques climatiques et énergétiques, y compris de la taxonomie verte.
Dans une tribune publiée le 10 octobre 2021 40 ( * ) , le ministre chargé de l'économie, des finances et de la relance et la ministre délégué à l'industrie, ainsi que leurs 14 homologues de 9 autres pays européens 41 ( * ) , ont estimé vital que l'énergie nucléaire soit incluse dans la taxonomie verte.
Le second groupe, animé par l'Allemagne, rejette cette inclusion.
Dans une lettre transmise à la Commission européenne, le 30 juin 2021, les ministres de l'environnement de cinq États membres 42 ( * ) ont demandé à ce que l'énergie nucléaire ne soit pas intégrée dans la taxonomie verte.
À l'occasion de la COP26 de Glasgow, le 11 novembre 2021, les ministres de l'environnement de cinq États membres 43 ( * ) ont avancé que l'énergie nucléaire est incompatible avec le principe « DNSH », craignant que son intégration érode l'intégrité, la crédibilité et l'utilité de la taxonomie verte.
À ce jour, la position du Gouvernement français semble être celle de l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte, et du gaz naturel à titre transitoire, la ministre de la transition écologique Barbara Pompili s'étant exprimée en ce sens, devant la commission des affaires économiques du Sénat, le 22 novembre 2021.
POURQUOI INTÉGRER L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
À LA
TAXONOMIE VERTE ? 5 ARGUMENTS
Un vif débat oppose aujourd'hui les partisans de l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la « taxonomie verte » à ses opposants.
En réalité, pour juger de l'opportunité d'intégrer une source d'énergie bas-carbone à la taxonomie verte, il convient d'apprécier si ses avantages dépassent ses inconvénients.
C'est d'ailleurs le sens de la taxonomie verte, elle-même , puisqu'un considérant du règlement du 18 juin 2020 indique qu'« une activité économique ne devrait pas être considérée comme durable sur le plan environnemental si ses avantages ne l'emportent pas sur les dommages qu'elle cause à l'environnement » .
Dans ce contexte, le rapporteur estime que l'énergie nucléaire doit être incluse dans la taxonomie verte car ses avantages dépassent très largement ses inconvénients.
Pour lui, cinq arguments plaident donc en faveur de cette inclusion : utile à la décarbonation (I) et présente dans nombreux mix (II), l'énergie nucléaire est caractérisée par des bénéfices avérés (III), des risques encadrés (IV) et des besoins de financement élevés (V).
I. UN ATOUT FONDAMENTAL EN FAVEUR DE LA DÉCARBONATION RECONNU AUX ÉCHELLES EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE
Le rapporteur rappelle que la décarbonation de notre économie est une obligation découlant des engagements internationaux de la France.
La 21 ème Conférence des parties (COP21) de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), réunie à Paris en décembre 2015, a fixé pour objectif une réduction du réchauffement climatique en-dessous de 2 degrés d'ici la fin du siècle, cet objectif ayant été fixé en-dessous de 1,5 degré par la COP26 à Glasgow, en novembre 2021.
Dans ce contexte, l'article 4 de l'Accord de Paris, signé par la France le 12 décembre 2015 et ratifié par elle le 5 octobre 2016, assigne aux plus de 190 États parties la nécessité d'atteindre la « neutralité carbone » d'ici à 2050, entendue comme un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de GES.
Pour y parvenir, le rapporteur constate que l'Union européenne a fixé des objectifs très exigeants.
Elle a ainsi fixé pour objectif de réduire de 55 % ses émissions de GES d'ici à 2030 et de parvenir à la neutralité climatique d'ici à 2050, conformément à la « Loi européenne sur le climat ».
Or, le secteur de l'énergie représentant 75 % des émissions de GES de l'Union européenne, c'est sur lui que va reposer l'essentiel de l'effort de décarbonation : selon le commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton, un doublement de la production d'électricité est ainsi attendu d'ici à 2050.
La neutralité climatique ne peut donc pas être atteinte sans l'énergie nucléaire, aux côtés de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, dont les objectifs de développement sont, quant à eux, élevés mais limités.
En effet, l'Union européenne a fixé pour objectifs de réduire entre 36 à 39 % sa consommation d'énergie et d'accroître entre 40 à 49 % sa production d'énergie renouvelable d'ici à 2030, conformément au « Pacte vert pour l'Europe » 44 ( * ) .
Le rapporteur relève que l'énergie nucléaire a été promue sur un plan économique par l'Union européenne.
Dès 1957, le traité instituant une Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), dans son article 2, a prévu de faciliter les investissements et d'assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l'énergie nucléaire dans la Communauté.
Aujourd'hui, l'énergie nucléaire continue de faire l'objet d'un effort de recherche européen : le 9 ème programme-cadre d'Euratom pour des activités de recherche et de formation (PCRD), composante d'Horizon Europe, dispose ainsi de 1,4 Md € sur 5 ans, selon la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.
Le rapporteur observe que l'énergie nucléaire est également promue sur un plan environnemental par des organismes internationaux.
D'une part, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dans son rapport spécial Réchauffement planétaire à 1,5 °C , du 6 octobre 2018, a inclus « l'énergie nucléaire » , aux côtés des « énergies renouvelables » et du « captage et stockage du CO 2 » parmi les options d'atténuation et de développement durable évaluées dans le secteur de l'approvisionnement énergétique.
D'autre part, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans son rapport Science et technologie nucléaires dans l'adaptation au changement climatique , du 10 novembre 2021, a plaidé pour « contribuer aux efforts d'adaptation au changement climatique à travers la recherche et la coopération technique dans les science et technologie nucléaires » .
II. UNE PRÉSENCE DANS PRÈS DE LA MOITIÉ DES MIX DES ÉTATS MEMBRES CHOISIE SOUVERAINEMENT PAR EUX
Le rapporteur relève que le choix de l'énergie nucléaire relève de la compétence souveraine des États membres, à laquelle la taxonomie verte doit nécessairement s'articuler, en respectant une neutralité technologique.
L'article 194, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) reconnaît en effet que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit des États membres de déterminer les conditions d'exploitation de leurs ressources énergétiques, leur choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique.
Ainsi, le Conseil européen, dans sa Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre notifiée le 6 mars 2020 à la CCNUCC, a rappelé le droit des États membres à décider de leur mix et à choisir leurs technologies, précisant que « certains États membres ont indiqué qu'ils utilisaient l'énergie nucléaire comme part de leur mix énergétique ».
Le rapporteur souligne que, si la France a fait le choix de l'énergie nucléaire, elle n'est pas seule à l'échelle de l'Union européenne puisque près de la moitié des États membres disposent de capacités installées.
En France, l'article L. 100-4 du code de l'énergie, tel que fixé par la commission des affaires économiques du Sénat dans la loi « Transition énergétique » 45 ( * ) , du 17 août 2015, et modifié par elle dans la loi « Énergie-Climat » 46 ( * ) , du 8 novembre 2019, prévoit pour objectifs l'atteinte de la « neutralité carbone » à l'horizon 2050 (1°), la réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 (2°), une part d'énergie nucléaire de 50 % d'ici à 2035 (5°) et une part d'hydrogène renouvelable et bas - carbone de 20 à 40 % des consommations totales et industrielles à l'horizon 2030 (10°).
Ces objectifs très ambitieux placent résolument l'énergie nucléaire au centre du mix électrique de la France.
Hormis la France, l'énergie nucléaire est répandue à l'échelle européenne, avec 106,31 gigawatts (GW) de capacités installées et 6,49 GW de capacités en construction, selon l'AIE.
Près de la moitié des États membres 47 ( * ) dispose d'un parc de réacteurs de 2 ème génération et un nombre significatif 48 ( * ) sont engagés dans la construction de réacteurs de 3 ème génération.
III. DES BÉNÉFICES AVÉRÉS SUR LES PLANS ENVIRONNEMENTAL ET ÉCONOMIQUE
Le rapporteur fait observer que l'énergie nucléaire est un levier de décarbonation.
Elle n'émet en France que 6 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure (gCO 2 /kWh), selon la « Base carbone » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Il s'agit d'une performance supérieure aux moyennes françaises du charbon (1058), du gaz (418) ou du fioul (730), mais aussi aux moyennes mondiales de l'éolien (9 à 10), du photovoltaïque (13 à 32), du biogaz (11) ou de l'hydroélectricité (10 à 13).
