C. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS
1. De nécessaires harmonisations rédactionnelles
Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi comportait deux expressions dont la formulation gagnait à être harmonisée avec d'autres dispositions correspondantes dans le code électoral .
En premier lieu, les dispositions selon lesquelles les sièges sont répartis entre les sections « proportionnellement à leur population, suivant la règle de la plus forte moyenne » diffèrent dans leur formulation d'autres dispositions similaires dans le code électoral. Par un amendement adopté en commission des lois sur proposition du rapporteur 8 ( * ) , Lénaïck Adam, la rédaction a donc fait l'objet d'une harmonisation avec celle de l'article L. 273-7 du code électoral 9 ( * ) .
En second lieu, la prise en compte de la « population légale » était potentiellement génératrice de confusions. Comme expliqué ci-avant, cette notion est ambiguë et renvoie en réalité à trois notions distinctes : la population municipale, la population comptée à part et la population totale, somme des deux précédentes. Or, l'article R. 25-1 du code électoral dispose qu'en l'absence de précision, « le chiffre de population auquel il convient de se référer en matière électorale est le dernier chiffre de population municipale authentifié avant l'élection ». Par un amendement adopté en commission des lois sur proposition du rapporteur 10 ( * ) , le mot « légale » a donc été supprimé afin de lever toute ambiguïté et de faire référence à la seule population municipale, conformément à l'usage en matière électorale .
Ces harmonisations rédactionnelles ont été suggérées par la rapporteure de la commission des lois du Sénat à son homologue de l'Assemblée nationale, qui les a portées par amendements. Adoptées à l'Assemblée nationale aux côtés d'autres modifications de nature essentiellement rédactionnelle, elles apportent pleine satisfaction et ne nécessitent aucune modification supplémentaire .
2. Le renvoi de l'application des règles d'attribution des sièges à un arrêté du préfet de Guyane : une solution satisfaisante
La proposition de loi prévoit que, avant chaque élection, un arrêté du préfet de Guyane tire les conséquences des règles établies dans la loi pour répartir les sièges de conseiller entre les différentes sections.
En premier lieu, le renvoi au pouvoir réglementaire de la répartition effective des sièges ne semble présenter aucun risque constitutionnel . Le Conseil constitutionnel a considéré possible le renvoi de la répartition des sièges au pouvoir règlementaire, en précisant les critères dans la loi. Il a ainsi indiqué : « Les règles relatives à la délimitation des circonscriptions électorales pour l'élection des assemblées locales constituent des composantes du régime électoral de celles-ci. En l'espèce, dans la loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le code électoral, sans méconnaître les articles 34 et 37 de la Constitution, le législateur a fixé le nombre de conseillers départementaux et encadré la compétence du pouvoir réglementaire pour la mise en oeuvre de ces règles » 11 ( * ) .
La rédaction retenue par la proposition de loi prévoit de fixer, de façon pérenne, les règles de répartition des sièges entre les différentes sections électorales. Ce faisant, elle place le pouvoir réglementaire en situation de compétence liée , puisqu'aucune marge d'appréciation n'est laissée à celui-ci. En conséquence, elle semble pleinement satisfaire à l'exigence posée par le Conseil constitutionnel.
En second lieu, les travaux conduits par la rapporteure l'ont conduite à s'interroger sur l'opportunité de rehausser le niveau normatif de l'acte procédant formellement à la répartition entre sections. L'hypothèse d'un arrêté du ministre de l'intérieur a notamment retenu son attention, en ce qu'elle aurait pu permettre d'offrir de meilleures garanties d'impartialité et de sécurité juridique, tout en protégeant le préfet de toute accusation d'instrumentalisation ou de favoritisme.
Après examen attentif, il apparaît néanmoins qu'une telle modification puisse être écartée . Premièrement, quelle que soit l'autorité adoptant l'acte réglementaire répartissant les sièges de conseiller entre les sections (préfet de Guyane ou ministre de l'intérieur), elle serait placée en situation de compétence liée : attribuer au ministre de l'intérieur la charge d'adopter un tel acte ne présenterait donc aucun avantage substantiel 12 ( * ) . Deuxièmement, d'autres dispositions du code électoral prévoyant, à l'échelle d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer 13 ( * ) , la répartition de sièges entre sections électorales, attribuent cette charge au représentant de l'État dans le territoire 14 ( * ) . Par conséquent, la solution prévue par la présente proposition de loi apporte pleine satisfaction et n'appelle aucune modification relative au niveau normatif de l'acte réglementaire procédant à la répartition des sièges entre sections.
