EXAMEN EN COMMISSION
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M. François-Noël Buffet , président . - Nous en venons maintenant au rapport de notre collègue Catherine Belrhiti sur la proposition de loi relative à la répartition des conseillers de l'Assemblée de Guyane entre les sections.
Mme Catherine Belrhiti , rapporteure . - Déposée par notre collègue député Lénaïck Adam, cette proposition de loi est essentielle pour la vie démocratique guyanaise, et son adoption est une condition indispensable à la bonne tenue des élections à l'assemblée de Guyane organisées en mars prochain.
Permettez-moi, en préambule, de dire un mot sur ce contexte très particulier.
Comme vous le savez certainement, le rapport de Jean-Louis Debré relatif à l'organisation des élections départementales et régionales a préconisé un report de celles-ci au mois de juin 2021. Néanmoins, en raison de différences objectives dans la situation épidémiologique, le maintien des élections pour l'assemblée de Guyane en mars 2021 pourrait se justifier. Alors que le dispositif de cette proposition de loi prévoit que le préfet de Guyane arrête la répartition des sièges avant le 15 janvier prochain, le Parlement se voit contraint d'adopter la proposition de loi avant le 31 décembre, ce qui implique un vote conforme du Sénat.
Bien que je regrette ce calendrier contraint, j'en ai pris acte et j'ai engagé mes travaux en amont de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. J'ai ainsi porté, au travers d'amendements déposés par Lénaïck Adam, des harmonisations rédactionnelles nécessaires, que je vous présenterai ultérieurement.
Cette proposition de loi a pour objet de tirer les conséquences de la forte croissance démographique que connaît la Guyane. Lorsqu'il a déterminé le mode de scrutin pour les sièges de conseiller à l'assemblée de Guyane, le législateur a en effet prévu une clause de réévaluation de leur nombre lorsque la population guyanaise atteindrait deux paliers, fixés à 250 000 et 300 000 habitants. Alors que le premier de ces deux seuils a été franchi et que le second devrait l'être très prochainement, le texte prévoit une solution pérenne et souple pour la répartition de ces sièges.
En l'état actuel du droit, la répartition des sièges entre sections est effectuée directement par la loi, avec une attribution minimale de trois sièges par section. Le mode de scrutin prévoit également une prime majoritaire de onze sièges à la liste arrivée en tête des suffrages, elle-même répartie entre les différentes sections par le législateur, qui a prévu l'octroi d'au moins un siège par section. Il en résulte une double rigidité. D'une part, lorsqu'un seuil démographique est franchi, le législateur est tenu de légiférer de nouveau pour définir la répartition des sièges supplémentaires entre les sections. D'autre part, dans le cas où des évolutions démographiques divergentes rendraient nécessaire une révision de la répartition des sièges entre sections électorales, il revient au législateur de procéder à cette révision.
Or, si la définition des règles applicables en matière électorale relève bien de la compétence du législateur, il lui est tout à fait possible de renvoyer l'application de ces règles au pouvoir réglementaire, pourvu que cette compétence soit strictement encadrée.
En conséquence, l'objet de la proposition de loi n'est pas de modifier dans la loi le nombre de sièges par section, mais d'y inscrire de façon pérenne les règles de répartition des sièges entre les sections, en renvoyant à un arrêté du préfet de Guyane la mise en oeuvre de ces règles avant chaque scrutin.
Cette répartition s'effectuerait proportionnellement à la population de chaque section selon la règle de la plus forte moyenne. Chaque section se verrait attribuer, comme aujourd'hui, au moins trois sièges, ce qui permet d'assurer la représentation équitable et pluraliste des territoires. En ce qui concerne la prime majoritaire, elle serait fixée à 20 % du total des sièges, ce qui correspond, pour une assemblée de 51 ou 55 membres, au total actuel de 11 sièges. Elle serait également répartie proportionnellement à la population de chaque section, selon la règle de la plus forte moyenne, avec un minimum d'un siège par section.
