III. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT NON REPRISES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Néanmoins, la plupart des initiatives du Sénat ont été rejetées par l'Assemblée nationale à l'occasion de la nouvelle lecture.
Le désaccord entre les deux assemblées concerne,
en particulier, des mesures dont dépend l'équilibre financier
futur de la sécurité sociale
- ce que manifeste
symboliquement la non-reprise de l'amendement adopté par le Sénat
à l'article 24 qui affirmait la nécessité d'amorcer un
retour à l'équilibre des comptes de la sécurité
sociale dès que la situation économique le permettra.
Il en est ainsi des propositions du Sénat en matière de compensations à la sécurité sociale de charges qui lui ont été transférées par l'État ou de diverses mesures de baisses de recettes décidées par celui-ci.
A. LA COMPENSATION À LA SÉCURITÉ SOCIALE DE CHARGES ET DE BAISSES DE RECETTES
1. La compensation au juste niveau du budget de l'Agence nationale de santé publique
Le Sénat a inséré, en première lecture, un article 6 bis A définissant le principe d'une compensation à la sécurité sociale du budget 2020 de l'Agence nationale de santé publique (ANSP, dite Santé publique France).
En effet, l'article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a procédé au transfert de l'État à la sécurité sociale du financement de l'ANSP. Le Sénat et sa commission des affaires sociales s'étaient opposés à ce transfert, sa rapporteure pour la branche maladie, alors Catherine Deroche, considérant que « le financement intégral de Santé publique France par l'État reste légitime au regard du rôle pivot que cet opérateur occupe dans notre système de veille épidémiologique et de sécurité sanitaire. Son transfert vers l'assurance maladie affaiblirait en outre la visibilité du Parlement sur les moyens consentis à cette agence ».
C'est peu dire que l'année 2020 a totalement justifié cette analyse.
En effet, face à la crise épidémique de covid-19, Santé publique France a été totalement mobilisée par l'État afin de reconstituer ses stocks stratégiques de divers dispositifs médicaux, en particulier les masques chirurgicaux et FFP2.
Pour accomplir cette mission régalienne pilotée par l'État , l'agence a vu son budget exploser, passant de 156 millions d'euros à 4,8 milliards d'euros .
Dans ces conditions, à défaut de pouvoir retransférer l'agence à l'État, le Sénat a considéré qu'il était nécessaire que l'État compense intégralement à la branche maladie le coût des dépenses régaliennes qu'il a lui-même engagées et fait supporter à l'ANSP .
L'Assemblée nationale a cependant supprimé l'article 6 bis A en nouvelle lecture sur la base d'arguments peu convaincants, le rapporteur général convenant lui-même qu'il faudra recalibrer la compensation si le budget de l'agence devait durablement se révéler supérieur à celui de l'année du transfert.
2. La compensation des baisses de recettes votées depuis la LFSS pour 2019
Le Sénat a également introduit, en première lecture, un article 10 A rétablissant la compensation de l'ensemble des baisses de recettes de la sécurité sociale décidées ces deux dernières années.
En effet, sur la base d'un rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale , le Gouvernement défend depuis deux ans une vision de ces relations à rebours du principe de compensation à la sécurité sociale des mesures entraînant une perte de recettes qui prévaut depuis la « loi Veil » de 1994 - et à rebours des dispositions organiques faisant de la non-compensation une exception dont les LFSS ont le monopole.
Si, depuis lors, certaines mesures d'un coût particulièrement élevé ont été compensées (en particulier la transformation du CICE en allègements de cotisations et contributions sociales), les non-compensations se sont de fait multipliées, pour un coût réel de plus de 4 milliards d'euros, que détaille le tableau ci-dessous .
Effet des mesures nouvelles en recettes
sur les
produits du régime général et du FSV en 2019
(en Md€)
Intitulé de la mesure |
Prévision LFSS 2020 |
Réalisé |
Pertes de recettes non compensées |
- 4,3 |
- 4,1 |
Mesures de la LFSS 2019 |
- 1,6 |
- 1,5 |
Lissage des seuils de CSG sur les revenus de remplacement |
- 0,2 |
- 0,2 |
Abattement de l'assiette du forfait social |
- 0,6 |
- 0,5 |
Exonération de CSG et CRDS sur les revenus du capital |
- 0,2 |
- 0,2 |
Exonération au 1 er septembre des cotisations salariales sur les heures supplémentaires |
- 0,6 |
- 0,6 |
Mesures de la loi mesures d'urgence économiques et sociales |
- 2,7 |
- 2,6 |
Anticipation au 1 er janvier de l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires |
- 1,2 |
- 1,1 |
Restauration du taux de CSG de 6,6 % sur une partie des retraites |
- 1,5 |
- 1,5 |
Source : Cour des comptes
Le Sénat a considéré à l'inverse que l'absence de perspective de retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale remettait en cause le fondement même des non-compensations décidées ces deux dernières années - dont votre commission a par ailleurs toujours contesté le principe.
Certes, une telle mesure est neutre en prenant en compte l'ensemble des administrations publiques.
Néanmoins, au vu de la nature de ses dépenses, la sécurité sociale a le devoir d'équilibrer ses comptes afin de ne pas transférer le poids des dépenses sociales d'une génération sur les générations suivantes. Tel est le principe qui a conduit à la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) en 1996.
Pour ce faire, il convient néanmoins de créer les conditions dans lesquelles la sécurité sociale paye toutes ses dettes mais rien que ses dettes.
C'est pourquoi l'article 10 A proposait la suppression des dérogations au principe de compensation votées lors des deux dernières LFSS et énumérées dans le tableau ci-dessus.
Cependant, là encore, l'Assemblée nationale a supprimé cet article .