B. LA PROROGATION, VOIRE LA PÉRENNISATION, SOUS UNE FORME ÉVENTUELLEMENT MODIFIÉE
Une autre option consisterait à proroger l'application de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 au-delà du 31 décembre 2020, voire à l'inscrire dans le droit commun en modifiant l'article L. 642-3 du code de commerce.
Plusieurs personnes entendues par la rapporteure ont plaidé en ce sens, au motif notamment que les défaillances d'entreprises liées à la crise sanitaire sont encore, pour la plupart d'entre elles, à venir . Le cas des cafetiers, restaurateurs, hôteliers, petits commerçants dont les établissements ont dû fermer une nouvelle fois cet automne, en application des mesures de police prises sur le fondement de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou de l'état d'urgence sanitaire de nouveau en vigueur depuis le 17 octobre 2020, a été très souvent évoqué lors des auditions de la rapporteure.
Dans cette hypothèse, le dispositif pourrait éventuellement être resserré pour éviter tout effet d'aubaine . Ainsi, il serait envisageable de réserver expressément, à l'avenir, le bénéfice de cet assouplissement procédural aux dirigeants n'ayant pas commis de faute de gestion 22 ( * ) , à ceux qui n'ont dirigé aucune entreprise liquidée judiciairement au cours des années précédentes, ou encore à ceux dont le chiffre d'affaires a diminué dans une certaine proportion pendant la durée d'application des mesures de police affectant leur activité. Dans une contribution écrite adressée à la rapporteure, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) suggère quant à elle d'en conditionner l'application à l'engagement par le dirigeant-repreneur de maintenir la totalité des emplois.
Tel ne semble pas être le choix du Gouvernement .
C. LE MAINTIEN DU DISPOSITIF PRÉVU PAR L'ORDONNANCE JUSQU'À SON TERME, SOIT LE 31 DÉCEMBRE 2020
Le Gouvernement, en effet, n'a pas demandé au Parlement la prolongation de la durée d'application de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 - contrairement aux articles 1 er à 6 de la même ordonnance, qui devraient être prorogés jusqu'au 31 décembre 2021 par l'article 124 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique 23 ( * ) . De même, ses représentants ont fait savoir à la rapporteure qu'il n'avait pas l'intention de prolonger l'application dudit article 7 sur le fondement des habilitations qui lui ont été consenties par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. L'examen de l'ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l'épidémie de covid-19 le confirme.
L'exécutif, en effet, semble échaudé par les réactions très contrastées qu'a suscitées cette disposition de la part des praticiens, des organisations d'employeurs et de salariés, ainsi que de la presse généraliste et spécialisée. La procédure de droit commun permettant au dirigeant d'une entreprise de reprendre celle-ci dans le cadre d'un plan de cession était souvent ignorée, parce que rarement employée. Beaucoup de déclarations entendues au cours de l'automne ont entretenu une certaine confusion, en laissant entendre que l'ordonnance du 20 mai 2020 avait introduit cette possibilité de reprise d'une entreprise par l'un de ses dirigeants, alors qu'elle a seulement assoupli la procédure pour parvenir à ce résultat, en maintenant d'ailleurs d'importants garde-fous procéduraux et de strictes conditions de fond.
Par ailleurs, le Gouvernement considère que les acteurs économiques, les praticiens des procédures collectives et les parquets sont désormais pleinement sensibilisés à la nécessité de faciliter les cessions d'entreprises, y compris à leurs dirigeants si cela s'avère opportun, et mieux informés des souplesses prévues par le droit commun . Dès lors, l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 aurait joué son rôle pédagogique et ne serait plus indispensable au cours des mois à venir.
Entendant cet argument, la rapporteure appelle à mobiliser l'ensemble des possibilités offertes par notre droit pour sauver des entreprises viables mais fragilisées par la crise, et pour préserver ainsi des milliers d'emplois .
En tout état de cause, et conformément à la pratique suivie au Sénat depuis 2009 en application d'un gentlemen's agreement des présidents de groupe et de commission, la proposition de loi ayant été inscrite à l'ordre du jour du Sénat à la demande d'un groupe d'opposition et dans un espace qui lui est réservé, aucun amendement ne pouvant être adopté en commission sans l'accord de ce groupe, la rapporteure a proposé le rejet du texte .
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En conséquence, la commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi.
En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique, le 10 décembre 2020, sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
* 22 C'est ce que propose par exemple la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à défaut d'un retour au droit commun qui a sa préférence.
* 23 Adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 28 octobre 2020, cette loi a fait l'objet d'une saisine devant le Conseil constitutionnel avant sa promulgation par plus de soixante députés le 3 novembre 2020.