Il s'agit moins d'une réforme profonde du mode de répartition des sièges que de la formalisation et de la pérennisation de la répartition actuelle, tout en renvoyant à un acte règlementaire la mise en oeuvre effective de ces règles. S'inscrivant dans le sillage du dispositif actuel et introduisant une souplesse procédurale bienvenue, la proposition de loi ne pose pas, sur le fond, de difficulté particulière.
Deux séries de questions ont néanmoins attiré mon attention.
En premier lieu, je me suis interrogée sur le niveau normatif de l'acte réglementaire procédant, avant chaque scrutin, à la répartition des sièges entre sections. Le dispositif de la proposition de loi prévoyant un arrêté du préfet de Guyane, j'ai étudié l'opportunité d'un arrêté ministériel. Après examen attentif, il apparaît néanmoins qu'une telle modification ne soit pas nécessairement pertinente. D'une part, le pouvoir réglementaire n'ayant aucune marge de manoeuvre, il apparaît en situation de compétence liée : attribuer au ministre de l'intérieur la charge d'adopter un tel acte ne présenterait donc aucun avantage substantiel. D'autre part, d'autres dispositions similaires du code électoral renvoient à un acte pris à l'échelon local et non national. L'attribution au préfet de Guyane de la charge de prendre cet acte ne pose donc aucun problème de fond.
En second lieu, certaines formulations méritaient une harmonisation avec les dispositions du code électoral. La mention de la population « légale » aurait en particulier pu prêter à confusion. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré deux de ces modifications formelles à mon homologue de l'Assemblée nationale, qui les a portées. Adoptées aux côtés d'autres modifications de nature rédactionnelle, elles garantissent la solidité juridique du texte.
À cet égard, permettez-moi de souligner la qualité du travail réalisé en commun avec M. Adam en amont de l'examen par le Sénat de cette proposition de loi - je le remercie aussi de sa disponibilité. Grâce à nos échanges fructueux et une convergence de vues sur le fond, nous avons créé les conditions d'une adoption sans modification de la présente proposition de loi.
Tel qu'issu des délibérations de l'Assemblée nationale, le texte me semble donc équilibré politiquement et solide juridiquement. Dans ces conditions, je vous propose de l'adopter sans modification.
M. Guy Benarroche . - Je vous remercie de votre travail, madame la rapporteure. La continuité et la pérennisation des règles de répartition des sièges priment dans ce texte. Mais certains élus remettent précisément en cause le dispositif actuel et souhaitent modifier la prime majoritaire, qu'ils jugent trop importante, et estiment qu'une répartition fondée sur des critères démographiques n'est pas adaptée : la population est dispersée dans certains grands territoires qui sont, de fait, sous-représentés au sein de l'assemblée de Guyane. Les trois sections côtières les plus actives économiquement parlant constituent à elles seules la majorité absolue de cette nouvelle assemblée, alors que la population y est dense et peu diversifiée.
Ce texte aurait pu nous permettre de tenir compte de ces problématiques.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie Mme la rapporteure pour la clarté et la concision de son intervention. Je la remercie également d'avoir pris contact avec l'auteur de cette proposition de loi afin d'avancer sur nos travaux.
J'ai entendu les réserves émises par notre collègue Guy Benarroche. Néanmoins, cette proposition de loi vise non pas à réformer la procédure, mais à la simplifier en vue des prochaines élections. Le Parlement ne va pas légiférer chaque fois que la Guyane aura atteint un palier démographique. Aussi, nous pouvons nous en remettre au pouvoir réglementaire local eu égard aux garanties apportées par la rapporteure.
Mme Catherine Belrhiti , rapporteure . - Il n'est pas question ici d'engager une grande réforme. Je n'ai pas eu les mêmes échos que vous, monsieur Benarroche ; les élus que nous avons interrogés - le président de l'assemblée de Guyane, les sénateurs, les députés - sont d'accord avec l'organisation proposée.