De son côté, le GIEC avance une estimation de 12 gCO 2 /kWh mondialement.
Ce constat a été corroboré par le rapport du CCR, qui estime que les émissions de GES de l'énergie nucléaire sont comparables à celles de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne ( voir supra) .
Grâce à l'énergie nucléaire, seules 10 % des émissions de GES nationales sont dues au secteur de l'industrie de l'énergie, alors que 46 % des émissions de GES mondiales sont liées à la production d'électricité, selon le ministère de la transition écologique (MTE).
Outre les émissions de GES, le rapporteur observe que l'énergie nucléaire présente d'autres bénéfices sur le plan environnemental.
Pour la Société française de l'énergie nucléaire (SFEN), l'énergie nucléaire évite chaque année 55 000 tonnes de poussières, 1,7 M de tonnes de dioxyde de soufre et 890 000 tonnes d'oxydes d'azote.
De son côté, tout en appelant à une attention spécifique s'agissant de la consommation d'eau et de la pollution des cours d'eau, le rapport du CCR considère que l'occupation des sols est inférieure aux énergies solaire ou éolienne et l'émission de polluants 49 ( * ) comparable ou inférieure ( voir supra).
Sur le plan économique, le rapporteur estime que l'énergie nucléaire constitue le pilier de notre sécurité d'approvisionnement .
La France dispose en effet d'un parc thermonucléaire de 56 réacteurs, soit une puissance installée de 62 GW ; en 2020, ce parc offre une production de 335 térawattheures (TWh), ce qui représente 67 % de notre production d'électricité, selon Réseau de transport d'électricité (RTE). Pour cette même année, ce parc assure 40 % de notre consommation d'énergie primaire, selon le MTE.
De plus, le rapporteur considère que l'énergie nucléaire est un atout pour notre compétitivité économique.
La France exporte ainsi son électricité à hauteur de 44,8 TWh, les ménages et les entreprises bénéficiant, en outre, d'un coût de l'électricité inférieur de respectivement 13 et 17 % aux autres pays européens, selon le MTE.
Enfin, le rapporteur souligne que l'énergie nucléaire est porteuse d'externalités positives dans nos territoires.
Elle constitue en définitive la 3 ème filière industrielle française avec 2 600 entreprises, 200 000 emplois et 50 Md€ de recettes, dont 1 Md pour la recherche et le développement (R&D), selon le MTE.
IV. DES RISQUES ENCADRÉS S'AGISSANT DE LA SÛRETÉ DES INSTALLATIONS ET DE LA GESTION DES DÉCHETS
Si les installations nucléaires présentent des risques, le rapporteur rappelle que leur exploitation est strictement encadrée sur le plan de la sûreté, aux échelles nationale comme européenne.
L'article 2 du traité Euratom de 1957 prévoit ainsi d'établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et de veiller à leur application.
Sur ce fondement, la directive 2009/71/Euratom du 25 juin 2009 50 ( * ) impose aux États membres des mettre en place un cadre législatif et réglementaire, comprenant une autorité de règlementation indépendante.
Conformément à cette directive, la loi « TSN » 51 ( * ) , du 13 juin 2006, soumet, en France, les installations et les activités nucléaires au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Dans son rapport, le CCR a rappelé la nécessité de pratiques rigoureuses s'agissant de l'exploitation des centrales nucléaires ( voir supra) .
Dans le même esprit, si les installations nucléaires produisent des déchets, le rapporteur observe que leur recyclage et leur stockage sont eux aussi strictement encadrés, par le droit national comme européen.
La directive 2011/70/Euratom 19 juillet 2011 52 ( * ) oblige les États membres à se doter d'un cadre législatif et réglementaire, prévoyant un programme national de gestion des déchets radioactifs et du combustible usé.
Conformément à cette directive, la loi « de programme relative à la gestion durable » 53 ( * ) , du 28 juin 2006, prévoit un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) et confie la gestion des déchets nucléaires à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
Le « mono-recyclage » des combustibles usés permet de séparer les matières valorisables des déchets nucléaires, et de créer un nouveau combustible - à base de plutonium (MOX) ou d'uranium (URE) - utilisé dans 22 réacteurs dans le premier cas et 2 dans le second, selon le MTE.
De plus, 90 % des déchets nucléaires disposent en France d'une « filière de gestion ultime » : les déchets à très faible activité (TFA) et à faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) sont stockés au Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (CIRES) ou au Centre de stockage de l'Aube (CSA), tandis que les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et les déchets à haute activité (HA) rejoindront le Centre industriel de stockage géologique pour les déchets (Cigéo), dont les autorisations pourraient être déposées en 2022, selon l'ANDRA.
Dans son rapport, le CCR a rappelé l'intérêt du stockage géologique comme solution la plus efficace et la plus sûre pour les déchets hautement radioactifs ( voir supra) .
Hormis les enjeux de la sureté des installations et de la gestion des déchets, le rapporteur constate que l'approvisionnement en uranium fait l'objet d'une stratégie destinée à assurer l'indépendance de la France.
La consommation en uranium de notre pays est faible, puisque les importations sont de 62 000 tonnes par an, sur un gisement mondial de 7,6 millions, selon le MTE ; le groupe EDF a de surcroît recours à une stratégie visant à diversifier les pays, sécuriser les contrats et constituer des stocks.
Enfin, le rapporteur fait observer que l'énergie nucléaire est l'objet de programmes de R&D.
Bien que fortement affecté par l'abandon par le Gouvernement du projet de démonstrateur Astrid en 2019, un effort de R&D en faveur de la « fermeture du cycle du combustible » existe ainsi en France, pour passer du « mono-recyclage » ou « multi-recyclage » des combustibles usés et pour passer des réacteurs de 3 ème génération à ceux de 4 ème génération, à l'instar des réacteurs nucléaires à neutrons rapides (RNR).
Dans son rapport, le CCR a ainsi salué l'effort de recherche engagé en direction de la maximisation du recyclage des combustibles usés et de la réduction de la radiotoxicité des déchets hautement radioactifs.
V. DES BESOINS ÉLEVÉS AU REGARD DES INVESTISSEMENTS PRÉVUS NOTAMMENT EN FRANCE
Le rapporteur se félicite de constater, dans le débat public, un « retour en grâce » de l'énergie nucléaire, que le Sénat et sa commission des affaires économiques ont depuis toujours soutenu.
Sur la proposition de son rapporteur Daniel Gremillet, la commission des affaires économiques a reporté de dix ans la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, dans loi « Énergie-Climat » 54 ( * ) , du 8 novembre 2019, et conditionné toute fermeture de réacteur nucléaire à une étude d'impact sur le plan de la sûreté nucléaire, de la sécurité d'approvisionnement et des émissions de GES, dans le cadre de la loi « Climat et résilience » 55 ( * ) , du 21 août 2021.
De plus, le Sénat a adopté, le 23 mars 2021, la résolution présentée par le président Bruno Retailleau, la présidente Sophie Primas et le rapporteur Daniel Gremillet 56 ( * ) et cosignée par le président Jean-François Rapin « invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques en cherchant à préserver la prédominance du nucléaire au sein de notre mix énergétique ».
Le rapporteur constate que l'intérêt de l'énergie nucléaire a été reconnu par RTE, qui gère le réseau de transport d'électricité et garantit l'équilibre offre-demande.
Dans son étude Futurs énergétiques 2050 , RTE a ainsi identifié les deux défis auxquels la France est confrontée d'ici à 2050 : l'électrification de 15 à 60 % des usages ; le renouvellement du parc existant avec un « effet falaise » dès 2040.
Parmi les six scénarii proposé par RTE, ceux les plus « nucléarisés » sont les moins émissifs et les moins coûteux.
Pour atteindre le scénario à 50 % d'énergie nucléaire, RTE estime nécessaires la construction de 14 réacteurs pressurés européens ( European Pressurized Reactors - EPR) et de 4 GW de petits réacteurs modulaires ( Small Modular Reactors - SMR) ainsi qu'un effort R&D en faveur de la « fermeture du cycle de combustible » .
Le rapporteur observe que les annonces récemment faites par le Président de la République, dans le domaine de l'énergie nucléaire, nécessiteront de lourds investissements pour aboutir.
Opérant un complet revirement dans la politique énergétique conduite, le Président de la République a ainsi annoncé l'allocation d'1 Md€ à l'énergie nucléaire, dont 500 M€ pour les SMR, en octobre, ainsi que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en novembre ; ces annonces doivent encore être précisées, chiffrées et appliquées.