3. Un calendrier contraint et la nécessité d'un vote conforme du Sénat
Les élections de l'assemblée de Guyane, qui ont lieu en même temps que les élections régionales en vertu de dispositions législatives 15 ( * ) , sont à l'heure actuelle prévues en mars 2021 . Le rapport remis le 13 novembre 2020 par Jean-Louis Debré au Premier ministre, relatif à la date des élections départementales et régionales 16 ( * ) , réserve son appréciation sur l'opportunité de tenir ces élections en mars 2021. Alors qu'il prône un report au mois de juin 2021 des élections régionales, il précise que, s'agissant des élections de l'assemblée de Guyane, une différence objective de situation épidémiologique pourrait justifier leur maintien en mars 2021 .
Compte tenu de cette hypothèse, le Gouvernement a émis auprès de la rapporteure le souhait d'un vote conforme du Sénat sur le texte issu des délibérations de l'Assemblée nationale . Si aucun principe législatif n'empêche en théorie le législateur de modifier le nombre de sièges attribué à chacune des sections dans les mois qui précèdent une élection, la proposition de loi prévoit que la répartition des sièges entre les sections est fixée par arrêté préfectoral avant le 15 janvier de l'année de l'élection. Afin de respecter ce délai, la proposition de loi doit être adoptée avant le 31 décembre 2020, impliquant pour ce faire l'adoption du texte par un vote conforme du Sénat.
La commission des lois déplore le calendrier contraint dans lequel le Gouvernement inscrit le travail parlementaire, quels que puissent être, du reste, le caractère essentiellement technique de la proposition de loi, sa relative urgence et le consensus sur le terrain dont elle fait l'objet . Néanmoins, la rapporteure souligne que les points de vigilance qu'elle avait soulevés ont pu être traités, à la suite d'échanges préalables avec son homologue de l'Assemblée nationale, par des amendements adoptés à l'Assemblée nationale.
Comme l'a d'ailleurs indiqué le rapporteur Lénaïck Adam lors de l'examen du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale : « j'informe la Commission de mes nombreux et fructueux échanges avec la sénatrice Catherine Belrhiti, rapporteure du Sénat. (...) Mme Belrhiti a validé la proposition de loi et l'ensemble des amendements que je m'apprête à vous soumettre. Elle est également à l'initiative de deux amendements précieux qui apporteront au dispositif des améliorations substantielles, par exemple en précisant le champ de la population prise en compte pour calculer la répartition des sièges. Je tiens à la remercier pour cette convergence de vues . »
Dans ces conditions, la rapporteure a pu proposer à la commission, qui l'a acceptée, l'adoption sans modification de la proposition de loi .
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La commission a adopté la proposition de loi sans modification.
Ce texte sera examiné en séance publique le 14 décembre 2020.
* 8 Amendement n° CL10 déposé par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Lénaïck Adam.
* 9 S'agissant des communes de moins de 1 000 habitants divisées en secteurs municipaux ou en sections électorales, cet article prévoit en effet que « le représentant de l'État dans le département répartit les sièges de conseiller communautaire entre les secteurs ou les sections, en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ».
* 10 Amendement n° CL9 déposé par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Lénaïck Adam.
* 11 Conseil constitutionnel, 2013-667 DC, 16 mai 2013, cons. 39, JORF du 18 mai 2013 page 8258, texte n° 5, Rec. p. 695.
* 12 À l'inverse, la modification de la carte cantonale dans chaque département ne résultait pas de l'application mécanique de règles définies par le législateur. Comportant une marge d'appréciation, elle avait été réalisée par décrets en Conseil d'État, en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral .
* 13 Dans le cas où plusieurs circonscriptions administratives étaient concernées, en particulier de plusieurs départements situés dans des régions différentes, il aurait pu être préférable d'adopter cet acte au niveau national.
* 14 Voir à cet égard l'article L. 438 du code électoral qui attribue, en ce qui concerne les communes associées de Polynésie française, au haut-commissaire la charge de la répartition des sièges entre sections électorales.
* 15 Les articles L. 558-1 et L. 558-1-A du code électoral prévoient la concomitance du renouvellement des conseillers à l'assemblée de Guyane et de celui des conseillers régionaux.
* 16 « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ? », rapport de Jean-Louis Debré au Premier ministre en date du 13 novembre 2020, pp. 16-17, consultable à l'adresse suivante :
https://www.gouvernement.fr/partage/11872-rapport-de-m-jean-louis-debre .