D. LE LOGEMENT SOCIAL DEVRAIT PARTICIPER À LA RELANCE MALGRÉ DES MARGES DE MANoeUVRE PLUS LIMITÉES
L'instauration du confinement , au printemps, a contraint les bailleurs sociaux à s'organiser en urgence . Des problèmes concrets, tels que l'organisation des travaux d'entretien ou la signature des garanties par les collectivités territoriales, ont dû trouver des solutions nouvelles, ainsi que la fermeture des chantiers et la réouverture lors du retour partiel à la normale.
La Caisse des dépôts a également joué son rôle de soutien au secteur en activant une ligne de trésorerie de 2 milliards d'euros, qui a finalement été peu utilisée.
Un moratoire général sur le paiement des loyers n'est pas apparu nécessaire , les mesures de soutien aux ménages, en particulier avec le financement du chômage partiel, ayant permis de préserver le revenu de la plupart des ménages. Les organismes ont également mis en place, lorsque c'était nécessaire, des mesures d'étalement du paiement des loyers. Des retards de paiement sont apparus, mais partiellement dus à des raisons techniques, telles que la fermeture des bureaux de Poste. Selon les estimations de l'USH, les retards de paiement représentent actuellement environ 100 millions d'euros, sur 25 milliards d'euros de quittances.
1. Le logement social et intermédiaire devrait être un moteur du plan de relance
Lors de la crise de 2009-2010, le secteur du logement social avait joué un rôle d'amortisseur important, reprenant notamment des projets privés en vente future en l'état d'achèvement (VEFA). Si les projets privés ne rencontrent pas encore des difficultés justifiant ces interventions sur une grande échelle, il n'en reste pas moins que le secteur du logement social , grâce à la relative stabilité que lui donne son mode de financement, doit être l'un des moteurs de la relance de l'économie .
À cet égard, le plan de relance prévoit de consacrer 500 millions d'euros à la rénovation thermique des logements sociaux .
Selon le dossier de presse du plan de relance, trois types d'opérations sont visées : la rénovation thermique globale, le déploiement de solutions industrielles pour la rénovation énergétique et la restructuration lourde de logements sociaux existants vétustes et inadaptés.
Le soutien à la rénovation énergétique et à la réhabilitation lourde de logements sociaux ne peut être que salué, d'autant que l'instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS) a contraint certains bailleurs à réduire leurs dépenses en la matière (voir infra ).
La principale innovation consiste toutefois dans l'accent mis sur la promotion de l'initiative Energiesprong , dont l'objectif est d'accélérer et de massifier les travaux de rénovation énergétique tout en réduisant leur coût. Ce procédé, élaboré aux Pays-Bas, repose d'abord sur la mutualisation des commandes de matériaux pour plusieurs projets de rénovation. Puis les travaux utilisent des éléments préfabriqués conçus pour minimiser la consommation énergétique sur le long terme. Les travaux sont menés en quelques jours en site occupé 32 ( * ) .
Tout en espérant que cette initiative porte ses fruits, le rapporteur spécial souligne que , si la rénovation des logements est une priorité, le parc social comprend une proportion nettement moindre de « passoires thermiques » que le parc privé , notamment locatif (7 % de logements étiquetés F ou G dans le parc social, contre 18,7 % dans le parc privé 33 ( * ) ).
L'accent doit également être mis sur l'accroissement du parc des logements sociaux .
Or selon les prévisions de la Banque des territoires 34 ( * ) , la crise sanitaire actuelle entraînerait une baisse de production de logements de 20 % en 2020 par rapport aux objectifs du pacte d'investissement de 2019, soit 20 000 constructions de logements en moins et 25 000 réhabilitations en moins. Les ventes aux personnes physiques et aux sociétés de vente HLM seraient également en baisse de 30 %.
2. La réduction de loyer de solidarité réduit les marges de manoeuvre des bailleurs sociaux
Le rapporteur spécial constate que les discours ne sont pas concordants au sujet de l'impact de la réduction de loyer de solidarité (RLS), instaurée par la loi de finances pour 2018 et révisée au printemps 2019.
Pour mémoire, la RLS consiste en une diminution du loyer dans les logements sociaux, accompagnée d ' une réduction des aides au logement pour les locataires qui en bénéficient . Il s'agit donc d'une réduction du coût du logement social pour le budget de l'État, supportée pour l'essentiel par les bailleurs sociaux.
Constatant de manière générale que la RLS avait représenté un poids plus important qu ' il ne l ' avait prévu, le Gouvernement a organisé une concertation au début de l'année 2019, à l'issue de laquelle deux accords ont été signés : un « pacte productif » avec les bailleurs sociaux et les autres acteurs du secteur et le « plan d ' investissement volontaire » d ' Action Logement, avec les objectifs suivants :
- un niveau d'agréments de logement sociaux de 110 000 agréments annuels sur la période 2020-2022 ;
- une augmentation de la RLS à un niveau de 1,3 milliard d ' euros, et non 1,5 milliard d ' euros comme prévu initialement. Si ces modalités sont fixées en principe dans un décret annuel, un second décret a dû être pris courant 2020 afin de maintenir le coût à 1,3 milliard d'euros, compte tenu de l'augmentation des bénéficiaires des APL résultant de la crise 35 ( * ) .
Des mesures de compensation aux bailleurs sociaux ont été introduites, dont la suppression de la règle de l'indexation annuelle automatique des forfaits de RLS et des plafonds de ressource d'éligibilité, une diminution de 300 millions d'euros de la contribution des bailleurs sociaux au financement des aides à la pierre pendant la période 2020-2022 (en fait compensée à due concurrence par une contribution du groupe Action Logement) et enfin l'abaissement de la TVA pour les opérations les plus « sociales ».
Aujourd'hui, l'administration considère que la RLS n'a pas fragilisé le secteur , faisant observer que le nombre d'organismes en difficulté n'a pas augmenté. La Banque des territoires estime que le secteur conserve une capacité financière suffisante pour maintenir à long terme la production de logements sociaux à 100 000 unités par an , objectif que le rapporteur spécial trouve peu ambitieux .
Elle note toutefois que le nombre de rénovations a diminué en 2019 . L'Union sociale de l'habitat (USH) indique également que la variable d'ajustement a été les dépenses de maintenance , réduites afin de limiter l'impact de la RLS sur les bailleurs.
L'étude « Perspectives » de la Banque des territoires, publiée en septembre 2020, rappelle que, en 2018, les bailleurs ont réagi à la diminution de l'autofinancement en réduisant leurs investissements, tandis que le coût de la construction était accru par la hausse de la TVA.
Le rapporteur spécial s'inquiète de la diminution des opérations de maintenance et de rénovation . Le parc social, en France, est souvent ancien et un retard sur l'entretien est une économie à court terme, mais peut représenter un coût important plus tard, ainsi qu'un risque de déclassement du parc immobilier.
3. Les excédents du livret A devraient trouver de nouveaux usages
La collecte d'épargne réglementée a connu un développement important pendant la période de confinement , portant l'encours total du livret A et du livret LDDS à un niveau de 443,7 milliards d'euros à la fin septembre 2020, contre 410,8 milliards d ' euros un mois plus tôt 36 ( * ) .
Évolution de la collecte du livret A et du LDDS en 2019 et 2020
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (données Caisse des dépôts et consignations)
Dans le même temps, les prêts sur livret A rencontrent, pour certains bailleurs, la concurrence des prêts de marché qui bénéficient de taux extrêmement bas. L'enjeu est dès lors pour la Caisse des dépôts de trouver des utilisations pour les fonds déposés sur le livret A.
Dans ces conditions, la Caisse des dépôts a indiqué que le Gouvernement lui a donné son accord pour faire évoluer les conditions des prêts accordés à partir des livrets d'épargne réglementée 37 ( * ) . Des prêts pourraient être accordés, notamment à de nouvelles entités, telles que les agences de l'eau, des grandes fondations et associations reconnues d'utilité publique. Une enveloppe de prêts d'environ 12 milliards d'euros doit ainsi être consacrée à des projets des collectivités locales, pour des projets liés à la transition écologique, la santé ou le tourisme.
* 32 Plan bâtiment durable, EnergieSprong : le défi de la rénovation énergétique des logements sociaux à grande échelle , 20 février 2017.
* 33 Commissariat général au développement durable / Service des données et études statistiques, Le parc de logements par classe de consommation énergétique , document de travail n° 49, 2 septembre 2020.
* 34 Étude Perspectives, septembre 2020.
* 35 Arrêté du 30 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 27 février 2018 relatif à la réduction de loyer de solidarité.
* 36 Caisse des dépôts et consignations, Collecte mensuelle en septembre 2020 sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), 21 octobre 2020.
* 37 Caisse des dépôts et consignations, Le livret A au service de la relance et de la transition écologique et énergétique des territoires , communiqué de presse, 10 septembre 2020.