De lourds investissements sont toutefois à prévoir, le MTE ayant évalué le « Grand Carénage » à 45 Md€ et le provisionnement pour démantèlement à 110 Md€, tandis que le groupe EDF a évalué la construction de trois paires d'EPR à 46 Md€.
Or, le rapporteur retient de ses auditions que la taxonomie verte conditionnera le financement de l'énergie nucléaire.
Si la majeure partie de ce financement est de nature publique, la taxonomie aura une incidence sur celui de nature privée. Faute d'être intégrée dans la taxonomie, l'énergie nucléaire pourrait ainsi être pénalisée par le truchement des produits financiers, des obligations d'entreprise ou des crédits export. À plus long terme, elle pourrait également l'être par celui des écolabels voire des obligations vertes ou des aides d'État.
Dans ce contexte, le rapporteur plaide pour l'application d'une totale neutralité technologique à l'énergie et à l'hydrogène nucléaires.
D'une part, le groupe Électricité de France (EDF) estime nécessaire d'intégrer l'énergie nucléaire dans la taxonomie. Auditionné par la commission des affaires économiques, le 10 novembre 2021, le président-directeur général d'EDF, a dénoncé une « situation abracadabrante » , critiquant l'incohérence de l'Union européenne entre son objectif de lutte contre le réchauffement climatique et l'exclusion du nucléaire de la taxonomie.
D'autre part, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'estime pas souhaitable de distinguer l'hydrogène nucléaire de celui renouvelable. Dans sa délibération n° 2020-231 du 24 septembre 2020 57 ( * ) , l'autorité de régulation a appelé à ne pas distinguer entre ces deux sources, dans les dispositifs de soutien apportés à la filière, estimant « qu'il n'existe aucune raison de distinguer entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas carbone », car « l'objectif principal de décarbonation de l'hydrogène peut tout aussi bien être atteint avec de l'électricité nucléaire, qu'avec de l'électricité produite avec des énergies de source renouvelable »
LA
POSITION DE LA COMMISSION :
POUR UNE INCLUSION DE L'ÉNERGIE
NUCLÉAIRE
DANS LA TAXONOMIE VERTE, PRÉALABLE INDISPENSABLE
À TOUT PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS
Compte tenu des éléments exposés plus haut, le rapporteur estime légitime l'intégration de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte.
Aussi a-t-il suggéré à la commission que la proposition de résolution transpartisane soumise à son examen (I) soit adoptée sans modification (II).
I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : UNE INITIATIVE TRANSPARTISANE, VISANT À INCLURE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LA TAXONOMIE VERTE
Déposée par les Sénateurs Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent, la proposition de résolution est issue d'une initiative transpartisane.
Elle a pour objet l'intégration de l'énergie nucléaire au le volet climatique de la taxonomie verte.
Pour ce faire, les auteurs proposent :
- d' inclure l'énergie nucléaire dans la taxonomie , en veillant à reconnaître les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de cette énergie en tant qu'activités durables ;
- de maintenir une neutralité technologique entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui issu des énergies renouvelables ;
- de ne pas soumettre les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire à des obligations d'information autres que celles applicables à toute activité durable.
Ils préconisent , en outre, que l'acte délégué soit pris avant le 31 décembre 2021 , afin d'entrer en vigueur de manière concomitante avec les autres dispositions de la taxonomie.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE INITIATIVE OPPORTUNE, CONSOLIDANT LA POSITION FRANÇAISE DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES
Mercredi 1 er décembre 2021, la commission des affaires économiques a adopté sans modification la proposition de résolution .
Elle estime justifiée l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie verte, et le classement de la production d'électricité induite comme une activité durable.
Pour rappel, pour être qualifiée de durable, une activité économique doit poursuivre l'un des 6 objectifs environnementaux de la taxonomie et ne pas porter préjudice aux autres (principe « DNSH »).
Or, l'énergie nucléaire s'inscrit bien dans l'objectif d'atténuation climatique, compte tenu de ses très faibles émissions de GES : celles-ci se limitent à 6 gCO 2 /kWh en France, selon l'ADEME, et à 12 gCO 2 /kWh dans le monde, pour le GIEC.
Par ailleurs, le rapport du CCR a conclu que l'énergie nucléaire ne porte pas préjudice aux autres objectifs environnementaux, respectant ainsi le principe « DNSH ».
Selon ce rapport, « la mise en oeuvre de mesures spécifiques, telles que la sélection des sites, la conception et la construction appropriée des installations, de même que des pratiques rigoureuses d'exploitation et de gestion des déchets, doivent permettre que les impacts potentiels sur la santé humaine et l'environnement restent dans les limites établies ».
À l'heure où la France et d'autres pays européens ont fait part de leur intention d'investir dans l'énergie nucléaire, la commission rappelle que le choix des mix énergétiques relève de la compétence souveraine des États membres.
C'est pourquoi il est impératif de garantir une totale neutralité technologique à l'égard de l'énergie et de l'hydrogène nucléaires :
- à court terme, l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie permettra de ne pas pénaliser cette source d'énergie décarbonée s'agissant des produits financiers, des obligations d'entreprise ou encore des crédits export ;
- à plus long terme, cette inclusion garantira sa prise en compte par la stratégie de l'Union européenne en matière de finance durable, ainsi que dans les autres politiques publiques, prévenant toute distorsion entre les différents sources d'énergie décarbonées concernant les écolabels voire les obligations vertes ou les aides d'État.
À cette condition , l'énergie nucléaire pourra être pleinement mobilisée au service de la neutralité climatique d'ici 2050, découlant de nos engagements internationaux et européens.
C'est fondamental car la décarbonation de notre économie est tout autant une obligation juridique qu'une exigence morale.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
SUR L'INCLUSION DU
NUCLÉAIRE
DANS LE VOLET CLIMATIQUE
DE LA TAXONOMIE
EUROPÉENNE
DES INVESTISSEMENTS DURABLES
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 194, notamment son paragraphe 2, et 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), notamment son article 2,
Vu l'Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,
Vu le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 dit règlement sur la taxonomie,
Vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement Européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 dit « Loi européenne sur le climat »,
Vu le règlement délégué (UE) .../... de la Commission du 4 juin 2021 complétant le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil par les critères d'examen technique permettant de déterminer à quelles conditions une activité économique peut être considérée comme contribuant substantiellement à l'atténuation au changement climatique ou à l'adaptation à celui-ci et si cette activité économique ne cause de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux C(2021) 2800 final,
Vu la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs,
Vu la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires,
Vu la « Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre » de l'Union européenne et de ses États membres, notifiée le 6 mars 2020 par le Conseil européen à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC),
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen (CESE) et au Comité des régions (CdR) du 11 décembre 2019 instituant « Le Pacte vert pour l'Europe », COM (2019) 640 final,
Vu la communication de la Commission du 21 avril 2021 intitulée « Taxonomie de l'Union européenne, publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de développement durable et obligations fiduciaires : orienter les financements vers le programme vert pour l'Europe »,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen (CESE) et au Comité des régions (CdR) du 13 octobre 2021 intitulée : « La lutte contre la hausse des prix de l'énergie : une panoplie d'instruments d'action et de soutien », COM (2021) 660 final,
Vu la déclaration de la présidente de la Commission à l'issue de la réunion du Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021,
Vu le rapport et son annexe du Groupe d'experts techniques (GET) sur la finance durable de mars 2020 intitulés « Taxonomy report : technical report » et « Taxonomy report : technical annex »,
Vu le rapport du Centre commun de recherche (CCR) du 29 mars 2021 intitulé « Technical assessment of nuclear energy with respect to the "do no significant harm" criteria of Regulation (EU) 2020/852 ("Taxonomy Regulation") »,
Vu le rapport du Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) sur le rapport du CCR précité, du 29 juin 2021,
Vu l'opinion du Groupe d'experts de l'article 31 du traité Euratom susmentionné, du 28 juin 2021, sur le même rapport,
Vu le rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) du 6 octobre 2018 intitulé « Réchauffement planétaire de 1,5°C » et le premier volume du rapport spécial du 9 août 2021 consacré aux sciences physiques du changement,
Vu le rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) du 10 novembre 2021 intitulé « Nuclear Science and Technology for Climate Adaptation and Resilience »,
Considérant que la taxonomie, établie en vertu du règlement (UE) 2020/852, pose un cadre nouveau qui tend à évaluer selon des critères techniques les activités économiques qualifiées de durables sur le plan environnemental, afin d'encourager la réorientation des flux financiers vers ces activités ;
Considérant que la taxonomie environnementale européenne constitue de plus en plus un outil de référence pour les produits financiers et les labels européens de finance durable mais aussi à terme en matière de finances publiques ;