M. Alain Richard . - Je veux revenir sur les objections soulevées par M. Benarroche. Le scrutin appliqué en Guyane est identique au scrutin pour les élections régionales : un scrutin de liste avec représentation proportionnelle pour l'ensemble de la circonscription, en l'espèce la Guyane, puis une répartition des sièges en fonction du nombre de voix obtenues dans chaque section, ce qui peut aboutir à un niveau de représentation minoré pour ce qui concerne les sections les moins peuplées, car l'effet de la plus forte moyenne joue à l'intérieur de chaque liste.
Sur l'insistance de notre ami Alain Bertrand, élu de la Lozère, qui avait rencontré un problème similaire au sein de l'ancienne région Languedoc-Roussillon, nous avions introduit dans le code électoral une clause de garantie pour tordre le mode de répartition des sièges à l'intérieur de chaque liste de sorte que la section la moins peuplée dispose au moins de deux sièges. Je ne sais pas si l'écart est tel qu'une section pourrait n'avoir qu'un seul siège, mais j'indique que ce précédent existe.
Mme Catherine Belrhiti , rapporteure . - Nous avons prévu un minimum de trois sièges pour chaque section.
M. Alain Richard . - J'espère que cette répartition n'est pas trop éloignée de la démographie.
M. François-Noël Buffet , président . - Avant d'examiner l'amendement déposé sur ce texte, Mme la rapporteure va nous indiquer le périmètre retenu en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Catherine Belrhiti , rapporteure . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient en effet d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose d'indiquer que ce périmètre comprend toute disposition relative au mode de scrutin pour l'élection des conseillers de l'assemblée de Guyane, tel que défini au chapitre II du titre I er du livre VI bis du code électoral.
EXAMEN DE L'ARTICLE
Mme Catherine Belrhiti , rapporteure . - L'amendement COM-1 tend à rétablir, en lieu et place de la prime majoritaire de 20 % du nombre total de sièges prévue par la proposition de loi, une prime majoritaire fixée à onze sièges.
Les auteurs de cet amendement souhaitent attirer notre attention sur les effets de bord que peuvent avoir, dans l'ensemble du droit électoral, les dispositifs de prime majoritaire. Je ne peux néanmoins émettre un avis favorable à l'adoption de cette disposition.
Premièrement, cette prime majoritaire sert à constituer des majorités stables, dont chacun peut apprécier la nécessité. Deuxièmement, ce débat excède très largement la portée de la présente proposition de loi. En effet, ce débat ne saurait porter sur les seules élections à l'assemblée de Guyane et devrait être tranché sur l'ensemble du code électoral. Troisièmement, enfin, j'insiste sur la nécessité d'adopter le texte qui nous est soumis sans modification. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur . - Permettez-moi au préalable de faire une observation générale sur l'application de l'article 45 de la Constitution.
En tant que rapporteur pour avis sur la mission budgétaire « Pouvoirs publics », je me suis entretenu avec Laurent Fabius et j'ai profité de l'occasion pour évoquer la question des irrecevabilités au titre de l'article 45. Il m'a fait part de son ouverture à engager une réflexion sur ce sujet. La décision du Conseil constitutionnel sur la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) est à cet égard intéressante : cette loi est constituée d'articles n'ayant pas de rapport les uns avec les autres. Ainsi, comment estimer que tel ou tel amendement a un lien même indirect avec certaines des dispositions prévues ? Tout cela est bien étrange, et vous savez mon opposition à l'application qui est faite de cet article.
J'en reviens à notre sujet. Concernant la prime majoritaire, nous avons eu les mêmes échos que M. Benarroche. Les élus qui en bénéficient estiment que c'est un excellent système, mais il est possible que d'autres élus n'en fassent pas la même lecture.
Quoi qu'il en soit, vous avez raison de le souligner, il s'agit d'un problème général. Nous avons déposé cet amendement pour poser la question, car il semble y avoir un problème en Guyane. Mais, compte tenu des arguments de la rapporteure, je vais le retirer au stade de la commission.
L'amendement COM-1 est retiré.
La proposition de loi est adoptée sans modification .
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
M. SUEUR |
1 |
Rétablissement d'une prime majoritaire à onze sièges |
Retiré |