B. CRIMINALISER TOUT ACTE DE PÉNÉTRATION SEXUELLE ENTRE UN MAJEUR ET UN MINEUR DE TREIZE ANS
L'infraction serait constituée en cas de pénétration sexuelle , de quelque nature qu'elle soit, commise par un majeur sur un mineur de treize ans , dès lors que l'auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime .
La peine encourue serait identique à celle actuellement prévue en cas de viol commis sur mineur de quinze ans, soit vingt ans de réclusion criminelle . La peine serait portée à trente ans de réclusion criminelle si le crime a entraîné la mort de la victime et à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'actes de torture ou de barbarie.
Cette nouvelle infraction coexisterait avec l'actuel délit d'atteinte sexuelle , prévu à l'article 227-25 du code pénal, qui punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende tout acte de nature sexuelle commis par un majeur sur un mineur de quinze ans3 ( * ).
Il en résulterait donc une gradation dans la pénalisation des rapports sexuels entre une personne majeure et un mineur : les faits seraient constitutifs d'un délit si le mineur est âgé de treize à quinze ans et d'un crime (à condition qu'il y ait eu pénétration) en-deçà de treize ans, eu égard à la plus grande vulnérabilité de ces jeunes adolescents.
La nouvelle incrimination pénale ne s'appliquerait que pour l'avenir (conformément au principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère), avec l'inconvénient que risquent de coexister pendant une longue période des régimes juridiques différents pour statuer sur des faits analogues.
C. UNE PROPOSITION QUI TIENT COMPTE DES DÉBATS INTERVENUS EN 2018
Lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le Sénat avait débattu de la possibilité de modifier la définition du viol pour introduire une présomption de non-consentement : tout acte sexuel entre un mineur de treize ans et un majeur aurait été qualifié de viol et sanctionné comme tel. Des doutes avaient cependant été émis concernant la constitutionnalité d'une telle disposition : le Conseil constitutionnel n'a jusqu'ici admis que de manière limitée, dans le domaine contraventionnel, la possibilité de prévoir une présomption en droit pénal, à condition qu'il s'agisse d'une présomption simple.
La proposition de loi privilégie en conséquence une autre approche juridique : plutôt que d'introduire une présomption, elle tend à créer une infraction autonome , sur le modèle du délit d'atteinte sexuelle, mais en matière criminelle.
Dans son avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi précité, le Conseil d'État avait en outre estimé que la seule référence à l'âge de la victime pourrait ne pas suffire pour répondre à l'exigence constitutionnelle relative à l'élément intentionnel en matière criminelle. Selon les représentants du ministère de la justice entendus par le rapporteur, le fait de retenir un seuil d'âge de treize ans plutôt que de quinze ans réduit ce risque constitutionnel.
Le Conseil d'État notait que le seuil de quinze ans, envisagé dans la version initiale du projet de loi Schiappa, soulevait une difficulté dans l'hypothèse, par exemple, d'une relation sexuelle qui serait librement consentie entre un mineur de dix-sept ans et demi et une adolescente de quatorze ans ; cette relation serait licite au regard du code pénal jusqu'à ce que le jeune homme atteigne l'âge de dix-huit ans, puis elle deviendrait criminelle, et donc susceptible de renvoyer le jeune homme aux assises, alors que rien n'aurait changé dans son comportement et qu'il n'aurait pas conscience de commettre une infraction.
La proposition de loi tient compte de cette objection en fixant le seuil à treize ans. L'écart d'âge avec un jeune majeur devient alors plus significatif, au minimum cinq ans, ce qui rend beaucoup plus improbable qu'un jeune majeur puisse entretenir une relation consentie avec un mineur à peine sorti de l'enfance.
Le seuil d'âge de treize ans est par ailleurs celui retenu dans le nouveau code de justice pénale des mineurs pour poser une présomption simple de discernement. Il figure également dans le code civil où il correspond à l'âge pour le consentement à l'adoption ou pour le changement de nom. Il marque donc bien une étape importante dans le développement du mineur, comme une limite entre l'enfance et l'adolescence.
* 3 C'est cet article qui définit en creux la notion de « majorité sexuelle » : avant quinze ans, un mineur est réputé ne pouvoir consentir librement à un rapport sexuel avec un adulte. Il est à noter que le droit pénal français ne pénalise pas les rapports sexuels entre un mineur de quinze ans et un autre mineur.