B. LE CONTENU DE L'ACCORD FRANCO-BELGE
1. Le choix du programme Scorpion
a) Les objectifs de la Belgique
La Vision stratégique pour la défense belge posait clairement deux éléments centraux devant guider la recherche des nouveaux matériels :
- Tout d'abord, « la clé du succès est bien évidemment un partenariat équilibré . De trop grands écarts dans les bénéfices apportés par la coopération pourraient entraîner une relation de dépendance entre les divers pays partenaires plutôt qu'un partenariat » .
- En second lieu , « la proximité géographique est (...) primordiale en vue d'organiser de concert les lignes de développement capacitaires « formation », « organisation », « entraînement », « gestion et entretien du matériel » et « infrastructure » (...) De ce point de vue, il est logique que notre Défense recherche d'abord des partenariats équilibrés avec ses pays voisins (l'Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni) » .
De fait, les responsables du programme CaMo ont examiné les programmes de huit pays différents avant de conclure que le programme français SCORPION était le plus adapté à leurs attentes.
En effet, et comme cela était recherché dans le cadre de la Vision stratégique, l'intégration du programme CaMo dans SCORPION permettra à la Belgique tout à la fois :
- D'accueillir du matériel moderne de haut niveau ;
- De bénéficier de conditions favorables dans les négociations avec les industriels et dans le suivi du marché, puisque l'exécution de la commande belge sera supervisée par la Direction générale de l'armement (DGA) française, qui effectue déjà cette tâche pour les achats de l'armée de terre ;
- De travailler en partenariat avec la France sur les différentes lignes capacitaires (formation, organisation, doctrine, entraînement, MCO, cha îne logistique).
b) L'insertion du programme CaMo dans le calendrier de SCORPION
Une difficulté aurait pu surgir d'une forme de concurrence entre les commandes françaises et belges, les capacités de production des industriels ne pouvant être facilement démultipliées. De fait, les responsables belges du programme CaMo ont rapidement identifié que cette difficulté ne se poserait pas, car l'armée de terre belge ne souhaite recevoir les nouveaux matériels qu'à partir de 2025, c'est-à-dire à un moment où l'armée de terre française devrait avoir déjà reçu la moitié de ses équipements.
Le tableau ci-dessous présente le calendrier de l'ensemble de l'opération :
Source : MINARM
Comme on le voit, les calendriers sont parallèles et s'emboîtent. Toutefois, il ne s'agit pas d'une simple succession, puisque l'armée de terre belge (LC) est associée dès cette année au travail de transformation de l'armée de terre française.
2. Une gouvernance partenariale
Comme on l'a vu, l'accord intergouvernemental dépasse largement le cadre d'un marché d'armement, ou même d'une coopération de défense. La Belgique recherchait un véritable partenariat stratégique de long terme, et le programme SCORPION a été retenu parce que la France était en capacité de proposer un tel partenariat innovant.
a) Le pilotage partenarial de l'accord
L'article 8 de l'accord précise la gouvernance du partenariat. Celle-ci est entièrement paritaire. Elle repose sur un comité directeur bilatéral, coprésidé :
- Pour la partie française, par les représentants du chef d'état-major (CEMA) et du délégué général pour l'armement (DGA) ;
- Pour la partie belge, par les représentants du chef de la défense (CHOD).
Ce comité directeur s'appuie sur trois comités de pilotage, eux aussi binationaux :
- Le comité « Partenariat Armement », dont l'objectif est « d'assister la partie belge dans le pilotage du programme CaMo et des activités associées au partenariat stratégique, dans ses dimensions technologiques, juridiques, programmatiques, financières et industrielles » 4 ( * ) ;
- Le comité de pilotage « Capacitaire », dont l'objectif est « d'identifier les possibilités de coopération et/ou de partenariat entre la France et la Belgique autour de la capacité de mobilité terrestre SCORPION, dans les dimensions doctrinale, organisationnelle, ressources humaines, soutien en service, formation et entraînement ainsi qu'infrastructure » 5 ( * ) . Ce comité doit notamment identifier les besoins opérationnels des deux armées, renforcer les initiatives facilitant les partenariats opérationnels et étudier l'opportunité d'étendre le périmètre du plan de développement capacitaire couvert par l'accord. Plus généralement, le plan de développement capacitaire défini à l'annexe 2 de la convention fixe notamment comme objectif au COPIL « Capacitaire » de « développer les synergies entre les deux armées et ce dans tous les domaines » 6 ( * ) ;
- Le comité de pilotage de programme, dont l'objectif est de « superviser la bonne exécution des travaux du bureau de programme commun CaMo » 7 ( * ) . Ce bureau de programme commun est « localisé à la DGA à Paris, et piloté par un directeur du programme CaMo à la DGA, assisté d'un adjoint de la DGMR » 8 ( * ) belge.
b) Un rôle particulier et nouveau de la DGA
L'accord CaMo prévoit un rôle très important de la DGA, puisque celle-ci, forte de son expérience du programme SCORPION lancé pour l'armée de terre, est chargé de rédiger le contrat de commande des matériels belges et d'assurer le suivi de ce contrat (en liaison avec la DGRM belge, dans le cadre de gouvernance présenté plus haut).
Il s'agit d'un cas de figure nouveau , qui constitue le premier exemple d'un nouveau schéma de « Foreign Military Sales (FMS » à la française . Dans ce schéma, « l'Etat client confie un mandat à l'Etat français pour passer en son nom et pour son compte un contrat (sous forme de marché public) d'acquisition (...) auprès d'un fournisseur industriel désigné » 9 ( * ) .
c) La prise en charge du soutien français au contrat
L'accord prévoit que les coûts résultant de l'accord pour l'armée française sont couverts par trois contributions :
- Une contribution ferme de 40 millions d'euros hors taxes pour la part ferme initiale du contrat ;
- Une contribution financière de 3 % du montant de chaque commande émise au titre de la provision pour évolutions et aléas ;
- Une contribution de 3 % pour toute commande additionnelle.
* 4 Annexe 1.2 de la convention, point 1.
* 5 Annexe 1.3 de la convention, point 1.
* 6 Annexe 2 de la convention, point 5.1.
* 7 Annexe 1.4 de la convention, point 1.
* 8 Annexe 1.5 de la convention, point 3.
* 9 Etude d'impact du projet de loi, I.