IV. SORTIR, ENFIN, DE L'ORNIÈRE « MATZAK » POUR PRÉSERVER LE MODÈLE DE SÉCURITÉ CIVILE FRANÇAIS
L'arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018 a, pour la première fois, attribué la qualification de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires, impliquant une application aux intéressés des définitions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relatives à la « durée du temps de travail » et aux « périodes de repos ».
L'application de cette jurisprudence au système français de sécurité civile qui compte près de 80 % de sapeurs-pompiers volontaires aurait des conséquences insurmontables, puisqu'elle conduirait à plafonner leur nombre d'heures de mission et à rémunérer l'ensemble des gardes répondant à certains critères fixés par cette jurisprudence.
Dès le mois de mai 2018, un rapport au ministre de l'intérieur préconisait en particulier de « demander au Gouvernement de prendre une initiative auprès de l'UE pour exempter le volontariat de toute application de de la directive sur le temps de travail ». Ce rapport avait été suivi d'un avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat demandant à la Commission européenne d'élargir le champ des dérogations prévues par la directive de 2003 afin de préserver notre modèle de volontariat.
Depuis lors, aucune réponse satisfaisante n'est apparue. L'article 22 A de la présente proposition de loi, introduit à l'Assemblée nationale, tend à préciser que l'activité de sapeur-pompier volontaire ne peut être assimilée à celle d'un travailleur. Toutefois, une telle intervention de niveau législatif serait sans incidence sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et se trouve dépourvue d'effet juridique.
Aussi, la commission des lois déposera un amendement de suppression de l'article 22 A au stade de la séance publique. À cette occasion, il sera demandé au Gouvernement de soumettre une réponse juridique effective à ses partenaires européens, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne.
Si une telle démarche ne devait pas aboutir à l'entrée en vigueur d'une norme européenne compatible avec notre modèle national de sécurité civile , il sera demandé au Gouvernement d'en tirer toutes les conséquences, et notamment de retirer les moyens français mis à la disposition du mécanisme de protection civile européen.