B. LES MOTIFS DE CET ASSOUPLISSEMENT MODÉRÉ

L'absence d'étude d'impact et de débat parlementaire sur une disposition prise par voie d'ordonnance, ainsi que le caractère laconique du rapport au Président de la République sur le projet d'ordonnance, rendent difficile d'apprécier les raisons qui ont conduit le Gouvernement à adopter cette mesure d'assouplissement procédural .

Le rapport au Président de la République se contente d'indiquer qu'il s'agissait de faciliter la cession d'entreprises mises en difficulté par la crise sanitaire, « dès lors qu'elles sont viables et si le débiteur n'est pas en mesure d'assurer lui-même la poursuite de l'activité dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement », et pour le cas où « les dirigeants de la personne morale en liquidation judiciaire [seraient] en mesure de préserver les emplois en reprenant l'entreprise dans le cadre d'un plan de cession ». La circulaire du 16 juin 2020 précise que « les premières analyses des conséquences de la crise font apparaître (...) que le maintien des emplois imposera plus fréquemment une telle opération, dans un marché affecté par cette crise 14 ( * ) ».

Selon les informations complémentaires recueillies par la rapporteure, deux principales considérations conjoncturelles ont motivé cet assouplissement temporaire de la procédure :

- une considération d'ordre économique : on pouvait craindre que les repreneurs potentiels ne soient beaucoup moins nombreux qu'habituellement dans le contexte très incertain de la crise sanitaire ; il convenait donc de faciliter la reprise d'entreprises par leurs dirigeants eux-mêmes ;

- une considération d'ordre moral : les dirigeants d'entreprises mises en difficulté par la crise sanitaire et les mesures de police administrative prises pour y faire face (fermeture d'établissements, limitation des déplacements, etc .) n'en portant aucunement la responsabilité, il était légitime de leur permettre de présenter plus facilement des offres de reprise, en concurrence, le cas échéant, avec des candidats extérieurs.

S'y sont ajoutées des considérations indépendantes du contexte de crise et tenant au bien-fondé de la procédure de droit commun :

- l'exigence d'une requête préalable du ministère public, compte tenu notamment du fait qu'elle impose aux dirigeants, parents ou alliés de lui soumettre leur offre très en amont de l'expiration du délai normalement imparti aux candidats repreneurs, peut faire obstacle à la présentation effective d'une telle offre, quand bien même elle serait la seule possible ou la plus pertinente eu égard aux critères légaux ;

- en outre, plutôt que l'offre des dirigeants, parents ou alliés soit formulée par l'intermédiaire d'une requête (non motivée) du ministère public, il peut apparaître préférable qu'elle soit directement présentée au tribunal et soumise à débat contradictoire à l'audience ;

- enfin, certains parquets semblent réticents à endosser la responsabilité de présenter une telle requête, et estiment que leur rôle est plutôt de formuler un avis à l'audience à l'issue des débats et, le cas échéant, de faire usage de leur droit d'appel .

Ces dernières considérations semblent corroborées par la rareté des affaires où il est effectivement recouru à la faculté prévue à l'article L. 642-3 du code de commerce .


* 14 Circulaire du garde des sceaux du 16 juin 2020 de présentation de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020.

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