CHAPITRE IV (NOUVEAU) - APPLICATION OUTRE-MER
Article 8 (nouveau) (art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale et art. L. 285-1, 286-1 et L. 287-1 du code de sécurité intérieure) - Application en outre-mer
Introduit par votre commission, à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-14 , l'article 8 de la proposition de loi a pour objet de rendre applicables les dispositions de la proposition de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, collectivités ultramarines sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire 25 ( * ) .
Il procède, à cet effet, à l'actualisation des « compteurs outre-mer » à l'article 711-1 du code pénal et à l'article 804 du code de procédure pénale, ainsi que ceux du code de la sécurité intérieure. Cette technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.
Le projet de loi s'appliquerait, en tout état de cause, dans les départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte), ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Votre commission a adopté l'article 8 ainsi rédigé.
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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .
EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - La commission des lois est appelée aujourd'hui à se prononcer sur la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, déposée par notre collègue Bruno Retailleau et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains.
Cette proposition de loi repose sur un constat, partagé par tous : celui d'une radicalisation des actes de violence et de dégradation commis lors des manifestations se déroulant sur la voie publique. Aucun d'entre nous n'a oublié les scènes qui se sont déroulées à Paris en marge de la manifestation du 1 er mai dernier.
Les débordements et la présence de « casseurs » dans les manifestations ne sont, certes, pas nouveaux, mais force est de constater que les pouvoirs publics sont aujourd'hui confrontés à la montée en puissance de groupuscules ultraviolents, notamment désignés sous le terme de black blocs , qui nuisent au libre exercice du droit de manifester sur notre territoire. Ces entités éphémères, qui se créent et disparaissent à l'occasion de chaque manifestation, ont en effet pour unique objectif de se fondre aux cortèges pacifiques en vue de commettre des dégradations et des violences.
Il serait erroné de dire que nous sommes, face à ces phénomènes de violence, complètement démunis. Au cours des vingt dernières années, le législateur a en effet renforcé le cadre juridique de maintien de l'ordre en créant de nouveaux outils destinés à prévenir, le plus en amont possible, les débordements dans les manifestations publiques : l'autorité administrative s'est ainsi vu doter de nouvelles prérogatives, parmi lesquelles la possibilité, lors des manifestations, de recourir à la vidéoprotection ou d'interdire le port et le transport d'objets pouvant constituer une arme ; le législateur a, d'autre part, renforcé l'arsenal répressif, en créant une série d'incriminations spécifiques destinées à sanctionner les faits troublant ou susceptibles de troubler l'ordre public commis à l'occasion d'une manifestation, notamment le délit de participation à un groupement violent créé par la loi du 2 mars 2010.
Nous sommes ainsi progressivement passés d'une logique de masse, qui se traduisait par un traitement global de la manifestation, à une logique plus « chirurgicale », qui vise à écarter de la foule les individus perturbateurs ou les « casseurs », tout en permettant aux cortèges pacifiques de continuer à manifester.
Force est toutefois de constater que la systématisation et la radicalisation des violences nous conduisent aujourd'hui à questionner l'efficacité de cet arsenal juridique.
La volonté de judiciariser le maintien de l'ordre et de mieux appréhender, sur le plan pénal, les débordements à l'occasion d'une manifestation se heurte en effet, dans la pratique, à des difficultés opérationnelles majeures. Les contraintes liées au maintien de l'ordre nuisent très souvent à la qualité des procédures diligentées ainsi qu'à la collecte des preuves qui permettraient d'imputer les infractions constatées aux personnes interpellées.
Qui plus est, la présentation en masse de personnes interpellées aux autorités de police judiciaire n'est généralement pas compatible avec le cadre juridique inhérent au placement en garde à vue.
Or, faute d'éléments de preuve ou de procédure solides, les parquets sont, bien trop souvent, contraints de prononcer des classements sans suite.
