N° 519

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ,

Par Mme Laurence HARRIBEY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2386 , 2653 et T.A. 407

Sénat :

320 et 520 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 17 juin 2020 sous la présidence de Philippe Bas (Les Républicains - Manche), la commission des lois a examiné le rapport de Laurence Harribey (Socialiste et Républicain - Gironde), sur la proposition de loi 320 (2019-2020), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d' indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d' autres infractions .

Cette proposition de loi, présentée par la députée Jeanine Dubié (Libertés et Territoires - Hautes-Pyrénées), a été adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité, le 13 février 2020 .

Elle propose de modifier l'article 706-5 du code de procédure pénale relatif à la forclusion des demandes d'indemnisation par certaines victimes d'infractions au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit dans cet article un délai spécifique pour formuler une demande d'indemnisation lié à l'obligation faite aux juridictions répressives d'informer les victimes de leur droit à indemnisation quand elles ont condamné l'auteur des faits à verser des dommages-intérêts. L'interprétation stricte de ce délai a conduit la Cour de cassation à juger qu'il s'applique dès que l'information a été donnée par la première juridiction appelée à statuer sur l'action civile et non à partir du moment où la décision est devenue définitive, ce que prévoit comme règle générale l'article 706-5.

Introduit par le législateur pour renforcer les droits des victimes, ce texte a donc à l'inverse abouti à rendre plus complexe le droit applicable et donc à limiter pour certaines la possibilité de demander une indemnisation dès lors qu'elles se sont trouvées forcloses.

La proposition de loi tend à résoudre cette difficulté en supprimant le délai spécifique créé en 2000 et en prévoyant que l'absence d'information sur la possibilité d'indemnisation permet de relever d'office la victime du délai de forclusion.

La rédaction proposée est conforme à l'intention initiale du législateur et permettra d'éviter d'exclure certaines victimes du droit à indemnisation .

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des lois a adopté ce texte sans modification.

I. LE RÔLE DU FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI)

A. UN MÉCANISME DE SOLIDARITÉ NATIONALE DONT LE PRINCIPE A ÉTÉ POSÉ IL Y A PLUS DE QUARANTE ANS ET DEVENU PROGRESSIVEMENT PLUS PROTECTEUR.

L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » . Les auteurs d'infractions sont donc tenus de réparer les dommages causés aux victimes .

Cependant, les victimes d'actes accidentels ou criminels commis par des auteurs inconnus, insolvables, non assurés , ou encore assurés auprès d'une société d'assurances défaillante, ne sont pas indemnisées par le biais des règles du droit commun de la responsabilité. Grâce à la solidarité nationale, la tâche de prendre en charge ces victimes a été dévolue à des organismes spécifiques, les fonds de garantie .

Dès 1951 était créé un premier fonds pour les victimes d'accidents de la circulation dont l'auteur est inconnu ou insolvable. Dans le même esprit, la loi du 3 janvier 1977 avait prévu la prise en charge par l'État de l'indemnisation des personnes atteintes dans leur intégrité physique et placées dans une situation matérielle grave à la suite d'infractions commises par des auteurs inconnus ou insolvables . À cette fin, la loi a créé les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), qui sont des juridictions civiles dans le ressort de chaque tribunal judiciaire. Mais les conditions strictes imposées par les textes ne permirent que des indemnisations limitées. Malgré des évolutions, ce dispositif paraissait trop restrictif , et ce d'autant plus après la création par la loi du 9 septembre 1986 du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGVAT), qui prévoyait un régime plus favorable pour ces victimes.

Pour résoudre cette difficulté la loi du 6 juillet 1990 a rapproché les deux mécanismes d'indemnisation. Le FGVAT est devenu le FGTI (fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions), avec une mission étendue à la prise en charge des victimes d'infractions de droit commun, même si les procédures pour les victimes de terrorisme et celles pour les victimes des autres infractions pénales demeurent distinctes.

Enfin, en 2008, le législateur a créé un dispositif permettant aux victimes de bénéficier de l'intervention du FGTI pour recouvrer (soit en totalité, soit sous forme d'avance, puis dans le cadre d'un mandat) les sommes qui leur sont dues. Ce dispositif s'appelle le Service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (SARVI).

Le fonds de garantie des victimes est financé par la communauté des assurés. Il ne reçoit aucune dotation budgétaire de l'État.

L'indemnisation perçue est intégrale et individualisée, que le fait ait été commis en France ou l'étranger. Elle est accordée sans condition de ressources. La France se distingue par ce système des systèmes étrangers où l'indemnisation est le plus souvent forfaitaire et subsidiaire. On peut noter que les étrangers victimes d'une infraction en France sont éligibles.

Ainsi, l'indemnisation des victimes d'infraction appelle la même appréciation que celle formulée par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » en janvier 2019, suite au rapport de la Cour des comptes sur l'indemnisation des victimes de terrorisme : « Le système français de prise en charge sanitaire et d'indemnisation des victimes du terrorisme par le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions (FGTI) figure parmi les plus complets des pays européens » 1 ( * ) .


* 1 La prise en charge financière des victimes du terrorisme : Les observations d'Antoine Lefèvre à la suite de la remise d'une enquête par la Cour des comptes , 30 janvier 2019, https://www.senat.fr/presse/cp20190130a.html

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