C. CE QUI EST FINALEMENT DANS LE TEXTE
En dépit de ces manques, il faut donner du crédit à la ministre de la culture pour avoir réussi, apparemment avec difficultés, à réserver un espace très réduit dans l'ordre du jour des deux assemblées.
1. Organiser la fusion du CSA et de la Hadopi (article 1er) : le solde de la loi Riester
Le coeur du projet de loi est constitué par le rapprochement entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) au sein de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom). L'article 1 er rend juridiquement possible cette fusion, en transférant les compétences de la Hadopi au nouveau régulateur.
La commission approuve pleinement cette orientation, qu'elle a déjà plusieurs fois appelée de ses voeux. Il est nécessaire de constituer un grand régulateur des contenus, quel que soit le canal de diffusion, et le nouvel organisme est doté de toutes les compétences nécessaires.
La commission attire cependant l'attention sur la nécessité de doter l'Arcom de moyens à la hauteur des ambitions. Le régulateur sera en effet en relations régulières avec des acteurs économiques internationaux à la surface financière considérable, et il doit être à même de demeurer un interlocuteur technique et juridique crédible. Dès lors, la commission invite le Gouvernement et les instances de la future Arcom à planifier dès à présent une montée en puissance budgétaire adaptée .
2. Améliorer les outils de lutte contre le piratage
a) Préserver les droits d'auteur
La création du nouvel organisme ne s'accompagne pas d'une révolution, mais d'une évolution des outils de lutte contre le piratage. En particulier, deux dispositifs complémentaires , déjà présents dans le projet de loi de décembre 2019, seraient créés :
Ø une « liste noire » des sites contrevenants, dans une optique d'assèchement de leurs ressources ;
Ø la lutte contre les « sites miroir », qui reproduisent des sites internet bloqués sur décision de justice.
Ces deux nouvelles procédures s'insèrent dans un continuum de réponse à la piraterie en ligne. L'inscription sur une liste noire constitue chronologiquement la première réponse, suivie d'une éventuelle décision judiciaire accélérée par cette inscription, avant si nécessaire, la fermeture des sites « miroir ».
Cependant, et compte tenu d'un cadre constitutionnel et européen très contraint, cette succession « vertueuse » repose essentiellement sur la coopération volontaire des prestataires des sites contrefaisants .
b) Préserver la valeur des investissements dans le sport
L'article 3 relatif à la lutte contre le piratage des retransmissions sportives constitue une véritable innovation . Les ayants droit pourront en effet à l'avenir demander au juge judiciaire de constater leur préjudice et d'interdire les sites pirates identifiés mais également de se prononcer à travers une « ordonnance dynamique » valable pour l'ensemble de la saison sportive. Cette ordonnance habilitera l'Arcom à notifier aux intermédiaires techniques les références des nouveaux sites pirates à neutraliser.
Un tel mécanisme ne pourra fonctionner que si l'ensemble des acteurs créent ensemble les conditions permettant d'identifier et d'échanger des informations pertinentes pour agir. Par ailleurs, le Conseil d'État a veillé d'une part à préserver un principe de proportionnalité dans la définition de ce mécanisme innovant et d'autre part à s'assurer du respect des principes du droit et notamment du respect d'un débat contradictoire, à chaque étape du processus.
3. Une nouveauté : la protection de l'accès du public aux oeuvres audiovisuelles et cinématographiques (article 17)
Seule novation par rapport au projet de loi de 2019, l'article 17 introduit un dispositif de protection de l'accès aux oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Des sociétés basées en France ont en effet constitué au fil du temps des riches catalogues d'oeuvres qui constituent une partie de leur patrimoine. Détenues par un producteur, elles doivent faire l'objet d'une exploitation suivie, afin de ne pas en priver le public.
Cependant, ces sociétés pourraient être rachetées par des acteurs non soumis à ces obligations, et désireux, par exemple, de ne disposer que des autres actifs, dans le cas du rachat d'une société, ou de n'exploiter que certaines oeuvres au détriment des autres.
Une première version de cet article, très protectrice, a été jugée par le Conseil d'État contraire au respect du droit de propriété. L'article 17 finalement présenté dans le projet de loi s'efforce donc de concilier un degré raisonnable de garanties relatives à l'exploitation suivie des oeuvres avec la préservation de la valeur patrimoniale des catalogues.
In fine , cette mesure s'analyse comme une étape dans la protection de notre patrimoine audiovisuel et cinématographique, un impératif au vu de la concentration dans le secteur de médias et de l'appétence des plateformes pour l'accès aux oeuvres.
4. Mieux assurer le respect des obligations de production (articles 12, 13 et 16)
Les articles 12, 13 et 16 du projet de loi permettent d'assurer une meilleure effectivité des obligations de production dans les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques . Ces obligations sont essentielles, notamment avec la transposition de la directive « SMA », qui permet de fixer le cadre d'investissement des grandes plateformes en ligne. Or, la règle de la mise en demeure préalable pourrait conduire à ne disposer d'outils juridiques adaptés qu'une année sur deux. Dès lors, ces articles, qui ont bénéficié d'une réécriture partielle du Conseil d'État, permettent de concilier les règles propres à un procès équitable avec l'exigence de crédibilité de la sanction.