Les difficultés à engager des procédures judiciaires sont exacerbées lorsqu'il s'agit de black blocs , car ceux-ci recourent à des modes d'action spécifiques, conçus pour entraver l'intervention des pouvoirs publics. Il est ainsi particulièrement difficile d'interpeller les black blocs au cours d'une manifestation, en raison de leur capacité à se fondre rapidement parmi les manifestants pacifiques, après avoir abandonné voire brûlé leurs équipements. Il n'est pas plus aisé de les identifier a posteriori , via des images de vidéoprotection, car ils agissent masqués et vêtus de noir.
Sans avoir pour ambition de résoudre l'ensemble des difficultés soulevées, qui, pour partie, relèvent de l'organisationnel, la proposition de loi dont nous sommes saisis vise à y apporter une première série de réponses et à faciliter l'action des pouvoirs publics à l'égard de ces groupuscules ultraviolents.
Cette proposition de loi comporte trois volets.
Son premier volet, composé des trois premiers articles, est préventif : il vise à doter l'autorité administrative de nouveaux instruments destinés à prévenir, le plus en amont possible, l'infiltration des manifestations pacifiques par des individus violents.
En premier lieu, il confère au préfet la possibilité de diligenter, par arrêté, un contrôle des effets personnels des passants dans le périmètre ou aux abords d'une manifestation, lorsqu'il existe des risques de troubles graves à l'ordre public. Ces contrôles comprendraient des palpations de sécurité et des fouilles de sacs et ne pourraient s'effectuer qu'avec le consentement des personnes contrôlées. Il n'est en revanche pas prévu que des contrôles d'identité et des fouilles de véhicules puissent être réalisés. Il s'agit, à quelques différences près, d'une extension des périmètres de protection que nous avons créés dans la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
En deuxième lieu, la proposition de loi vise à autoriser les préfets à prononcer, à l'encontre de toute personne susceptible de représenter une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, une interdiction de participer à une manifestation, assortie, le cas échéant, d'une obligation de « pointage » auprès d'un représentant de l'autorité publique.
L'interdiction de manifester n'est pas inconnue de notre droit, mais elle n'existe, actuellement, qu'à titre de peine complémentaire, pour une durée de trois ans. Il s'agirait, ici, d'en faire une mesure administrative préventive, mais en limitant sa durée de validité à une seule manifestation. Il s'agit d'ailleurs d'une proposition qu'avait faite, en 2015, notre ancien collègue député Pascal Popelin dans son rapport au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative au maintien de l'ordre !
Enfin, les auteurs de la proposition de loi proposent la création de fichiers départementaux recensant l'ensemble des mesures d'interdiction de manifester, qu'elles soient prononcées dans un cadre judiciaire ou administratif, afin d'en faciliter le suivi, notamment à l'occasion des contrôles de police.
Ces mesures, j'en suis consciente, confèrent à l'autorité préfectorale de larges prérogatives. Mais elles ont le mérite de permettre d'écarter, avant même que la manifestation ne débute, les individus qui sont animés par la seule volonté de commettre des dégradations. Il ne s'agit en aucun cas de porter atteinte à la liberté de manifester, mais, au contraire, d'en garantir le libre exercice pour les manifestants pacifiques, en évitant qu'ils ne soient pris en otage par une poignée d'individus désireux de se livrer à une action violente !
La création de ces mesures présenterait également l'avantage de compléter l'arsenal juridique à disposition de l'autorité préfectorale et ainsi de permettre une réponse graduée en cas de menace à l'ordre public. Car il est préférable, j'en suis convaincue, d'empêcher quelques individus violents de manifester plutôt que d'interdire la tenue d'une manifestation !
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous proposerai d'adopter ces trois mesures, sous réserve de plusieurs garanties destinées à en assurer la proportionnalité. C'est l'objet des amendements que je présenterai.
Le deuxième volet de la proposition de loi comprend plusieurs dispositions pénales afin de sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations sur la voie publique.
Il vise tout d'abord à ériger en délit la dissimulation volontaire du visage dans une manifestation, qui est actuellement punie d'une contravention de 5 e classe.
Il tend, par ailleurs, à élargir l'infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme, afin de viser non seulement le port d'armes, mais aussi le port d'armes par destination et de fusées et artifices.
