N° 280
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission spéciale (1) sur le projet
de loi,
adopté avec modifications
par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relatif à la
bioéthique
,
Par M. Olivier HENNO, Mme Corinne IMBERT,
M. Bernard JOMIER
et Mme Muriel JOURDA,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Philippe Bas, Mmes Michelle Meunier, Catherine Deroche, M. Gérard Longuet, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Élisabeth Doineau, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Véronique Guillotin, Laurence Cohen, MM. Daniel Chasseing, Daniel Salmon, vice-présidents ; M. Bernard Bonne, Mme Victoire Jasmin, M. Jean-Marie Mizzon, secrétaires ; Mmes Martine Berthet, Valérie Boyer, M. Guillaume Chevrollier, Mmes Jacky Deromedi, Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, M. Bernard Fialaire, Mme Jocelyne Guidez, MM. Olivier Henno, Loïc Hervé, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Bernard Jomier, Mme Muriel Jourda, MM. Roger Karoutchi, Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge, Mme Marie Mercier, M. Pierre Ouzoulias, Mmes Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Yannick Vaugrenard.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
Première lecture : 2187 , 2243 et T.A. 343
Deuxième lecture : 2658 , 3181 et T.A. 474 rect. |
Sénat : |
Première lecture : 63 , 237 , 238 et T.A. 55 (2019-2020)
Deuxième lecture : 686 rect. (2019-2020) et 281 rect. (2020-2021) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mardi 19 janvier 2021 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission spéciale a examiné le rapport de M. Olivier Henno, Mme Corinne Imbert , M. Bernard Jomier , et Mme Muriel Jourda sur le projet de loi relatif à la bioéthique.
Soucieuse de rétablir les principaux apports du Sénat en première lecture afin de préserver les équilibres de « l'éthique à la française », la commission spéciale a adopté le projet de loi modifié par 43 amendements, dont 36 de ses rapporteurs.
I. LA CONFIRMATION DE DIVERGENCES DE FOND ENTRE LE SÉNAT ET L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR LES ÉVOLUTIONS CONCERNANT L'ASSISTANCE MEDICALE À LA PROCRÉATION
L'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture un titre I er très proche de celui qu'elle avait adopté en première lecture, supprimant, à de rares exceptions, les évolutions substantielles apportées par le Sénat.
• La commission spéciale a confirmé, à l'article 1 er , sa position de première lecture sur l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées .
Tout en prenant acte de cette évolution sociétale, elle a maintenu les conditions médicales actuelles de recours à l'AMP pour les couples hétérosexuels, sur la base d'une infertilité pathologique ou afin d'éviter la transmission à l'enfant ou à l'autre membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Seul le recours à l'assistance médicale à la procréation pour ces motifs médicaux sera pris en charge par l'assurance maladie, conformément à la vocation de la sécurité sociale d'assurer la « protection contre le risque et les conséquences de la maladie ».
La commission spéciale a renvoyé les conditions d'âge pour accéder à l'assistance médicale à la procréation à une recommandation de bonnes pratiques et a prévu explicitement le principe d'une évaluation psychologique et, en tant que de besoin, sociale des demandeurs, en incluant la participation, au sein de l'équipe des centres d'AMP, d'un pédopsychiatre.
Elle a supprimé la motivation par écrit des décisions de refus ou de report de prise en charge par les équipes médicales, insérée par les députés en deuxième lecture, en considérant que cette précision relève davantage de recommandations de bonnes pratiques que de la loi.
• À l' article 2 autorisant l' autoconservation de gamètes à des fins de prévention de l'infertilité , supprimé par le Sénat en séance publique lors de son examen en première lecture, l'Assemblée nationale a rétabli une rédaction conservant certains apports de la commission spéciale du Sénat.
La commission spéciale a rétabli des évolutions de fond qu'elle avait adoptée en première lecture, en particulier le maintien du consentement du conjoint au don de gamètes et l'assouplissement des conditions d'âge pour bénéficier d'une autoconservation de gamètes.
• À l' article 3 permettant l'accès aux origines des personnes issues de don de gamètes , l'Assemblée nationale n'a conservé que quelques apports du Sénat, dont celui significatif qui ouvre la possibilité de contacter les tiers donneurs non soumis au nouveau régime pour obtenir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et leur identité sur demande des personnes issues d'AMP avec don.
La commission spéciale a rétabli la rédaction globale adoptée par le Sénat en première lecture qui apporte une solution d'équilibre entre les différents intérêts en présence : le donneur peut accepter ou refuser l'accès à son identité au moment de la demande exprimée par la personne issue de son don, c'est-à-dire en considération de sa vie privée et familiale telle qu'elle est constituée au moment où se fait la demande d'accès aux origines, tandis que le consentement du conjoint est sollicité lorsque son accord a été demandé au moment du don. Les missions relatives à l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur sont quant à elles confiées au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) qui assure une mission d'intermédiation en matière d'accès aux origines depuis près de vingt ans, plutôt que de créer une commission ad hoc distincte.
• À l'article 4, la commission spéciale n'est pas revenue sur le dispositif permettant d'établir la filiation d'un enfant né du recours à une AMP par un couple de femmes adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture
• La commission spéciale a toutefois confirmé sa position de première lecture sur l'article 4 bis introduit à l'initiative du Sénat et visant une interdiction effective de la gestation pour autrui
Après l'évolution de sa jurisprudence fin 2019 en matière de reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une convention de gestation pour autrui (GPA) à l'étranger, la Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt du 18 novembre 2020, le principe de la transcription complète de l'acte de naissance, dès lors que celui-ci a été établi conformément au droit de l'État étranger au sens de l'article 47 du code civil.
Soucieux de revenir à un contrôle plus strict de la reconnaissance de la filiation d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'une GPA, le Sénat avait introduit l'article 4 bis en première lecture, qui prohibe toute transcription complète dans les cas de GPA.
Malgré un objectif commun, la version adoptée par l'Assemblée nationale n'a pas pleinement convaincu la commission spéciale, qui a préféré rétablir sa rédaction de première lecture, la jugeant plus opérationnelle.