II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : POSER UN INTERDIT CLAIR

La législation en vigueur offre déjà des outils pour réprimer les « thérapies de conversion ». La création d'infractions spécifiques présenterait cependant l'avantage d'être plus lisible pour les victimes, ce qui favoriserait le dépôt de plainte, ainsi que pour les personnes tentées de proposer ces « thérapies », ce qui pourrait ainsi exercer un effet préventif.

A. DES OUTILS JURIDIQUES EXISTENT DÉJÀ

La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice a souligné, lors de son audition, que les pratiques visées par la proposition de loi peuvent déjà être réprimées, au titre des violences volontaires, du délit d'abus de faiblesse, du harcèlement moral ou encore de l'exercice illégal de la médecine. Au mois de mai 2021, le garde des sceaux a d'ailleurs diffusé une circulaire relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l'orientation sexuelle dans laquelle il invite à porter une attention particulière aux « thérapies de conversion », considérant qu'elles « sont susceptibles d'engendrer des souffrances et des traumatismes durables chez les personnes qui les subissent ». Il ajoute que « ce phénomène peut être appréhendé de façon complète par les qualifications pénales en vigueur ».

La Chancellerie reconnaît cependant que le fait de sanctionner de manière autonome ces faits enverrait un signal fort et aurait une vertu pédagogique. Cela permettrait incidemment de disposer de statistiques permettant de suivre l'activité judiciaire sur cette question. Les auditions ont confirmé qu'en l'état du droit, les victimes avaient rarement conscience des outils juridiques à leur disposition, ce qui fait obstacle au dépôt de plainte.

D'autres pays sont parvenus à la même conclusion et ont interdit explicitement les « thérapies de conversion » : en Europe, Malte et l'Allemagne, et plusieurs provinces en Espagne ; l'Équateur ; dix-neuf États aux États-Unis et trois provinces au Canada. Le 16 janvier 2019, le Parlement européen a enfin adopté une résolution appelant les États membres de l'Union européenne à interdire les « thérapies de conversion ».

B. SOUTENIR LA PROPOSITION DE LOI EN DÉLIMITANT PRÉCISÉMENT LE CHAMP DES INFRACTIONS

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale comporte trois articles. L'article 3 concerne les professionnels de santé puisqu'il tend à modifier le code de la santé publique pour punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

L'article 1 er punit des mêmes peines les pratiques, comportements ou propos répétés, visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale. Ces agissements ne pourraient donc être sanctionnés que si la victime a subi un préjudice sur sa santé.

Cette précision garantit que ne pourrait être condamné l'accompagnement spirituel proposé par certains groupes à des personnes homosexuelles qui, pour des raisons de conviction religieuse, font par exemple le choix de l'abstinence, et qui recherchent un soutien sur ce chemin exigeant, dès lors que la liberté de l'individu est respectée et qu'il est vécu de façon satisfaisante. Les représentants des cultes entendus par la rapporteure ont indiqué ne pas être opposés à l'adoption du texte, ce qui confirme qu'il n'est pas perçu comme une atteinte à la liberté religieuse.

Les auditions auxquelles a procédé la rapporteure ont révélé une inquiétude concernant le suivi des personnes transgenres, notamment des mineurs. Le texte ne pourrait-il aboutir à la condamnation de médecins ou de parents qui, confrontés à la demande de leur adolescent, inviteraient ce dernier, tout en étant dans une démarche d'écoute et de bienveillance, à prendre le temps de la réflexion avant de s'engager dans un éprouvant parcours de transition ?

Bien que ce risque paraisse limité, une invitation à la prudence pouvant difficilement être assimilée à une volonté de « réprimer » l'identité de genre, la commission a souhaité apaiser les craintes qui se sont exprimées en précisant, sur proposition de la rapporteure, que les infractions prévues aux articles 1 er et 3 ne seraient pas constituées dans cette hypothèse. Si un parent est condamné, elle a également souhaité que le tribunal correctionnel se prononce sur un éventuel retrait total ou partiel de l'autorité parentale.

Dans le même souci de préciser le champ de l'infraction, elle a supprimé, à l'initiative de la rapporteure, la plus grande partie de l'article 2, qui risquait d'entraîner un conflit de qualifications juridiques, ce qui poserait un problème au regard du principe d'égalité devant la loi pénale.

Enfin, afin d'harmoniser la rédaction du texte, la commission a introduit, à l'article 3, une circonstance aggravante lorsque la victime est un mineur ou une personne vulnérable, ainsi que cela est prévu à l'article 1 er .

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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Ce texte sera examiné en séance publique le 7 décembre 2021 .

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