Enfin, plusieurs dispositions renforcent notamment la peine complémentaire d'interdiction de manifester.
Comme pour le volet préventif, je vous proposerai d'adopter ces dispositions pénales, sous réserve de plusieurs amendements qui visent à préciser le texte, dans un souci de garantir le respect des principes de légalité des délits et des peines et d'intelligibilité et de clarté de la loi pénale.
Le dernier volet de la proposition de loi, qui correspond à l'article 7, tend à réformer le régime de la responsabilité civile applicable en cas de dommages causés dans le cadre d'une manifestation sur la voie publique.
Il instaure une présomption de responsabilité civile « collective » des personnes condamnées pénalement pour des infractions commises à l'occasion d'une manifestation, y compris pour des dommages sans lien avec la faute commise par chacune de ces personnes.
Cette disposition est, sans aucun doute, celle qui soulève le plus de difficultés dans le texte. C'est pourquoi je me permets, avant même la discussion des amendements, d'insister sur ce point.
Cette disposition appelle, tout d'abord, de nombreuses réserves constitutionnelles, dans la mesure où elle permettrait de reconnaître la responsabilité d'un individu pour des dommages qu'il n'a pas causés.
Elle risquerait, ensuite, d'affaiblir la protection des victimes : en effet, il existe actuellement un régime de responsabilité sans faute de l'État pour tous les dommages commis lors des manifestations sur la voie publique, ce qui garantit un remboursement des victimes. En créant un régime concurrent de responsabilité, qui plus est à l'encontre de personnes dont il y a fort à penser qu'elles seraient insolvables, nous ne sommes pas certains des effets engendrés, surtout que les victimes se portent rarement partie civile : il convient de garder le principe d'une responsabilité sans faute de l'État.
C'est pourquoi je vous proposerai, dans mes amendements, de réécrire cet article 7, dans le but d'inscrire dans la loi la possibilité pour l'État de se retourner contre les auteurs des dommages. Il s'agit ainsi de s'assurer que les responsables, sur le plan pénal, de ces dommages participent effectivement à l'indemnisation des victimes.
Mme Esther Benbassa . - Félicitations à notre collègue pour son rapport très synthétique. L'aspect répressif de ce texte, superflu et inapplicable, m'inquiète. Je ne sais pas si M. Retailleau prend souvent part à des manifestations ; moi si ! Le pointage est très difficile. Il est question de fichiers de personnes interdites de manifestation : cessons d'avoir la mémoire si courte ! Et après ? Nous allons ficher les personnes aux yeux bleus ? Ce texte va à l'encontre des droits de l'homme. Nous voulons tous endiguer, canaliser, éradiquer ces violences dont tout le monde souffre. Mais faites des lois applicables et non de tels textes populistes destinés à conforter vos électeurs.
M. Pierre-Yves Collombat . - En lisant ce texte, qui succède à bien d'autres de la même veine, je me suis demandé quelle serait la différence entre un régime appliquant de telles lois et un régime d'extrême droite. Qu'est devenu le Sénat défenseur des libertés, réfractaire à la mode et aux émotions populaires ? Il s'agit de neutraliser quelques individus.
M. Philippe Bas , président . - Quelques dizaines !
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Et très violents !
M. Pierre-Yves Collombat . - Faut-il à ce point, pour ce faire, violenter les libertés publiques ? Il existe une direction générale de la sécurité intérieure dans ce pays ! Ses agents savent peut-être comment les neutraliser ! Depuis le temps qu'on durcit le code pénal, qu'on invente des peines nouvelles ! La réaction de notre rapporteur sur l'article 7 a failli me soulager : prévoir une responsabilité collective, c'est un peu fort. On n'a pas vu cela depuis la condamnation de Courbet à faire reconstruire la colonne Vendôme à ses frais.
Il existe d'autres moyens pour parvenir à ce résultat. J'ai récemment fait un stage parmi les forces de gendarmerie en Guyane : ce sont des gendarmes républicains très efficaces et je peux vous dire qu'ils ont de quoi s'occuper. Il faudrait simplement renouveler leur matériel vieillissant. C'est plus urgent que de s'en prendre une nouvelle fois au code pénal. Je ne comprends pas qu'un groupe aussi honorable puisse proposer un tel texte.