Considérant que les articles 10 et 11 du règlement (UE) 2020/852 sur la taxonomie prévoyaient que la Commission européenne adopte un acte délégué relatif, respectivement, à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à celui-ci de la taxonomie de l'Union européenne, en ce qui concerne les critères d'examen technique, au plus tard le 31 décembre 2020 ;
Considérant que le règlement délégué (UE) .../... de la Commission du 4 juin 2021 complétant le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil par les critères d'examen technique permettant de déterminer à quelles conditions une activité économique peut être considérée comme contribuant substantiellement à l'atténuation au changement climatique ou à l'adaptation à celui-ci et si cette activité économique ne cause de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux n'a malheureusement pas statué sur le caractère durable de l'activité de production nucléaire, la Commission renvoyant à un acte délégué complémentaire ;
Considérant que l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ;
Considérant que le Conseil européen, dans sa « Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre » notifiée le 6 mars 2020 à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a rappelé le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique et de choisir leurs techniques, précisant que « certains États membres ont indiqué qu'ils utilisaient l'énergie nucléaire comme part de leur mix énergétique » ;
Considérant que l'article 19 du règlement (UE) 2020/852 sur la taxonomie établit que les critères d'examen technique des activités économiques doivent respecter le principe d'égalité de traitement dès lors que celles-ci contribuent à au moins un des objectifs environnementaux afin d'éviter toute distorsion de concurrence sur le marché ;
Considérant que l'article 2 du traité instituant une Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) prévoit de faciliter les investissements et d'assurer la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l'énergie nucléaire dans la Communauté, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, ainsi que d'établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et de veiller à leur application ;
Considérant que la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires concourt au renforcement de la sûreté nucléaire au sein de l'Union européenne et impose à chaque État membre de mettre en place un cadre législatif et réglementaire comprenant une autorité de règlementation indépendante ;
Considérant que la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs contribue au renforcement de la sûreté nucléaire au sein de l'Union européenne et impose à chaque État membre de se doter d'un cadre législatif et réglementaire visant à mettre en place des programmes nationaux de gestion des déchets radioactifs et du combustible usé ;
Considérant que la 21 ème Conférence des parties (COP21) de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), réunie à Paris en décembre 2015, a fixé pour objectif une réduction du réchauffement climatique en-dessous de 2 degrés d'ici la fin du siècle, cet objectif ayant été fixé en-dessous de 1,5 degré par la COP26 à Glasgow en novembre 2021 ;
Considérant que l'article 4 de l'Accord de Paris, signé par la France le 12 décembre 2015 et ratifié par elle le 5 octobre 2016, assigne aux plus de 190 États parties la nécessité d'atteindre la « neutralité carbone » d'ici à 2050, entendue comme un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre (GES) ;
Considérant que l'Union européenne s'est fixé pour objectif de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et de parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050, conformément à la loi européenne sur le climat, et que le secteur de l'énergie représente 75 % ces émissions, selon la Commission européenne ;
Considérant que l'Union européenne s'est également fixé pour objectifs de réduire, d'ici à 2030, de 36 % sa consommation d'énergie primaire et de porter à 40 % la part d'énergies renouvelables dans sa consommation énergétique, conformément à la loi européenne sur le climat, et qu'un doublement de la demande d'électricité est attendu d'ici à 2050, selon le commissaire européen chargé du marché intérieur ;
Considérant que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dans son rapport spécial « Réchauffement planétaire à 1,5°C », du 6 octobre 2018, inclut l'énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables et du captage et stockage du CO 2 , parmi les options d'atténuation et de développement durable évaluées dans le secteur de l'approvisionnement énergétique et que, dans le premier volume du rapport spécial consacré aux sciences physiques du changement, du 9 août 2021, il conclut à un changement climatique particulièrement inquiétant à l'échelle mondiale et à un rythme plus rapide que prévu ;
Considérant que l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans son rapport « Nuclear Science and Technology for Climate Adaptation and Resilience », du 10 novembre 2021, plaide pour contribuer aux efforts d'adaptation au changement climatique à travers la recherche et la coopération technique dans la science et les technologies nucléaires ;
Considérant les conclusions du rapport du Centre commun de recherche (CCR), publié le 28 mars 2021, validées par deux comités d'experts désignés par la Commission européenne - Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) et Groupe d'experts de l'article 31 du traité de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) -, sur les aspects relatifs au principe DNSH (« do no significant harm »), tel que défini dans le règlement sur la taxonomie, à savoir qu'« aucune preuve scientifique [ne vient affirmer] que l'énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou l'environnement que d'autres technologies de production d'électricité déjà incluses dans la taxonomie » ;
Considérant la déclaration de la présidente de la Commission européenne, à l'issue de la réunion du Conseil européen des 21 et 22 octobre 2021, évoquant le besoin de l'énergie nucléaire comme source stable, aux côtés des énergies renouvelables, pour atteindre les objectifs que l'Union européenne s'est fixés, ainsi que la communication de la Commission européenne du 13 octobre 2021 sur la lutte contre la hausse des prix de l'énergie qui prévoit que « l'acte délégué complémentaire couvrira l'énergie nucléaire » ;
Rappelle que, selon les traités, les États membres de l'Union européenne déterminent souverainement la structure générale de leur approvisionnement énergétique ;
Souligne que, tout en s'efforçant de promouvoir la décarbonation de l'énergie, la Commission européenne doit garantir le respect de la souveraineté de chaque État membre en matière de bouquet énergétique national et soutenir toutes les technologies décarbonées ;
Fait valoir que l'engagement pris par l'Union européenne de mettre fin à l'utilisation des énergies fossiles et l'électrification croissante des usages nécessitent de disposer de plus d'électricité décarbonée, stable et compétitive ;
Estime que la lutte de l'Union européenne contre le changement climatique doit nécessairement s'appuyer sur une diversité de sources d'énergie décarbonées ;
Juge que l'énergie nucléaire, qui contribue déjà à la décarbonation de l'approvisionnement énergétique de près de la moitié des États membres, doit permettre à d'autres États membres de sortir de l'utilisation des énergies fossiles, pour atteindre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 ;
Relève que les conclusions des différents rapports techniques et scientifiques approfondis d'experts de l'Union européenne, publiés en 2021, considèrent que la production d'électricité nucléaire peut contribuer à l'objectif d'atténuation du changement climatique, qu'elle ne porte pas atteinte aux autres objectifs environnementaux et qu'elle peut par conséquent être qualifiée d'activité durable au sens du règlement sur la taxonomie ;
Estime que l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie contribue, en encourageant la réorientation des flux financiers vers des investissements durables, aux objectifs fixés par l'Union européenne dans le « Pacte vert pour l'Europe ». Elle permet de mobiliser au mieux toutes les énergies nécessaires à la décarbonation dans les délais visés par le Pacte vert ;
Prend acte de la décision de la Commission européenne d'adopter un acte délégué complémentaire pour les activités de certains secteurs de l'énergie qui ne sont pas encore couvertes par l'acte délégué relatif au volet climatique de la taxonomie de l'Union européenne, dont l'énergie nucléaire ;
Demande à ce que l'acte délégué complémentaire prévu à l'article 10 du règlement (UE) 2020/852 sur la taxonomie :
- inclue l'énergie nucléaire à la taxonomie, en veillant à reconnaître les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de cette énergie en tant qu'activités durables ;
- maintienne une neutralité technologique entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui issu des énergies renouvelables ;
- ne soumette pas les activités économiques liées à la construction ou à l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire à des obligations d'information autres que celles applicables à toute activité durable ;
- soit pris avant le 31 décembre 2021, afin d'entrer en vigueur de manière concomitante avec les autres dispositions de la taxonomie.
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 1 er décembre 2021, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet sur la proposition de résolution européenne n° 214 (2021-2022) sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous examinons maintenant la proposition de résolution européenne sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables, rédigée par nos collègues Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent.
M. Daniel Gremillet , rapporteur. - Cette initiative transpartisane est partagée par les commissions des affaires économiques et des affaires européennes. Je tiens ici à remercier chaleureusement mes collègues Claude Kern et Pierre Laurent de cette coopération.
La taxonomie verte consiste en une classification des activités économiques selon leur impact environnemental, afin de faciliter le financement des activités les plus vertueuses.
Elle poursuit six objectifs environnementaux : l'atténuation du changement climatique ; l'adaptation au changement climatique ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et la réduction des pollutions ; la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Elle prévoit trois catégories d'activités économiques : pour être qualifiées de durables, ces activités doivent poursuivre au moins l'un des six objectifs environnementaux et ne porter préjudice à aucun autre ; à défaut, ces activités peuvent être qualifiées de transitoires ou d'habilitantes.
Le champ de la taxonomie est large puisque celle-ci s'applique à des acteurs publics - l'Union européenne et ses États membres -, mais aussi à des acteurs privés - les acteurs de marchés et les entreprises de plus de 500 salariés.
À l'évidence, ses conséquences sont importantes.
Tout d'abord, elle vise à renforcer les règles de transparence financière. Les acteurs des marchés et les entreprises de plus de 500 salariés devront rendre compte de leur contribution à l'atteinte des objectifs environnementaux. Leurs produits financiers devront afficher la part des investissements réalisés dans des activités durables, habilitantes ou transitoires. Leurs déclarations de performance non financière devront préciser les parts des dépenses d'investissement ou de fonctionnement associées à des activités durables.
Plus encore, la taxonomie entend réorienter les investissements économiques. En uniformisant les critères de durabilité des produits et des obligations, elle facilitera les comparaisons et accroîtra la transparence. Dans le même temps, elle contribuera à lutter contre l'éco-blanchiment, c'est-à-dire la mise à disposition de produits ou d'obligations indûment présentés comme durables. Ce cadre permettra de supprimer tout obstacle aux levées de fond pour les activités durables.
Enfin, la taxonomie ambitionne de servir de point d'appui aux politiques publiques. Tout d'abord, les États membres devront appliquer ses critères dans les exigences imposées nationalement aux acteurs des marchés ou aux entreprises. Par ailleurs, la taxonomie sera utilisée dans les futures politiques de l'Union européenne, en matière de finance durable et au-delà.
Le processus d'élaboration de la taxonomie, complexe, n'est pas encore achevé.
Certes, un règlement du 18 juin 2020 a bien été adopté pour en fixer le cadre général ; pour autant, ce règlement a prévu que la Commission européenne, après avis d'un groupe d'experts techniques, adopte un acte délégué pour fixer les critères permettant de déterminer si une activité contribue à l'atténuation du changement climatique et si elle cause un préjudice aux autres objectifs environnementaux.
Un premier acte délégué a bien été pris, le 4 juin 2021, mais il est muet sur l'énergie nucléaire.
Un premier rapport, du groupe d'experts techniques (GET), publié en mars 2020, n'avait pas recommandé l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie. Il préconisait en effet qu'« un travail technique d'ampleur soit entrepris [sur] le cycle de vie des technologies nucléaires et les impacts environnementaux existants ou potentiels » .
Sur cette base, un second rapport, du Centre commun de recherche (CCR), publié en mars 2021 et soumis à l'avis de deux comités d'experts, a proposé l'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie. Il concluait ainsi qu'« aucune preuve scientifique [ne vient affirmer] que l'énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou l'environnement que d'autres technologies de production d'électricité déjà incluses dans la taxonomie » .
Conformément au rapport du CCR, la Commission européenne s'est engagée, en avril et en octobre 2021, à présenter un acte délégué complémentaire couvrant l'énergie nucléaire. Elle a aussi évoqué le gaz naturel comme activité transitoire.
Par ailleurs, plusieurs autorités européennes se sont exprimées.
Le commissaire au commerce a souligné, en marge d'une réunion de l'Eurogroupe, début octobre, l'intérêt de l'énergie nucléaire comme source d'énergie bas carbone.
À l'issue du sommet européen, des 21 et 22 octobre derniers, la présidente de la Commission européenne a, quant à elle, évoqué le besoin de l'énergie nucléaire comme source stable, et du gaz naturel à titre transitoire.
Enfin, le commissaire au marché intérieur a fait part, devant la commission des affaires européennes, le 28 octobre dernier, d'un compromis possible consistant à intégrer l'énergie nucléaire et le gaz naturel comme des activités transitoires.
Pour autant, l'inclusion de l'énergie nucléaire oppose toujours deux groupes d'États membres.
Un premier groupe de dix pays, conduits par la France, la soutient, au regard des faibles émissions de gaz à effet de serre (GES) de cette source d'énergie. Un autre groupe de cinq pays, conduits par l'Allemagne, la refuse, compte tenu des enjeux liés à la sûreté et aux déchets nucléaires.
À ce stade, l'acte délégué complémentaire est en attente : il pourrait être pris très prochainement, dans la mesure où la taxonomie doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2022.
En réalité, pour juger de l'opportunité d'intégrer toute activité économique à la taxonomie, il faut comparer ses avantages et ses inconvénients factuellement et rationnellement. Dans ses considérants, le règlement du 18 juin 2020 dispose en effet qu'« une activité économique ne devrait pas être considérée comme durable sur le plan environnemental si ses avantages ne l'emportent pas sur les dommages qu'elle cause à l'environnement » .
Or, les avantages de l'énergie nucléaire sont bien supérieurs à ses inconvénients ; plus précisément, il me semble que cinq arguments plaident en faveur de son intégration à la taxonomie.
En premier lieu, l'énergie nucléaire constitue un levier de décarbonation reconnu internationalement. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) l'a intégrée à ses hypothèses d'atténuation et de développement durable, dans un rapport de 2018. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) l'a placée au coeur des efforts d'adaptation, dans un rapport de 2021.
En deuxième lieu, le choix de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique relève de la seule compétence des États membres. C'est un point important ! L'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) reconnaît ce droit, auquel la taxonomie doit s'articuler. De surcroît, si la France a fait le choix de l'énergie nucléaire, elle n'est pas la seule en Europe : en effet, il existe 106 gigawatts (GW) de capacités installées dans treize pays, et 6,5 GW de capacités en construction, dans quatre pays, selon l'AIE.
Plus encore, l'énergie nucléaire présente des bénéfices environnementaux et économiques avérés. Sur le plan environnemental, elle n'émet, en France, que six grammes de CO 2 par kilowattheure, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et douze grammes dans le monde, selon l'AIE. Sur le plan économique, elle est un pilier de notre sécurité d'approvisionnement et de notre compétitivité économique : c'est la troisième filière industrielle française avec 2 600 entreprises, 200 000 emplois et 50 milliards d'euros de recettes, pour le ministère de la transition écologique (MTE).
De surcroît, les risques posés par l'énergie nucléaire, sur le plan de la sûreté des installations ou de la gestion des déchets nucléaires, sont encadrés. Deux directives, de 2009 et 2011, posent un socle européen à ces enjeux fondamentaux. En France, je ne reviendrai pas sur le rôle éminent joué par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et par l'Agence pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Nous le connaissons tous. Je rappellerai simplement qu'un effort de recherche existe en faveur de la « fermeture du cycle du combustible ». La presse évoque d'ailleurs un réel engouement pour de nouveaux réacteurs aux performances environnementales élevées, voire des réacteurs qui, demain, utiliseront ce que l'on qualifie aujourd'hui de déchets.
Enfin, les besoins de financement de l'énergie nucléaire sont élevés. En particulier, de lourds investissements sont à prévoir, en France, pour la construction des EPR - les réacteurs européens à eau pressurisée ou European Pressurized Reactors - ou le développement des SMR - les petits réacteurs modulaires ou Small Modular Reactors -, annoncés par le Président de la République en octobre-novembre. Le MTE a évalué le coût du « Grand carénage » à 45 milliards d'euros et le provisionnement pour démantèlement à 110 milliards d'euros, tandis que le groupe EDF a estimé la construction de trois paires d'EPR à 46 milliards d'euros.
Or si la majeure partie du financement de l'énergie nucléaire est publique, la portion privée sera conditionnée à la taxonomie. Faute d'être intégrée, l'énergie nucléaire pourrait ainsi être pénalisée via les produits financiers, les obligations d'entreprise ou les crédits export. À plus long terme, elle pourrait aussi l'être via les écolabels, voire les obligations vertes ou les aides d'État, selon l'importance que prendra la taxonomie. Nous avons pu confirmer, au cours des auditions que nous avons menées, que les conditions de financement des investissements futurs dans l'énergie nucléaire seront déterminantes quant au prix de l'électricité que nos concitoyens et nos entreprises auront à payer à long terme. C'est un sujet stratégique !
