IV. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

A. LA SÉCURISATION DU PROCESSUS ÉLECTORAL POUR FAIRE FACE À L'ÉPIDÉMIE

1. Une nécessité démocratique

Au cours de ses travaux, la commission a souhaité sécuriser le déroulement des prochaines échéances électorales , à savoir :

- les élections régionales et départementales prévues en mars 2021 ;

- l'élection des 443 conseillers consulaires représentant les Français de l'étranger, initialement prévue en mai 2020 et reportée en juin 2021.

Ces dispositions pourraient également être utiles pour l'organisation de l'élection présidentielle et des élections législatives de 2022 si la crise sanitaire se prolongeait.

Certes, le Gouvernement a annoncé la création d'une commission présidée par le président Jean-Louis Debré pour « évaluer la nécessité d'un report potentiel des prochaines élections » 41 ( * ) . La mission confiée à cette commission a toutefois paru trop étroite à votre rapporteur puisqu'elle ignore la question essentielle des mesures de précaution à prendre pour sécuriser le scrutin si la crise sanitaire devait se prolonger.

Le comité de scientifiques mis en place par la loi d'urgence du 23 mars 2020 doit aussi rendre un avis en février prochain concernant la tenue des élections consulaires, qui fera également l'objet d'un rapport au Parlement 42 ( * ) . Ce scrutin sera particulièrement difficile à organiser en raison des « rebonds » de l'épidémie de covid-19 à travers le monde.

Néanmoins, « vivre avec le virus » implique de préserver notre vie démocratique, tout en protégeant les citoyens dans l'accomplissement de leurs droits civiques ainsi que les personnes participant à l'organisation des scrutins (membres des bureaux de vote, scrutateurs, agents municipaux, etc .) . L'organisation des campagnes électorales est également en cause, des modalités particulières devant être imaginées pour permettre au débat public de se dérouler dans des conditions adaptées.

Indépendamment des élections de 2021, renoncer à organiser des élections en raison de l'épidémie soulève de fortes objections de principe : parce que notre pays est en crise, le contrôle démocratique est plus important encore qu'en temps ordinaire. Faudrait-il aussi remettre en cause une élection présidentielle (dont la périodicité relève de l'article 6 de la Constitution) en cas de crise sanitaire ?

Le droit électoral doit donc s'adapter à la situation sanitaire, ce qui nécessite de prendre des précautions très en amont des scrutins pour ne pas être pris au dépourvu . Pour le second tour des élections municipales de juin 2020, ces précautions ont été adoptées moins d'une semaine avant l'ouverture des bureaux de vote 43 ( * ) , ce qui était beaucoup trop tardif pour permettre leur bonne application.

2. Les élections régionales et départementales

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté trois mesures concrètes pour sécuriser les élections régionales et départementales de mars 2021 (amendement COM-65 du rapporteur) .

D'une part, elle a facilité le recours au vote par procuration , notamment pour les citoyens les plus vulnérables, les personnes atteintes par la covid-19 et les « cas contacts » placés à l'isolement.

Faciliter le recours aux procurations

- Une « double procuration »

Chaque électeur pourrait disposer de deux procurations, contre une seule actuellement 44 ( * ) .

Si cette limite n'est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières seraient les seules valables. La ou les autres procurations seraient nulles de plein droit.

- Le droit d'établir sa procuration depuis son domicile

Lorsqu'il ne peut pas comparaître devant les autorités compétentes, l'électeur aurait le droit d'établir ou de retirer sa procuration depuis son domicile.

Il pourrait saisir les autorités compétentes de plusieurs manières : voie postale, téléphone ou voie électronique 45 ( * ) . Il indiquerait la raison de son impossibilité de se déplacer, sans qu'il lui soit nécessaire de fournir un certificat médical.

- L'élargissement du « vivier » des mandataires

En l'état du droit, le mandataire doit être inscrit dans la même commune que le mandant, en application de l'article L. 72 du code électoral. Cette contrainte soulève toutefois d'importantes difficultés pour les personnes isolées, qui n'ont personne à qui confier leur procuration.

Pour les prochains scrutins, le mandant pourrait confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune.

Le contrôle du nombre de procurations détenues par chaque électeur serait réalisé via le répertoire électoral unique (REU) tenu par l'INSEE. L'adaptation de ce fichier est prévue depuis décembre 2019 et devait aboutir avant le 1 er janvier 2022 46 ( * ) . L'ampleur de la crise sanitaire justifie toutefois d'accélérer substantiellement sa mise en oeuvre pour que ce dispositif soit opérationnel d'ici les prochaines élections régionales et départementales.

D'autre part, le nombre de bureaux de vote serait augmenté pour éviter une trop forte concentration des électeurs (alors, qu'aujourd'hui, un bureau peut compter entre 800 et 1 000 électeurs inscrits) 47 ( * ) .

Enfin, le vote par correspondance « papier » serait autorisé , en suivant l'exemple de la Bavière ou de certains cantons suisses. De nombreuses précautions seraient prises pour éviter les fraudes.

Le vote par correspondance :
précautions envisagées pour éviter les fraudes

- Fourniture de trois enveloppes (expédition, identification, vote) ;

- Documents pour s'assurer de l'identité des votants (signature, copie de la pièce d'identité et justificatif de domicile) ;

- Conservation des plis dans un lieu sécurisé du tribunal d'instance (non dans les mairies), sous la responsabilité du greffier en chef ;

- Établissement d'un registre ad hoc pour suivre les plis ;

- Possibilité de recourir à des officiers de police judiciaire (OPJ) pour acheminer les plis, notamment en cas de défaillance du système postal ;

- Conservation des plis en cas de contentieux électoral ;

- Sanction pénale en cas de manoeuvre frauduleuse (deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende).

3. Les élections consulaires

Sur proposition de Jean-Yves Leconte, la commission a également autorisé le vote par correspondance « papier » pour les prochaines élections consulaires , dans des conditions définies par décret en Conseil d'État afin de respecter le secret et la sincérité du vote (amendement COM-21) .

S'inspirant du droit applicable aux élections législatives des Français de l'étranger 48 ( * ) , cette modalité de vote s'ajouterait au vote à l'urne ainsi qu'au vote par internet.


* 41 Source : dépêche de l'agence Reuters, 21 octobre 2020.

* 42 Article 21 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 43 Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

* 44 Article L. 73 du code électoral.

* 45 Alors que les électeurs doivent, habituellement, saisir les autorités compétentes par écrit. Un simple appel téléphonique ne suffit pas (Conseil constitutionnel, 18 octobre 2012, Élections législatives dans la douzième circonscription des Bouches-du-Rhône , décision n° 2012-4620 AN).

* 46 Article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 47 En l'état du droit, l'article R. 40 du code électoral précise que « les électeurs sont répartis par arrêté du préfet en autant de bureaux de vote que l'exigent les circonstances locales et le nombre des électeurs ». La liste des bureaux de vote est fixée avant le 31 août de l'année précédente, sous réserve de modifications pour « tenir compte des changements intervenus dans les limites » de la circonscription.

* 48 Article L. 330-13 du code électoral.

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