M. Philippe Bas , président . - Donnez à la commission une chance de l'améliorer ! Notre rapporteur a fait des propositions.
M. Dany Wattebled . - Il n'est pas question de supprimer le droit de manifester, droit légitime. Il est question ici de groupuscules très violents, organisés, qui n'ont d'autre but que de casser. Leurs membres étant masqués, il n'y a aucun moyen de les identifier. Vous parlez de contrôle aux abords des manifestations : encore faut-il que les gens s'y soumettent ! Dorénavant, pour accéder aux stades, il faut se soumettre à une fouille systématique.
M. Jérôme Durain . - Notre groupe condamne fermement les violences qui ont lieu en marge des manifestations. Pour autant, nous nous abstiendrons ce matin sur ce texte, nous réservant pour le débat en séance. Il s'agit là d'un texte très politique qui soulève des questions sur son contexte, sur les principes qui le sous-tendent et sur ses aspects pratiques.
Sur son contexte : nous sommes sur une tendance longue de pacification de la rue, même si je ne minimise pas les violences qui ont lieu récemment lors de manifestations ni ne nie l'existence des black blocs .
Les principes : ce texte confronte les impératifs d'une nécessaire sauvegarde de l'ordre public et la protection des droits et des libertés ; nous estimons qu'il rogne sur les libertés publiques et la liberté de manifester. À cet égard, l'article 7 est quelque peu caricatural, avec cette présomption de responsabilité civile collective, qui embête notre rapporteur. Je ne parle même pas des autres mesures.
En séance nous adopterons une position critique.
M. François Grosdidier . - Le droit de manifester est restreint quand les pouvoirs publics interdisent une manifestation au motif qu'ils n'ont plus la capacité de contenir ses éventuels débordements. Pour garantir ce droit, il faut donc s'assurer que les manifestations ne donnent lieu à aucun débordement, ce que les organisateurs sont incapables d'assurer. Il faut donc empêcher ceux qui sont devenus de véritables professionnels du détournement de ce droit. Cette proposition répond à ce souci de façon très pragmatique en s'inspirant de mesures qui ont fait leurs preuves contre les hooligans dans le football professionnel et même dans le football amateur. Ce n'est nullement attentatoire aux libertés publiques ; au contraire c'est la meilleure façon de les protéger.
M. Jean Louis Masson . - Par le passé, il n'y avait pas de groupes aussi violents qu'actuellement. Il n'est donc pas aberrant que la loi puisse évoluer, car nous sommes confrontés à une situation nouvelle qui se dégrade. Prendre des mesures contre les auteurs de telles violences n'est pas attentatoire aux libertés, mais garantit à chacun la liberté de manifester paisiblement.
Mme Brigitte Lherbier . - Si l'on n'organise pas l'ordre public, on empêche les gens de s'exprimer. Je suis pour la liberté de manifester, mais on ne peut pas laisser tout faire, notamment lorsque des individus masqués empêchent les autres de s'exprimer. J'ai été adjointe à la sécurité de la ville de Tourcoing : je sais d'expérience qu'il est très difficile d'intervenir même quand on est prévenu à l'avance de la venue de casseurs.
M. Henri Leroy . - Pour rebondir sur les propos de notre collègue Pierre-Yves Collombat, il est vrai que nos forces de l'ordre disposent d'experts très bien formés à toutes les techniques de maintien de l'ordre. Le centre de Saint-Astier leur permet même de se préparer à affronter la guérilla urbaine. Mais les forces de sécurité, dans leur ensemble, ne sont pas formées pour faire face à des casseurs masqués. Cette proposition de loi répond donc aux attentes de nos forces de sécurité qui seront ainsi armées juridiquement pour accomplir leur mission.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je salue le travail réalisé par notre rapporteur, ainsi que l'initiative du président Retailleau et du groupe Les Républicains. Je me range toutefois du côté de ceux qui estiment que ce texte présente des risques pour les libertés individuelles. Les groupes qui sont visés font preuve d'ingéniosité : aussitôt repérés, ils inventent d'autres modalités d'intervention. Quand cette loi aura été adoptée, ils s'adapteront. Il vaut mieux faire porter l'effort sur le démantèlement de ces groupes. C'est un gros travail de renseignement, mais il ne faut pas tomber dans le piège de la division qui nous est tendu par ces groupes violents. Je suis donc très réservé sur cette proposition de loi, malgré la qualité du rapport.
M. François Pillet . - L'exposé des motifs est très clair : il s'agit de protéger une liberté, sans porter atteinte à l'exercice d'autres libertés. Le rôle du Sénat est de trouver un équilibre. Il faut reconnaître que certaines manifestations n'ont pas eu lieu parce que les organisateurs craignaient la venue d'éléments perturbateurs. Cette proposition de loi ne vise pas les manifestants, mais ceux qui pervertissent l'exercice de la liberté de manifester. Je rends hommage à l'objectivité de notre rapporteur qui, bien que la proposition de loi émane de son groupe, l'a amendée dans le sens que je viens d'indiquer. Elle a fait preuve de la même indépendance intellectuelle que notre collègue Josiane Costes lorsqu'elle était rapporteur d'une proposition de loi présentée par son groupe, relative à la prévention des conflits d'intérêts liée à la mobilité des hauts fonctionnaires.
Le texte, tel qu'il existe, n'est pas satisfaisant ; le texte, quand nous aurons adopté les amendements de notre rapporteur, sera conforme à l'éthique sénatoriale.
M. Philippe Bas , président . - Bien qu'il soit déjà intervenu, je donne exceptionnellement la parole à notre collègue Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat . - Premièrement, on nous parle de protéger les libertés, mais on le fait en les réduisant, c'est un peu curieux ! J'entends aussi parler de violence inouïe ; nous ne sommes plus très nombreux à avoir connu Mai 68, mais il me semble que c'était autre chose. Je vous invite à relire les remarquables instructions que le préfet Grimaud avait données à ses troupes à l'époque.
Plutôt qu'un tel texte, les forces de l'ordre attendent des décisions politiques claires, contrairement à ce qui s'est passé à Notre-Dame-des-Landes, où on a laissé pourrir la situation.
Deuxièmement, les forces de l'ordre attendent des équipements nouveaux qui leur font défaut...
M. François Grosdidier . - Elles manquent aussi de moyens juridiques !
M. Pierre-Yves Collombat . - Mais non ! On va adopter une loi qu'on n'aura pas les moyens d'appliquer ! Il faut neutraliser des groupes nuisibles, donnons-nous les moyens de les neutraliser préventivement.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Pour répondre à M. Durain, il se trouve que j'ai été prise dans une manifestation dans le quartier Montparnasse et que j'ai vu l'hôpital Necker-Enfants malades endommagé : les manifestants pacifiques étaient atterrés. Du coup, j'ai accepté de cosigner cette proposition de loi sans hésiter. Depuis, ayant été nommée rapporteur, j'ai pris du recul. L'important, c'est que des manifestations puissent se tenir et que le message militant puisse passer sans être brouillé. Mon objectif est de garantir à la fois la liberté de manifester et la liberté d'aller et venir.
Monsieur Wattebled, en ce qui concerne les fouilles, je pense effectivement qu'il faut s'inspirer du dispositif mis en oeuvre pour les stades. Si une personne refuse d'être fouillée, les forces de l'ordre l'excluront du périmètre défini.
- Présidence de M. François Pillet, vice-président -
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'amendement COM-5 assortit le dispositif prévu par l'article 1 er de plusieurs garanties de nature à assurer une conciliation équilibrée entre les impératifs de sauvegarde de l'ordre public et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier de la liberté d'aller et venir et de la liberté de manifester.
L'amendement limite, en premier lieu, la possibilité pour le préfet de diligenter des contrôles aux abords d'une manifestation aux seules situations faisant craindre des troubles « d'une particulière gravité » à l'ordre public et exige qu'un arrêté motivé, plutôt qu'un arrêté simple, soit pris pour leur mise en oeuvre.
En deuxième lieu, il circonscrit mieux la durée et l'étendue des périmètres de contrôle, afin d'éviter toute atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.
De manière à garantir le respect du droit de mener une vie familiale normale, l'amendement prévoit, en troisième lieu, que les mesures de contrôle diligentées tiennent compte des impératifs de vie privée, professionnelle et familiale des personnes contrôlées.
Enfin, l'amendement procède à plusieurs modifications d'amélioration rédactionnelle ainsi qu'à la rectification d'une erreur de coordination.
M. François Pillet , président . - Cet amendement est de nature à répondre aux inquiétudes exprimées par certains de nos collègues.
M. Jean-Pierre Sueur . - Pour les raisons déjà indiquées par mon collègue Jérôme Durain, le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur les amendements présentés par notre rapporteur et sur l'ensemble de cette proposition de loi.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'amendement COM-6 vise à réserver aux seuls agents appartenant aux forces de sécurité intérieure le soin de procéder aux mesures de contrôle diligentées par l'autorité préfectorale à l'occasion d'une manifestation.
En effet, la présence d'agents de sécurité privée et d'agents de police municipale sur les lieux d'une manifestation pourrait soulever des difficultés sur le plan opérationnel. Eu égard à l'évolution rapide des événements lors des manifestations, ces agents pourraient se trouver pris à partie dans des opérations de maintien de l'ordre, missions pour lesquelles ils ne sont ni formés ni autorisés à intervenir.
L'amendement COM-6 est adopté.
Les amendements COM-1 , COM-2 et COM-3 deviennent sans objet.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'amendement COM-7 procède à plusieurs modifications au sein de l'article 2 afin d'assurer la proportionnalité de la mesure d'interdiction administrative individuelle de manifester.
Il tend, en premier lieu, à mieux caractériser les raisons pour lesquelles la participation d'une personne à une manifestation est susceptible de constituer une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public. Il s'agit de s'assurer que seuls les individus constituant une réelle menace pour l'ordre public, en raison de leur appartenance à des groupuscules violents ou des actes délictuels commis à l'occasion de précédentes manifestations, puissent être visés par une interdiction de manifester.
En deuxième lieu, l'amendement prévoit que l'arrêté préfectoral précise, outre la manifestation objet de l'interdiction, les lieux concernés par cette interdiction.
Eu égard à la jurisprudence constitutionnelle relative aux interdictions de séjour mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence, l'amendement précise que les lieux faisant l'objet de l'interdiction ne pourront inclure ni le domicile ni le lieu de travail de la personne concernée, de manière à garantir le droit à une vie familiale normale.
Enfin, l'amendement fixe une obligation de notification à l'intéressé de l'arrêté d'interdiction, au maximum 48 heures avant la date prévue de la manifestation. Cette notification a pour objet, d'une part, de permettre à la personne concernée de saisir a priori le juge administratif et, ainsi, de garantir le droit au recours effectif, d'autre part, de s'assurer que l'infraction de participation à une manifestation en méconnaissance d'un arrêté d'interdiction soit constituée.
M. François Pillet , président. - Cet amendement prend en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, afin d'éviter une censure.
L'amendement COM-7 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - L'amendement COM-8 procède à plusieurs modifications de l'article 3 de la proposition de loi, relatif à la création d'un fichier recensant les personnes faisant l'objet d'une interdiction de manifester.
Il restreint tout d'abord les finalités du fichier, de manière à en assurer la proportionnalité.
Il prévoit, par ailleurs, la création d'un fichier national, plutôt que d'un fichier départemental, dont la mise en place serait assurée par un arrêté du ministre de la justice et du ministre de l'intérieur. En effet, la coexistence de plusieurs fichiers départementaux pourrait se révéler contre-productive sur le plan opérationnel.
De manière à se conformer au régime prévu par l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui concerne les fichiers mis en oeuvre pour le compte de l'État, l'amendement précise que le décret en Conseil d'État prévu pour l'application de l'article sera pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
M. François Pillet , président. - Notre rapporteur a pris la précaution d'établir une rédaction qui tienne compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des pouvoirs de la CNIL. Je rappelle qu'en 2012, lors de l'examen d'une proposition de loi relative à la protection de l'identité, le Sénat avait rejeté la création d'un fichier que j'avais appelé le « fichier des gens honnêtes » et le Conseil constitutionnel avait repris une partie de nos arguments dans la décision de censure de ce fichier.
L'amendement COM-8 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - L'article 4 de la proposition de loi transforme en délit la contravention de dissimulation du visage dans une manifestation ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique.
Afin de préciser la définition de l'infraction, il paraît utile d'introduire la mention, qui figure aujourd'hui à l'article R. 645-14 du code pénal, selon laquelle la dissimulation a pour but d'éviter l'identification du manifestant dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public. Tel est l'objet de l'amendement COM-9 .
M. François Pillet , président. - Cet amendement nous renvoie au débat plus général sur les tenues vestimentaires empêchant de reconnaître une personne dans l'espace public.
M. Pierre-Yves Collombat . - On peut constater le fait qu'une personne est masquée. Dès que l'on s'aventure sur le terrain de l'intention, la chose est beaucoup plus délicate : on peut se masquer le visage pour se protéger des gaz lacrymogènes.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - Le texte de la proposition de loi répond à cette objection en réservant la possibilité que la dissimulation du visage réponde à un « motif légitime ».
M. Pierre-Yves Collombat . - Motif légitime ! M. Benalla a dit, hors de son audition, qu'il était intervenu pour protéger ses camarades.
M. François Pillet , président. - Il reviendra au juge d'apprécier.
L'amendement COM-9 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - L'amendement COM-10 a pour objet d'harmoniser la définition des infractions prévues par les auteurs de la proposition de loi.
L'amendement COM-10 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'amendement COM-4 prévoit pour les tentatives un quantum de peine inférieur à celui applicable aux délits correspondants. Avis défavorable : la règle en droit pénal est de sanctionner pareillement les tentatives et les délits eux-mêmes. Je ne souhaite pas y déroger ici.
M. François Pillet , président . - C'est un rappel pertinent... La tentative échoue souvent pour des raisons extérieures à la volonté de l'auteur !
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-11 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'article 6 vise à étendre le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique et à ajouter éventuellement une obligation de « pointage ». L'amendement COM-12 tend à transférer les dispositions relatives la peine complémentaire d'interdiction de manifester sur la voie publique du code de la sécurité intérieure vers le code pénal et à déplacer les sanctions applicables à cette peine complémentaire dans la section du code pénal idoine. Ces peines sont rarement prononcées, notamment par manque de lisibilité de ces dispositions.
Nous clarifions ainsi la rédaction de l'obligation de « pointage » devant toute autorité publique désignée par la juridiction de jugement, par exemple un officier de police judiciaire dans un commissariat, et maintenons l'obligation pour la juridiction de fixer les lieux concernés par l'interdiction de manifester.
L'amendement COM-12 est adopté.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à garantir la proportionnalité et l'efficacité du régime de responsabilité civile en matière de dommages causés à l'occasion d'une manifestation sur la voie publique. Tout en maintenant la responsabilité de l'État, nous nous assurons que les responsables de dommages participent effectivement à l'indemnisation des victimes, en prévoyant une faculté d'action récursoire de l'État à l'encontre des manifestants à l'origine des dommages. C'est un dispositif plus efficace...
M. Pierre-Yves Collombat . - L'intention est excellente. Mais toute personne prise sur le fait en train de dégrader du matériel peut déjà être sanctionnée. Pourquoi ajouter une infraction ? S'il s'agit de sévir contre des agressions sur les personnes, nous abordons un tout autre domaine...
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Il s'agit ici non pas d'infraction mais d'indemnisation. L'État est responsable : s'il est condamné, il peut alors se retourner contre les auteurs.