Dans ce contexte, la PPRE est opportune : elle propose d'inclure l'énergie nucléaire à la taxonomie, en veillant à reconnaître la production d'électricité induite comme une activité durable. Elle appelle également à maintenir une parfaite égalité de traitement entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui qui découle des énergies renouvelables.
Au nom de notre commission, je vous invite donc à l'adopter. L'intégration de l'énergie nucléaire à la taxonomie est justifiée au regard de l'objectif d'atténuation du changement climatique, car les émissions de GES issues de cette source d'énergie sont minimes. En outre, l'impact environnemental de l'énergie nucléaire a fait l'objet d'une analyse approfondie dans le rapport du CCR. Je retiens de cette analyse que les mesures prévues, aux échelles nationale comme européenne, en matière de sûreté des installations et de gestion des déchets permettent de maîtriser cet impact.
À l'heure où la France et d'autres pays européens ont fait part de leur intention d'investir dans l'énergie nucléaire, il est impératif de lui garantir une totale neutralité technologique. À cette fin, la production d'électricité nucléaire ne doit pas être assimilée à une activité transitoire, voire habilitante, comme pourrait l'être le gaz naturel, mais bien à une activité durable, comme toutes les autres sources d'énergie décarbonées. À cette condition, l'énergie nucléaire pourra être pleinement mobilisée au service de l'atteinte de la « neutralité carbone » d'ici à 2050, objectif issu de l'accord de Paris de 2015. C'est fondamental, car la décarbonation de notre économie est tout autant une obligation juridique qu'une exigence morale.
M. Claude Kern . - Je remercie le rapporteur, dont je partage le constat. La Commission européenne doit garantir la souveraineté de ses États membres en matière de bouquet énergétique et soutenir toutes les énergies décarbonées, y compris le nucléaire. Je vous rappelle, par ailleurs, que cette proposition de résolution a été adoptée par la commission des affaires européennes.
Mme Marie Evrard . - Cette PPRE vise à permettre des coûts de financement avantageux pour l'énergie nucléaire. La taxonomie européenne sert à financer des énergies vertueuses et à lutter contre le greenwashing . Pour atteindre nos objectifs, nous soutenons l'ambition du Gouvernement de relancer la création de réacteurs nucléaires. Pour autant, deux fronts s'opposent au sein de l'Union européenne : certains pays - la France, la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque - soutiennent l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie, d'autres - l'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg, le Danemark, l'Espagne et le Portugal - ont exprimé leur désaccord quant à une telle évolution, dont il leur semble qu'elle affecterait durablement l'intégrité, la crédibilité et donc l'utilité, de cette taxonomie.
M. Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur soutient, quant à lui, cette inclusion. L'Europe devra doubler sa capacité électrique pour répondre aux enjeux économiques dans les trente prochaines années et réduire ses émissions de carbone ; il lui semble impossible d'atteindre un tel objectif sans le nucléaire.
À titre personnel, je soutiens cette PPRE, mais le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) est divisé à son sujet. Nous pourrions trouver un compromis en incluant le nucléaire et le gaz comme activités transitoires dans la taxonomie. Il aurait, en outre, été pertinent d'ajouter que la transition énergétique passe aussi par le déploiement des énergies renouvelables, eu égard au délai nécessaire pour le démarrage des futurs EPR.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ce dossier me semble particulièrement important. On peut débattre de la nécessité de poursuivre la croissance du nucléaire en France, les Français arbitreront. Sur la question énergétique, l'Allemagne a engagé une stratégie d'affaiblissement de la France. L'École de guerre économique a ainsi produit un rapport sur l'accumulation de décisions visant à affaiblir nos capacités à disposer d'énergie à un prix abordable, dernier secteur dans lequel nous étions plutôt en avance. L'Allemagne n'entend toutefois pas se laisser concurrencer dans ce domaine. Ne soyons pas naïfs : nous devons résister pour rester souverains dans nos choix. L'hypocrisie allemande conduit au démarchage d'entreprises en faveur de leur délocalisation vers l'Allemagne, parce que le prix de l'électricité nucléaire est indexé sur le prix du gaz, alors que les hauts fourneaux au charbon, pourtant extrêmement polluants, ne le sont pas. Nous ne devons pas laisser faire de tels hypocrites !
J'ai été durant des années vice-présidente du Parlement européen et j'ai très souvent entendu des Français dire « on ne peut pas, parce que les Allemands ne veulent pas », mais jamais le contraire. Si l'on continue ainsi, le rapport de force sera négatif. J'entends bien les discours de compromis, mais sans rapport de force, sans que nous tapions sur la table, sans que nous attaquions l'Allemagne sur d'autres secteurs, dans lesquels elle est faible, nous nous contenterions d'être naïfs. La présidence française doit permettre de rééquilibrer cette relation, parce que nous divergeons économiquement. Si nous ne faisons pas preuve de suffisamment de résistance pour cela, nous allons vers de mauvais jours !
M. Franck Montaugé . - Je veux être sûr de bien comprendre, notamment le caractère transitoire de l'inclusion du nucléaire dans cette taxonomie. Dans le cadre de la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui déterminera le futur mix électrique, la France va investir dans de nouveaux réacteurs. C'est un projet à long terme. Comment cet effort va-t-il intégrer cette taxonomie dans la durée ? On connaît les enjeux : il s'agit d'accéder à des financements préférentiels dits « verts », mais ce point très important doit être clarifié. Nous n'y voyons pas clair.
M. Daniel Salmon . - Nous ne nourrissons aucun bellicisme envers l'Allemagne, nous considérons que l'Union européenne est une belle construction qu'il faut tenter de maintenir. Six ministres de l'environnement ont déclaré que l'énergie nucléaire était incompatible avec le principe de non-préjudice significatif inscrit dans la taxonomie, et je partage cette vision. Le nucléaire n'est pas une source d'énergie comme une autre. C'est une épée de Damoclès ; le nucléaire est non durable et non renouvelable ; son prix a été jugé abordable parce que le parc nucléaire français a été financé par les contribuables.
Pourtant, dans ce monde instable, le nucléaire nous place dans une position vulnérable en temps de paix et indéfendable en temps de guerre. Il a, en outre, de nombreux défauts, comme en termes d'accidentologie. Des accidents se sont produits dans des pays à haut niveau de culture scientifique ; statistiquement, ils se produiront aussi en France. Personne n'est d'ailleurs capable d'assurer le nucléaire. Il présente également des défauts en termes de coûts, ainsi qu'on le constate avec les nouveaux EPR, qui coûteront 100 ou 110 euros par mégawattheure.
Il n'a donc rien à faire dans cette taxonomie. Nous sommes favorables à une sortie progressive - c'est le seul moyen -, du nucléaire et nous ne soutenons pas cette proposition de résolution.
Mme Valérie Létard . - Je tiens à remercier nos collègues Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent. Le groupe Union centriste (UC) soutient, quant à lui, cette PPRE.
Je m'associe toutefois aux interrogations de notre collègue Franck Montaugé s'agissant d'une éventuelle l'inscription dans les énergies transitoires : quelles en seront les conséquences ? Une chose est certaine, la présidence de l'Union européenne est un exercice délicat, qui exige de la neutralité, mais qui nous donne la possibilité de choisir les sujets abordés en priorité. C'est donc une opportunité pour la France d'éclairer cette question ; nous devons, certes, être prudents - la question de la sécurité étant essentielle, comme l'a indiqué notre collègue Daniel Salmon -, mais nous pouvons progresser et travailler pour l'avenir. Cette question concerne la consommation individuelle comme celle des entreprises, il est paradoxal que celles-ci trouvent avantage à se délocaliser vers des pays qui utilisent des centrales à charbon. Si nous devons nous assurer de garantir la sécurité du nucléaire, nous le ferons, en y consacrant les moyens nécessaires, mais on ne saurait nier qu'il s'agit d'une source d'énergie très faiblement émettrice de CO 2 . Nous sommes bons dans ce domaine, nous ne pouvons pas nous laisser dicter nos choix par d'autres États membres. Nous devons travailler en bonne intelligence mais nous faire respecter.
