B. LES QUESTIONS NON RÉSOLUES ENTOURANT LA CRÉATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL
Dans ce cadre, les réflexions entourant l'élaboration d'un service national universel, conformément aux engagements du Président de la République, ne doivent pas conduire à bouleverser le succès du service civique .
À l'appui du rapport rendu au Président de la République en avril dernier sur le sujet par le groupe de travail 34 ( * ) et compte tenu des questions à ce jour non résolues, votre rapporteur spécial considère que le service civique doit être confirmé comme vecteur essentiel d'engagement de la jeunesse .
Selon les termes du Président de la République, repris dans le mandat confié au groupe de travail, « le service national universel sera ce moment où la République dira à notre jeunesse que la voie de l'engagement pour les autres est la plus sûre manière de se réaliser soi-même » 35 ( * ) .
Contrairement au service civique, ce dispositif est conçu comme « un parcours de citoyenneté » obligatoire, forme actualisée du service militaire obligatoire, dans une dimension civile et militaire. Ce seraient ainsi entre 800 000 et 900 000 jeunes qu'il faudrait accueillir chaque année.
Deux phases sont envisagées par le groupe de travail :
- une première, obligatoire , après la classe de troisième, entre 15 ans et 18 ans, comprenant un temps de cohésion d'une quinzaine de jours, en hébergement, et un temps de projet collectif d'une durée analogue ;
- une seconde, entre 18 ans et 25 ans, correspondant à un engagement volontaire pour une durée de trois à six mois, soit militaire, soit civil.
En ce cas, pour son second volet, le dispositif serait de facto proche du service civique actuel. De façon plus large, comme l'a souligné le président de l'Agence du service civique Yannick Blanc lors de son audition, la mise en oeuvre du service national universel ne pourra se faire sans s'appuyer sur l'existant. Le groupe de travail recommande d'ailleurs de rattacher le service national universel au ministère chargé de la jeunesse, comme c'est le cas pour le service civique.
De nombreuses difficultés relevées dans le rapport du groupe de travail restent toutefois non résolues à ce stade .
La première difficulté tient aux conditions matérielles de mise en oeuvre d'un tel dispositif, à deux égards :
- un encadrement important serait nécessaire ; or, comme le relève le groupe de travail « celui-ci n'existe qu'à la marge, dans les armées ou la sécurité civile notamment, mais sera notoirement insuffisant pour satisfaire aux besoins » 36 ( * ) ;
- un hébergement devrait être envisagé, à tout le moins pour la première phase ; or, même en optant pour une fragmentation des contingents, ce sont 80 000 places qu'il faudra trouver. Le groupe de travail y voit en ce sens la difficulté la plus importante à surmonter, ce qui le conduit à recommander « la montée en puissance progressive sur une durée que le groupe a fixée par hypothèse de travail à sept ans, afin à la fois de garantir la qualité et la sécurité de l'hébergement offert, et de le rendre supportable pour les finances publiques » 37 ( * ) .
La seconde difficulté tient aux conditions juridiques et financières du service national universel :
- juridiques, dans la mesure où une révision constitutionnelle doit intervenir pour permettre à l'État d'imposer une obligation de séjour à l'ensemble d'une classe d'âge en dehors d'objectifs tenant à la Défense nationale 38 ( * ) . Au-delà, le caractère obligatoire de la première phase pourrait se révéler difficile à mettre en oeuvre en pratique ;
- financières, puisque le coût est évalué par le groupe de travail à 1,75 milliard d'euros sur sept ans pour les infrastructures et à 1,6 milliard d'euros en rythme de croisière pour la seule première phase. Sous ces hypothèses, et en considérant que la seconde phase correspondrait à un service civique potentiellement davantage répandu, le coût total peut être estimé entre 2,1 milliards et 4,3 milliards d'euros par an, soit entre 1 point et 2 points de PIB . Une partie de ce coût serait d'ailleurs supportée par les collectivités territoriales au titre de la mobilisation des infrastructures notamment, ce qui exigerait une mesure de compensation.
À l'appui de ces travaux, le Gouvernement a lancé une consultation avec les acteurs associatifs et les mouvements de jeunesse, ouverte jusqu'à la fin du mois d'octobre 2018. À l'issue de cette consultation, le groupe de travail formulera des préconisations complémentaires afin que le Gouvernement propose, avant la fin de l'année en cours, les voies et moyens du déploiement du service national universel dès 2019 39 ( * ) .
À ce stade, votre rapporteur spécial estime que des réponses tangibles et solides doivent être apportées, ce qui n'est pour l'instant pas le cas.
À défaut, la mise en oeuvre du service national universel risquerait de saper le succès du service civique et d'être dangereux pour les finances de l'État et des collectivités territoriales.
* 34 Voir le rapport relatif à la création d'un service national universel, établi par le général de division Daniel Menaouine, rapporteur du groupe de travail, 26 avril 2018.
* 35 Selon les mots du Président de la République, repris dans le rapport du groupe de travail précité, page 49.
* 36 Rapport du groupe de travail précité, page 23.
* 37 Rapport du groupe de travail précité, page 19.
* 38 Selon les travaux du groupe de travail précité, voir pages 14 et 15.
* 39 Selon les indications transmises à votre rapporteur spécial par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA).