III. LE CEREMA, UN OPÉRATEUR PUBLIC DE CRÉATION RÉCENTE DONT LES COMPÉTENCES DOIVENT ÊTRE MISES AU SERVICE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires . L'action 11 du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.
Les missions du Cérema Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public à caractère administratif créé le 1 er janvier 2014 7 ( * ) . Il apporte son concours à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques publiques du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et du ministère de la cohésion des territoires (MCT) dans ses différents domaines de compétence, offrant une vision transversale au service du développement durable . Ses principales missions sont de promouvoir les modes de gestion des territoires qui intègrent les facteurs environnementaux, économiques et sociaux , d'accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l'environnement et équitable, et d'apporter à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire . Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques . En outre, il a pour mission de capitaliser et promouvoir au niveau territorial et international les savoir-faire qu'il développe. Le Cérema accomplit ses missions essentiellement à la demande de l'État, mais son dispositif spécifique de gouvernance assure la prise en compte des attentes des collectivités , notamment grâce à la mise en place d'un conseil stratégique constitué à parts égales de représentants de l'État et d'élus représentant les collectivités territoriales . Ces dernières seront également présentes, aux côtés des services déconcentrés de l'État, au sein des comités d'orientations territoriaux, permettant d'adapter l'activité au plus près des besoins des acteurs des territoires. Source : projet annuel de performances pour 2019 |
1. La réduction des moyens du Cérema va se poursuivre jusqu'en 2022, au risque de pénaliser excessivement le nécessaire renouvellement de ses équipements scientifiques et techniques
La création du Cérema, dont le budget total devrait représenter 240,0 millions d'euros en 2019 , s'est accompagnée d'un protocole d'accord signé entre les ministères de l'écologie et du logement et l'ensemble des organisations syndicales, qui garantissait au nouvel opérateur une stabilité de ses moyens budgétaires et humains au cours de ses deux premières années d'existence , en 2014 et 2015.
Dans les faits, cet engagement n'a été que partiellement respecté , car le Cérema a subi des coups de rabot au titre de la contribution à l'effort de redressement des comptes publics.
Évolution de la subvention pour charges de
service public
et du plafond d'emplois du Cérema depuis sa
création
Subvention
|
Variation annuelle |
Plafond d'emplois
|
Variation annuelle |
|
2014 |
228,8 |
- |
3 155 |
- |
2015 |
226,3 |
- 1,1 % |
3 152 |
- |
2016 |
217,6 |
- 3,8 % |
3 024 |
- 4,1 % |
2017 |
210,8 |
- 3,1 % |
2 899 |
- 4,1 % |
2018 |
206,0 |
- 2,3 % |
2 796 |
- 3,6 % |
2019 |
201,4 |
-2,2 % |
2 695 |
-3,6 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En outre, dès 2016 puis en 2017, le Cérema a vu ses moyens être fortement réduits avec des baisses en deux ans de 253 ETPT de son plafond d'emplois et des réductions de sa subvention pour charges de service public (SCSP) , qui représente environ 85 % de ses ressources , de 15,4 millions d'euros .
Comme l'État l'y incitait, l'établissement a entrepris d'augmenter ses ressources propres , qui sont passées de 23,8 millions d'euros en 2015 à 29,7 millions d'euros en 2017, mais elles ne suffisent pas, pour le moment, à compenser la baisse de sa SCSP.
Le Céréma a donc baissé ses charges de fonctionnement de - 5,6 % entre 2015 et 2017, tout comme ses dépenses d'investissement , qui ont diminué de - 26,5 % entre 2015 et 2017 . Ces dernières devraient représenter 5,8 millions d'euros seulement en 2018, contre 9,8 millions d'euros en 2015.
La diminution des dotations du Céréma qui avait débuté au cours du quinquennat précédent ne constituait qu'un début, puisque le Gouvernement a d'ores-et-déjà annoncé qu'il réduirait les moyens du Cérema chaque année jusqu'en 2022 :
- la baisse du plafond d'emplois représentera -100 ETPT par an pendant cinq ans , ce qui correspondra à une chute des effectifs de l'établissement de - 17 % sur la période et de - 25 % entre 2015 et 2022 , avec un objectif de 2 400 ETPT en 2022 ;
- la baisse de la subvention pour charges de service public (SCSP) représentera environ 5 millions d'euros par an.