M. Fabien Gay . - Je partage le rapport de notre collègue Daniel Gremillet et l'avis presque général : nous avons, grâce au nucléaire, l'énergie la plus décarbonée et la moins chère qui soit. J'entends notre collègue Daniel Salmon : il est vrai que la question des déchets se pose, ainsi que celles de la sécurité et de la sûreté. C'est pourquoi nous devons mener un grand combat pour que EDF reste une entreprise publique et qu'il soit mis un terme à la sous-traitance. On voit ce qu'il advient de l'EPR de Flamanville : ses surcoûts sont dus au fait que les métiers ont été cassés dans EDF au profit de prestataires extérieurs ; c'est le cas des soudeurs, par exemple. Nous avons cassé le métier dans l'entreprise, puis nous sommes allés en chercher en Europe, puis ailleurs, avant de mobiliser des Français qui avaient été contraints à partir en Inde parce que leur métier avait disparu en France.
La sécurité et la sûreté doivent être des préoccupations, mais aujourd'hui, les usages électriques vont augmenter, quoi qu'il arrive. Si l'on veut remplacer les moteurs thermiques, par exemple, il faudra fournir plus d'électricité. Je suis favorable à un mix électrique avec une part importante de nucléaire et d'énergies renouvelables, mais à mon sens, tout cela doit rester dans le domaine public. Nous avons ainsi beaucoup financé l'éolien, qui relève du marché privé, pour un rendement plutôt médiocre.
Enfin, s'agissant de notre souveraineté énergétique, nous devons lutter au niveau européen, parce que les usagers en France ne paient pas le coût de la production énergétique. Le marché européen de l'électricité pèse dans la facture électrique dans notre pays. Si demain nous n'incluions pas le nucléaire dans les énergies favorisées, nous nous tirerions une deuxième balle dans le pied ! Nous avons, devant nous, un combat à mener.
Par ailleurs, on parle beaucoup en ce moment des Antilles et des territoires ultramarins. Il s'y pose une question essentielle : certains d'entre eux manquent déjà de souveraineté énergétique et électrique ; en Guyane, par exemple, si l'on ne fait rien, la centrale à fioul va fermer en 2023, il restera seulement un barrage, et l'on envisage déjà de pratiquer le délestage toute l'année dans certaines zones. Il ne faut pas abandonner ces territoires !
Je soutiens donc ce projet de résolution transpartisan.
M. Laurent Somon . - Ernst et Young (E&Y) a publié un rapport sur l'attractivité du territoire français pour la réindustrialisation et les investissements étrangers. Nos infrastructures, notre marché et notre situation européenne sont importants, certes, mais le coût de l'énergie aussi. Nous sommes obligés d'accepter du dumping social, mais nous ne devons pas céder sur l'avantage que représente le coût de l'énergie et nous devons nous défendre sur ce point. Pour en revenir à l'intervention de notre collègue Daniel Salmon, certes, l'énergie nucléaire est subventionnée, mais c'est aussi le cas de l'éolien ; il n'y a aucune honte à développer une énergie souveraine.
Nous devons aussi encourager la recherche sur le retraitement des déchets, en particulier des déchets ultimes, pour compléter les propos du rapporteur Daniel Gremillet. La recherche est essentielle et la souveraineté énergétique est la première des souverainetés. Je rejoins notre collègue Marie-Noëlle Lienemann : nos amis allemands ne sont pas tout à fait sur la même ligne que nous, comme dans le domaine de la sécurité militaire.
M. Claude Malhuret . - Le groupe Les Indépendants - République et Territoires soutiendra cette PPRE. Personne ne peut penser atteindre le zéro carbone en 2050 - objectif retenu par l'Union européenne - sans le nucléaire, tout le monde le sait, y compris les plus réticents. J'entends les craintes, en termes de santé ou d'accidentologie, mais je suis étonné qu'on les évoque s'agissant du nucléaire sans comparer avec les autres sources d'énergie, lesquelles sont infiniment plus nocives, et que l'on focalise ainsi sur les fantasmes attachés à la radioactivité.
En ce qui concerne cette dissension entre une dizaine de pays qui soutiennent la position de la France, cinq la position inverse et d'autres qui sont hésitants, plusieurs de nos collègues insistent sur le fait que nous en sommes là à cause d'une erreur stratégique fondamentale commise par les Allemands il y a quelques années.
Il y a, à mon sens, deux sujets sur lesquels l'idéologie verte a donné lieu à d'énormes reculs intellectuels et pratiques. De ce point de vue, la taxonomie verte rejoint la directive Farm to Fork , qui est issue des mêmes réflexions idéologiques systématiquement fausses. Les Verts historiquement n'ont eu qu'un avantage : ils ont attiré les premiers l'attention sur l'importance du développement durable. Toutefois, les réponses qu'ils mettent en avant sont toujours les solutions antagonistes au véritable développement durable, en matière énergétique comme agroalimentaire. En soutenant cette PPRE, nous avançons vers de véritables solutions de développement durable, qui ne sont pas celles que proposent les idéologues de ce courant. Le Sénat devra le dire fortement un jour.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je voudrais rassurer notre collègue Marie Evrard : il est hors de question de défavoriser les énergies renouvelables, qui sont mentionnées dans la PPRE, nous souhaitons seulement que le nucléaire soit reconnu au même niveau, et nous croyons à la complémentarité.
Je remercie notre collègue Marie-Noëlle Lienemann. En effet, nous constatons la stratégie de compétitivité qui est mise en oeuvre ; la France a un peu perdu dans ce domaine et nous intervenons avant l'acte délégué. C'est incroyable : l'Allemagne a réussi à mettre au même niveau, transitoire, le gaz et le nucléaire. Nous sommes dans une bataille de compétitivité et en effet, le classement comme transitoire ou comme durable dans la taxonomie verte va conditionner les taux et les conditions de financement de ces investissements. Nos auditions ont été très vastes et tout le monde est unanime sur ce point : les conséquences financières de ce sujet sont considérables pour nos citoyens et pour nos entreprises, y compris pour les plus petites d'entre elles. Nous soutenons donc cette reconnaissance au niveau européen.
Notre PPRE distingue bien le durable et le transitoire, qui ne renvoient pas au même niveau de classement. Cela emportera des conséquences et nous soutenons une position européenne en faveur de cette reconnaissance.
Pour répondre à notre collègue Daniel Salmon, nos auditions ont montré que le nucléaire garantissait une sécurité d'approvisionnement pérenne, depuis des pays et des zones dont la stabilité est rassurante. Je fais confiance à l'homme et j'ai de bonnes raisons de vous dire que nous aurons plus rapidement que vous ne le pensez la capacité de réutiliser des déchets, qu'il ne faudra plus alors qualifier ainsi. Nous organiserons des auditions dans le cadre du groupe d'études « Énergie » avec des start-up en pointe sur ce sujet. Par ailleurs, en matière d'approvisionnement, je rappelle que les énergies renouvelables consomment des métaux rares.
Je remercie notre collègue Valérie Létard. Nous avons maintenu une sécurité maximale, il faut continuer, mais aujourd'hui, la France dispose d'un savoir-faire important dans ce domaine.
Je remercie également notre collègue Fabien Gay. En effet, nous devrons prendre en charge la question des outre-mer, c'est un vrai sujet, pour les populations comme pour les activités économiques, qui relève de notre responsabilité. Par ailleurs, nos auditions ont démontré que EDF a bien compris qu'il était nécessaire de former de nouveau des soudeurs. Je veux enfin remercier notre collègue Laurent Somon et le président Claude Malhuret. En effet, ne nous racontons pas d'histoires : la neutralité carbone en 2050 nous oblige ; la France est en avance et les choix historiques et futurs concernant le nucléaire seront un élément déterminant en la matière.
M. Claude Kern . - Qu'on le veuille ou non, le nucléaire sera indispensable, nous devons en être conscients.
Mme Sophie Primas , présidente . - Lundi, avec MM. les présidents Gérard Larcher et Jean-François Rapin, nous avons rencontré le commissaire Thierry Breton et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. La question de la taxonomie verte a été abordée, et il semble que le changement de gouvernance en Allemagne permette une ouverture possible vers un accord dans le cadre d'un acte délégué. Cela reste à confirmer, mais la présidente et le commissaire semblaient un peu rassurés quant à une telle possibilité.
Toutes les coalitions européennes savent que, pour atteindre l'objectif européen Fit for 55 , de réduction de 55 % des émissions en 2030, l'énergie nucléaire est indispensable. Cette prise de conscience est plus large qu'elle ne l'était précédemment. Nos deux interlocuteurs nous ont affirmé que cette PPRE leur semblait très importante à ce titre.
Dans le cadre de la compétition amicale avec l'Allemagne, le futur chancelier Olaf Scholz a indiqué ne pas souhaiter être désagréable sur ce sujet envers la France, mais il envisage également de diviser par deux le poids des dispositifs relatifs à l'installation d'entreprises en Allemagne ; nous devons à notre tour simplifier l'installation d'entreprises, car c'est peut-être sur ce point que se feront désormais les écarts.
La commission adopte la proposition de résolution européenne sans modification.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES58 ( * )
Mercredi 27 octobre 2021
- Greenpeace France : M. Roger SPAUTZ , chargé de campagne nucléaire, Mme Florence de BONNAFOS , chargée de campagne finances.
- Société française d'énergie nucléaire (SFEN) : Mme Valérie FAUDON , déléguée générale, M. Thomas JACQUEMET , responsable des affaires publiques.
Électricité de France (EDF) : M. Erkki MAILLARD , directeur des affaires européennes d'EDF.
- Université Montpellier I : M. Jacques PERCEBOIS , professeur émérite à l'Université de Montpellier I, directeur du Centre de Recherche en Économie et Droit de l'Énergie (CREDEN).
Mardi 9 novembre 2021
- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : M. Guillaume PRIMOT , conseiller Services financiers, Banque, Assurance.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr21-214.html
* 1 Ce rapport a fait l'objet de deux avis, du Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) et du Groupe d'experts de l'article 31 du traité de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), en juin 2021.
* 2 Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
* 3 Bulgarie, Croatie, Finlande, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
* 4 Allemagne, Autriche, Danemark, Luxembourg et Espagne.
* 5 Allemagne, Autriche, Danemark, Luxembourg et Portugal.
* 6 France, Allemagne, Espagne, Suède, Belgique, République tchèque, Finlande, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Slovénie, Pays-Bas.
* 7 France, Finlande, Slovaquie, Pologne.
* 8 Oxydes d'azote, dioxyde de soufre, particules fines ou composés organiques volatiles non-méthaniques, potentiels d'acidification ou d'eutrophisation, éco-toxicité sur l'eau douce ou la mer, effet sur la couche d'ozone ou potentiel de création d'oxydants photochimiques.
* 9 Dans sa version française, l'Accord de Paris du 12 décembre 2015 est disponible ci-après :
https://unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/french_paris_agreement.pdf
* 10 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 11 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).
* 12 Décision n° 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d'action général de l'Union pour l'environnement à l'horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète ».
* 13 Règlement (UE) 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques, la plateforme européenne de conseil en investissement et le portail européen de projets d'investissement et modifiant les règlements (UE) n o 1291/2013 et (UE) n o 1316/2013.
* 14 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Prochaines étapes pour un avenir européen durable action européenne en faveur de la durabilité », 22 novembre 2016, COM(2016) 726 final.
* 15 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « Plan d'action : financer la croissance durable », 8 mars 2018, COM(2018) 97 final.
* 16 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.
* 17 Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.
* 18 Règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014.
* 19 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 20 Sociétés d'assurance et de réassurance, mutuelles, institutions de prévoyance, caisses de retraite complémentaire, Caisse des dépôts et consignations.
* 21 En l'espèce les entreprises, ou les entreprises mères d'un groupe, dépassant 500 salariés.
* 22 Notamment en produisant, transportant, stockant, distribuant ou utilisant des énergies renouvelables ; en améliorant l'efficacité énergétique ; en développant une mobilité propre ou neutre ; en passant à l'utilisation de matières renouvelables issues de sources durables ; en accroissant l'utilisation de technologies de captage et d'utilisation du carbone (CCU) et de captage et de stockage du carbone (CCS) ; en renforçant les puits de carbone terrestres ; en mettant en place les infrastructures énergétiques nécessaires à la décarbonation des systèmes énergétiques ; en produisant des combustibles propres et efficaces à partir de sources renouvelables ou neutres ; en facilitant l'une des activités précitées.
* 23 Rapport et annexe du Groupe d'experts techniques (GET) sur la finance durable de mars 2020 intitulés « Taxonomy report : technical report » et « Taxonomy report : technical annex ».
* 24 Règlement délégué (UE) .../... de la Commission du 4 juin 2021 complétant le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil par les critères d'examen technique permettant de déterminer à quelles conditions une activité économique peut être considérée comme contribuant substantiellement à l'atténuation au changement climatique ou à l'adaptation à celui-ci et si cette activité économique ne cause de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux C(2021) 2800 final.
* 25 Grammes d'équivalents en dioxyde de carbone par kilowattheure.
* 26 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
* 27 Proposition de résolution n° 390 (2020-2021) enregistrée à la présidence du Sénat le 25 février 2021 en application de l'article 34-1 de la Constitution tendant à lever les freins règlementaires et administratifs au plein essor de l'hydroélectricité.
* 28 Tonnes d'équivalents en dioxyde de carbone par tonne d'hydrogène.
* 29 Rapport d'information de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 553 (2020-2021), Où en est l'application de la loi « Énergie-Climat » ? Où en est l'atteinte de l'objectif de « neutralité carbone » ? , 5 mai 2021.
* 30 Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.
* 31 Rapport d'information de M. Pierre Cuypers, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 136 (2019-2020), Les biocarburants : un atout pour la transition et la souveraineté énergétiques , 20 novembre 2019.
* 32 Rapport d'information de M. Daniel Salmon, fait au nom de la mission d'information « La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts » n° 872 (2020-2021), Méthanisations : au-delà des controverses, quelles perspectives ? , 29 septembre 2021.
* 33 Rapport du Centre commun de recherche (CCR) du 29 mars 2021 intitulé « Technical assessment of nuclear energy with respect to the "do no significant harm" criteria of Regulation (EU) 2020/852 ("Taxonomy Regulation") ».
* 34 Rapport du Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) sur le rapport du CCR précité, du 29 juin 2021.
* 35 Opinion du Groupe d'experts de l'article 31 du traité Euratom susmentionné sur le même rapport, du 28 juin 2021.
* 36 Oxydes d'azote, dioxyde de soufre, particules fines ou composés organiques volatiles non-méthaniques, potentiels d'acidification ou d'eutrophisation, éco-toxicité sur l'eau douce ou la mer, effet sur la couche d'ozone ou potentiel de création d'oxydants photochimiques.
* 37 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen (CESE) et au Comité des régions (CdR) du 21 avril 2021 intitulée « Taxonomie de l'Union européenne, publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, préférences en matière de développement durable et obligations fiduciaires : orienter les financements vers le programme vert pour l'Europe », COM(2021) 188 final.
* 38 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen (CESE) et au Comité des régions (CdR) du 13 octobre 2021 intitulée : « La lutte contre la hausse des prix de l'énergie : une panoplie d'instruments d'action et de soutien », COM (2021) 660 final.
* 39 Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
* 40 « Nous Européens avons besoin du nucléaire », Le Figaro, 10 octobre 2021.
* 41 Bulgarie, Croatie, Finlande, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
* 42 Allemagne, Autriche, Danemark, Luxembourg et Espagne.
* 43 Allemagne, Autriche, Danemark, Luxembourg et Portugal.
* 44 Une présentation en français du « Pacte vert pour l'Europe » est disponible ici :
https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr
* 45 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
* 46 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 47 France, Allemagne, Espagne, Suède, Belgique, République tchèque, Finlande, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Slovénie, Pays-Bas.
* 48 France, Finlande, Slovaquie, Pologne.
* 49 Oxydes d'azote, dioxyde de soufre, particules fines ou composés organiques volatiles non-méthaniques, potentiels d'acidification ou d'eutrophisation, éco-toxicité sur l'eau douce ou la mer, effet sur la couche d'ozone ou potentiel de création d'oxydants photochimiques.
* 50 Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.
* 51 Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
* 52 Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.
* 53 Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
* 54 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 1 er ).
* 55 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 86).
* 56 Proposition de résolution n° 348 (2020-2021) en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques.
* 57 Commission de régulation de l'énergie (CRE), délibération n° 2020-231 du 24 septembre 2020 portant avis sur le projet d'ordonnance relative à l'hydrogène.
* 58 En commun avec la commission des affaires européennes.