C. SI LA RÉDUCTION DE SES EFFECTIFS CONSTITUE UN SUJET DE VIGILANCE, VOIES NAVIGABLES DE FRANCE VA PERCEVOIR 175 MILLIONS D'EUROS DU PLAN DE RELANCE AFIN D'ACCÉLÉRER LA RÉNOVATION DE SON RÉSEAU
1. Des ressources réduites par la crise sanitaire et des effectifs en forte baisse
Voies navigables de France (VNF) , établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, gère le réseau de voies navigables français . Il est chargé de son exploitation , de son entretien , de sa maintenance , de son amélioration ainsi que de son extension .
La loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France lui a transféré au 1 er janvier 2013 les services de navigation de l'État , jusqu'alors mis à sa disposition, et qui comptaient quelque 4 000 agents .
Le réseau géré par l'établissement comprend 6 700 kilomètres de voies navigables , plus de 3 000 ouvrages d'art et 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d'eau.
Le projet stratégique de VNF pour la période 2015-2020 vise d'abord à hiérarchiser les différents segments du réseau , avec une offre de service fret sur le réseau à grand gabarit , une offre touristique sur les voies navigables plus modestes qui s'y prêtent et une offre de gestion hydraulique pour les autres usages de l'eau (agriculture, industrie, etc.). VNF est particulièrement attentif aux enjeux écologiques , comme en atteste sa démarche de labellisation ISO 14 000 , le déploiement d'un label « développement durable » et sa coopération accrue avec les agences de l'eau .
Son contrat d'objectifs et de performance (COP) a fait l'objet d'une inscription dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) mais se fait toujours attendre à la fin de l'année 2020 . Les rapporteurs spéciaux estiment qu'il devra rapidement être adopté en 2021 .
VNF devrait compter 4 103 ETPT en 2021, dont 4 073 sous plafond et 30 hors plafond (il s'agit d'emplois aidés). Son schéma d'emploi pour 2021 prévoit une diminution de 99 ETPT contre 112 ETP en 2020.
Dans le cadre d'Action publique 2022, il est prévu que VNF diminue ses effectifs d'une centaine d'ETPT par an , pour passer sous la barre des 4 000 ETPT d'ici la fin de la législature . 1 900 départs à la retraite sont prévus dans les dix ans à venir, soit près de 50 % des effectifs actuels , si bien que les objectifs assignés à l'opérateur apparaissent relativement réalistes.
Les rapporteurs spéciaux notent toutefois que la diminution prévue en 2021 est particulièrement forte et suscite des inquiétudes légitimes au sein de l'opérateur, car beaucoup d'installations nécessitent des interventions humaines .
La subvention pour charges de service public que reçoit l'établissement sur les crédits du programme 203 représente environ 39 % de ses ressources . Cette subvention s'établira en 2021 à 248,3 millions d'euros (AE=CP), soit un montant inférieur de 2,2 million d'euros à celui de 2020, ce qui ne lui permettra pas de couvrir intégralement ses dépenses de personnel.
Depuis le 1 er janvier 2020, la taxe hydraulique que percevait VNF a été remplacée par une redevance domaniale , créée par voie réglementaire 15 ( * ) . Son fait générateur est le même que celui de la taxe hydraulique, à savoir le prélèvement ou le rejet d'eau , quel qu'en soit le but (refroidissement d'installations industrielles, irrigation, eau potable, évacuation des eaux, etc.). Son rendement devrait être analogue à celui de la taxe hydraulique, soit 127 millions d'euros par an environ.
Les recettes propres de l'établissement, qui correspondent à ses redevances domaniales et à ses péages auraient dû représenter 46,7 millions d'euros en 2021, mais elles ne devraient atteindre que 35,8 millions d'euros en raison de la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de Covid-19.
Le montant perçu au titre des redevances domaniales devrait ainsi reculer de 2,5 millions d'euros , en raison de mesures adoptées pour soutenir le tourisme fluvial , et le produit des péages diminuer de 8,4 millions d'euros en raison d'un moindre usage du réseau et de l'effet de mesures décidées par VNF pour préserver le tissu économique de la voie d'eau pendant la crise.
2. VNF va pouvoir investir massivement sur son réseau en 2021 grâce notamment aux crédits du plan de relance
Plusieurs épisodes de crues survenues ces dernières années ont mis en évidence les fragilités du vieillissant réseau de voies navigables géré par VNF, avec notamment la rupture d'une digue sur le Loing en 2016.
Un audit réalisé par le cabinet MENSIA et le bureau d'études ARCADIS a en effet montré que les investissements réalisés ces dernières années en matière de voies navigables avaient été très insuffisants .
Il fait ainsi état d'un besoin d'investissement de 245 millions d'euros par an pendant dix ans 16 ( * ) , dont 120 millions d'euros pour le réseau à grand gabarit .
La programmation des investissements dans les transports prévoit que l'État doit augmenter les crédits de l'AFITF consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau fluvial pour atteindre en moyenne 110 millions d'euros par an entre 2019 et 2022 puis 130 millions d'euros par an entre 2023 et 2027. L'objectif visé est d'atteindre un montant d'investissement total moyen de 190 millions d'euros par an, en prenant en compte également les capacités d'investissement propres de VNF et les cofinancements des collectivités territoriales.
De fait, les subventions d'investissement de l'AFITF à VNF devraient représenter 113 millions d'euros en 2020 soit une hausse de 23 millions d'euros (+ 25,6 %) par rapport aux 90 millions d'euros de 2019. Cette forte augmentation, bienvenue, devrait permettre à l'établissement d'investir 214 millions d'euros dans son réseau , contre 174,5 millions d'euros en 2019 ce qui permettrait de progresser vers une véritable remise en état et une régénération du réseau , en dépit du ralentissement des travaux provoqués par le premier confinement..
Surtout, les rapporteurs spéciaux se félicitent que 175 millions d'euros soient prévus dans le cadre du plan de relance pour anticiper la réalisation d'environ 160 projets portés par VNF. L'établissement investirait ainsi 268 millions d'euros dès 2021, soit 54 millions d'euros de plus qu'en 2020.
Ces moyens supplémentaires bénéficieront à des travaux sur des écluses de petit gabarit (Saône, Canal de la Marne au Rhin, Marne...) mais également sur le réseau grand gabarit, notamment les écluses de Jaulnes et de Villiers-sur-Seine situées sur la Seine amont, ou encore celle d'Amfreville sur la Seine aval.
Parmi les projets destinés à moderniser le réseau, peuvent être cités la télégestion des prises d'eau et des stations de pompage sur le Rhin pour le grand gabarit, ainsi que la généralisation sur le petit gabarit de l'automatisation des écluses (Canal de la Meuse) et de la télégestion (Canal du Rhône au Rhin, Petite Saône).
VNF prévoit enfin de rénover des barrages, considérés comme vétustes et qui fragilisent ses installations face à des phénomènes climatiques extrêmes : la Saône et la Moselle sur le grand gabarit, le Canal de Bourgogne, le Canal du Centre et le Canal latéral à la Loire pour le petit gabarit.
* 15 La taxe hydraulique, dont le rendement tendait à se réduire sous l'effet de la diminution du nombre de centrales thermiques et nucléaires d'EDF, principal redevable, et qui, de plus, voyait sa conformité au droit européen remise en cause dans le cadre de plusieurs contentieux, a été supprimée à compter du 1er janvier 2020 par la loi de finances pour 2019.
* 16 Parmi ces 245 millions d'euros par an, les trois cinquième correspondent à la seule gestion hydraulique du réseau, les deux cinquièmes restant correspondant aux investissements pour la navigation.