La loi de finances initiale pour 2018 avait été conforme à ces orientations, puisqu'elle prévoyait une baisse de 5 millions d'euros des crédits de la SCSP et une diminution du plafond d'emploi de 103 ETPT .
Il en ira de même en 2019 avec une nouvelle baisse de la SCSP de 5,4 millions d'euros et du plafond d'emploi de 101 ETPT (ce qui se traduit par une baisse de la masse salariale de 1,1 million d'euros).
Cette subvention en diminution de - 2,2 % financera à 83 % les dépenses de personnel de l'établissement , les autres crédits servant à couvrir ses charges d'exploitation (financement courant, entretien, maintenance, investissements courants, etc.). Les ressources propres pourraient atteindre 32,3 millions d'euros, contre 30 millions d'euros en 2018. Afin de préserver les investissements , qui ont déjà atteint un point bas en 2018, les dépenses de fonctionnement seraient de nouveau réduites de - 5 % .
Cette réduction des financements et des emplois attribués par l'État au Céréma avait provoqué une crise à l'automne 2017, avec la démission de son Président puis de son directeur général.
Incontestablement, la forte attrition des moyens de l'établissement se traduit par une fragilisation de ses compétences et une diminution de ses moyens de production , ce qui a pu susciter une déception légitime tant de la part de ses personnels que de ses dirigeants. La baisse du niveau des investissements , en particulier, est préoccupante , puisqu'ils sont indispensables pour renouveler les équipements scientifiques et techniques de l'opérateur , dont beaucoup sont aujourd'hui vétustes 8 ( * ) .
Toutefois, votre rapporteur spécial avait considéré dans son rapport de l'an dernier que le problème ne venait pas tant de la baisse des ressources du Céréma que de l'absence de vision stratégique de l'État pour un établissement qu'il convient de réinventer en profondeur.
L'audition du nouveau directeur général de l'établissement l'a plutôt rassuré à cet égard , puisqu'il paraît avoir jeté les bases d'un projet stratégique à même de remobiliser les agents de son opérateur et être en mesure de faire de la contrainte financière que subit le Céréma une opportunité de transformation .
2. Le Céréma doit se tourner résolument vers les collectivités territoriales et apporter son soutien à la future Agence nationale de cohésion des territoires
L'objectif n° 2 du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » prévoit que le Céréma doit devenir un centre de ressources et d'expertises partagées entre l'État et les collectivités territoriales , en appui aux politiques publiques d'aménagement durable du territoire.
Dans cette perspective, et conformément au projet stratégique de l'établissement approuvé par son conseil d'administration en 2015, cet objectif mesure la part de l'activité du Cérema réalisée dans le cadre d'actions de partenariat et d'innovation (API) en relation avec les collectivités territoriales .
Les API ne représentaient que 2 % de l'activité du Cérema en 2015 et devraient s'élever à 6 % en 2018 , le but étant d'atteindre les 9 % en 2020.
Ces chiffres sont faibles et montrent l'ampleur du travail à réaliser pour que le Cérema parvienne à s'imposer comme un prestataire d'ingénierie pour les collectivités territoriales , auprès de qui il demeure trop peu identifié .
Conscient de cette difficulté, le nouveau directeur général de l'opérateur a remis en chantier la stratégie de l'établissement et a engagé un plan de transformation qui devrait aboutir à des propositions au début de l'année 2019 . Il s'agit notamment de réaliser des mutualisations , des mises en réseau et des spécialisations des compétences et des expertises .
Surtout, il a décidé de refonder dès 2019 le mode de programmation de son activité pour orienter plus résolument son activité en direction des collectivités territoriales .
Le Céréma devra également apporter son appui à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) , dont le Sénat a voté la création le 8 novembre dernier, dans le cadre de la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Requier.
Ce travail devrait déboucher sur l'élaboration du premier contrat d'objectifs et de performance (COP) du Cérema , qui permettrait de marquer le soutien de l'État à cet opérateur en pleine mutation.
* 7 Loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 et décret n° 2013-1273 du 27 décembre 2013.
* 8 Les équipements transférés par l'État au Céréma au moment de sa création avaient une valeur nette de 8 millions d'euros pour une valeur brute de 45 millions d'euros, ce qui témoigne de leur obsolescence. Ils étaient amortis à 95 % à la fin de l'année 2017.