B. UNE PLUS GRANDE EXEMPLARITÉ DE LA SANCTION FISCALE

La place nouvelle des phénomènes d'évitement de l'impôt dans le débat public accentue la portée des sanctions prononcées en matière fiscale . Au-delà de leur coût pour les finances publiques, ces pratiques ébrèchent le contrat social en remettant en cause le principe d'égalité devant l'impôt.

Les poursuites pénales pour délit de fraude fiscale visent précisément à répondre à cette atteinte. Ainsi que l'a précisé le directeur général des finances publiques, Bruno Parent, « la sanction pénale n'est ni financière ni privative de liberté, mais c'est une sanction de notoriété » 17 ( * ) .

L'atteinte à la notoriété revêt désormais une résonnance particulière du fait de l'intérêt porté par la société civile aux pratiques fiscales dommageables et aux nouveaux moyens de communication.

Dans cette perspective, l'article 5 du projet de loi propose d'inverser le principe actuel selon lequel le juge pénal peut ordonner la publication de la décision qu'il prononce . Par défaut, la publicité de la sanction pénale s'appliquerait donc, sauf à ce que le juge, par une décision spécialement motivée tenant compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, décide de ne pas la rendre publique.

En portant à la connaissance de la société le comportement délictueux de toute personne condamnée pour fraude fiscale, cette disposition met en oeuvre le principe de « nommer pour faire honte » , plus communément qualifié de « name and shame ».

Tel est également l'objectif de l'article 6 du projet de loi, qui permet à l'administration fiscale, sous certaines conditions, de rendre publiques les sanctions administratives qu'elle prononce à l'encontre de personnes morales au titre de certains manquements particulièrement graves.

Cet article revient ainsi sur une différence actuelle entre la sanction administrative et la sanction pénale en matière fiscale : sa publicité . Celle-ci n'est, en effet, jusqu'à présent permise que pour la sanction pénale.

Il s'agit ainsi de s'appuyer, pour lutter contre la fraude, sur l'exigence d'exemplarité des acteurs économiques , dont l'activité pourrait être en partie menacée en cas de divulgation d'agissements ou de manoeuvres particulièrement graves en matière fiscale.

Compte tenu de ces conséquences potentielles pour la personne morale concernée, la décision de publication serait toutefois conditionnée à l'avis conforme d'une commission spécialement créée afin d'en apprécier la justification. L'objectif recherché est de parvenir à l'établissement d'une « doctrine de publication » et à une visibilité plus forte de la procédure pour les contribuables.

L'article 7 prolonge quant à lui une volonté ancienne du législateur d'appréhender le rôle des intermédiaires dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Le Conseil de l'Union européenne est parvenu à un accord en mai dernier pour contraindre les intermédiaires fiscaux à déclarer les dispositifs de planification fiscale à caractère potentiellement agressif ayant une dimension transfrontalière au sein de l'Union européenne et qu'ils conçoivent ou vendent pour leurs clients 18 ( * ) .

Dans le cadre de l'article 7, il ne s'agit plus de prévenir en amont la planification fiscale, mais de sanctionner en aval les pratiques illégales favorisées par les conseils fiscaux. Son champ est également plus large, car il est étendu aux cas de fraude sociale. Il instaure ainsi une amende à l'encontre du tiers qui aurait intentionnellement fourni une prestation à son client lui permettant directement de commettre des agissements, manquements ou manoeuvres particulièrement graves en matière fiscale ou sociale. Il s'agit en quelque sorte du pendant, en matière administrative, du délit de complicité pour fraude fiscale en matière pénale.

L'objectif affiché par cet article est également de responsabiliser les professionnels dans leur rôle de conseil auprès des contribuables.

Les articles 8 et 9 , délégués à la commission des lois, prévoient respectivement une aggravation du montant de certaines amendes pénales prononcées pour des délits de fraude fiscale et une ouverture de la possibilité pour le Procureur de la République de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière de fraude fiscale (CRPC) (« plaider-coupable »).

L 'article 10 procède à une actualisation de l'amende douanière encourue en cas d'injure ou de maltraitance à l'encontre d'un agent des douanes ainsi que de non communication de documents. Son montant n'avait en effet pas été réévalué depuis 1981, sauf pour le convertir eu euros.

Enfin, l' article 11 prévoit d'ajouter à la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC) les juridictions figurant sur la nouvelle liste adoptée par le Conseil l'Union européenne . Toutefois, seules les juridictions ne remplissant pas le critère relatif à la lutte contre les structures « offshore » se verraient appliquer l'intégralité des 24 mesures qui s'attachent à l'inscription sur cette liste. Pour les autres, seules 6 des 24 mesures seraient retenues.


* 17 Audition devant la commission des finances du Sénat du mercredi 6 juin 2018.

* 18 Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

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