M. Pierre-Yves Collombat . - On change de système... Celui qui existe aujourd'hui a ses avantages et ses inconvénients.
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'État est responsable de tout aujourd'hui !
M. Pierre-Yves Collombat . - Oui, parce qu'il y a trouble à l'ordre public !
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Mais il est causé par des individus... On pourrait presque dire : qui casse, paye.
M. Pierre-Yves Collombat . - Il y a là un problème de principe : la notion de trouble à l'ordre public disparaît. L'État doit rétablir l'ordre public, et en cas de défaillance, il engage sa responsabilité. On ne parle pas ici de vendetta, ni de simple dégradation, celle-ci ne peut être détachée du trouble profond à l'ordre public.
M. François Pillet , président . - Une lecture attentive de l'amendement vous rassurera : l'auteur - s'il est reconnu comme tel pénalement - est appelé à indemniser l'État qui est banquier du préjudice.
M. Thani Mohamed Soilihi . - L'action n'existe-t-elle pas déjà ? L'amendement n'est-il pas satisfait ? Il faudrait le réécrire, au moins, car la rédaction mentionne auparavant l'action pénale, or cette action récursoire vise bien des actions civiles - il serait bon de le préciser.
M. François Pillet , président . - Mme le rapporteur m'indique qu'elle va prendre en compte cette remarque et examiner la question.
L'amendement COM-13 est adopté.
Article additionnel après l'article 7
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - L'amendement COM-14 concerne l'application de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
L'amendement COM-14 est adopté.
La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1 er - Instauration de périmètres de contrôle lors des manifestations |
|||
Mme TROENDLÉ, rapporteur |
5 |
Encadrement du dispositif des périmètres de contrôle |
Adopté |
Mme TROENDLÉ, rapporteur |
6 |
Suppression de l'intervention des agents de police municipale et des agents de sécurité privée, au sein des périmètres de contrôle et aux abords de ce périmètre |
Adopté |
M. GRAND |
1 |
Intervention des agents de police municipale au sein des périmètres de contrôle aux abords d'une manifestation |
Satisfait
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M. GRAND |
2 |
Correction d'une erreur matérielle |
Satisfait
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M. GRAND |
3 |
Possibilité pour les agents de police municipale et les agents de sécurité privée de procéder à des reconduites à l'extérieur du périmètre de contrôle |
Satisfait
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Article 2 - Création d'une interdiction administrative individuelle de manifester |
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
7 |
Précision de l'interdiction administrative individuelle de manifester |
Adopté |
Article 3 - Création d'un fichier
répertoriant les mesures d'interdiction administrative et
judiciaire
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
8 |
Encadrement du fichier recensant les personnes faisant l'objet d'une interdiction de manifester |
Adopté |
Article 4 - Délit de dissimulation du visage dans une manifestation |
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
9 |
Précision de la définition de l'infraction de dissimulation du visage dans une manifestation |
Adopté |
Article 5 - Sanction du port d'arme et du jet de projectile lors d'une manifestation |
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
10 |
Harmonisation des incriminations liées à l'introduction ou au port d'une arme lors d'une réunion ou d'une manifestation sur la voie publique |
Adopté |
M. GRAND |
4 |
Diminution du quantum de la peine prévue en cas de tentative d'introduire ou de porter une arme dans une manifestation |
Rejeté |
Mme TROENDLÉ, rapporteur |
11 |
Amendement de coordination |
Adopté |
Article 6 - Peine complémentaire d'interdiction
de participer à des manifestations sur la voie publique
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
12 |
Transfert des dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de manifester sur la voie publique du code de la sécurité intérieure vers le code pénal |
Adopté |
Article 7 - Responsabilité civile en matière de dommages causés lors d'une manifestation |
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
13 |
Possibilité pour l'État d'exercer une action récursoire |
Adopté |
Article additionnel après l'article 7 |
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Mme TROENDLÉ, rapporteur |
14 |
Application outre-mer |
Adopté |
* 25 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 pour les îles Wallis et Futuna, loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 pour la Polynésie française et loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie.