III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : PRÉCISER ET COMPLÉTER UN TEXTE INDISPENSABLE À LA MISE EN oeUVRE DES PROCÉDURES « DUBLIN »
A. RÉPONDRE DE MANIÈRE URGENTE À UN VIDE JURIDIQUE
1. Un texte indispensable
Dans son récent avis budgétaire sur la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteur jugeait « prioritaire de faire évoluer la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour sécuriser le placement en rétention des dublinés » 73 ( * ) .
Ses auditions et déplacements ont confirmé cette nécessité : tant la préfecture de police de Paris que la préfecture du Nord sont aujourd'hui démunies face à l'augmentation du nombre de procédures « Dublin » et leur difficile mise en oeuvre.
Votre rapporteur a entendu les inquiétudes exprimées , lors de ses auditions, par le mouvement associatif et le défenseur des droits . Il rappelle toutefois que ce texte respecte intégralement le règlement « Dublin III » et que son application sera contrôlée tant par le juge administratif que par le juge des libertés et de la détention (JLD).
À son initiative et pour assurer l'intelligibilité du droit, votre commission a assuré la lisibilité d'un article central du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 551-1 , qui précise les conditions de placement en rétention des étrangers . (article 1 er ) .
2. La nécessité d'un débat plus large sur l'asile et l'immigration
La proposition de loi examinée par votre commission n'épuise pas le débat sur les politiques migratoires : de nature sectorielle, elle vise à sécuriser le placement en rétention des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin » en répondant à des difficultés concrètes rencontrées par les services de l'État.
Comme l'a déclaré notre collègue député Jean-Luc Warsmann, « nous ne sommes pas là (...) pour renégocier le règlement Dublin, nous ne sommes pas là (...) pour renégocier le régime du droit d'asile, nous ne sommes pas là (...) pour renégocier les conditions d'entrée et de séjour (en France) des étrangers. Nous sommes simplement là (...) pour dire au Gouvernement quelles conséquences nous tirons de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne et de l'avis du Conseil d'État » 74 ( * ) .
Cette proposition de loi conforte donc la nécessité d'une réforme globale des politiques d'éloignement .
Votre rapporteur souligne, en outre, que ce texte pourrait conduire à augmenter significativement le nombre de placements en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin », notamment avant la décision de transfert .
Il renouvelle ainsi ses inquiétudes concernant les moyens alloués aux centres de rétention administrative (CRA) par la loi de finances initiale pour 2018 75 ( * ) . Aussi les crédits dédiés au fonctionnement hôtelier des CRA pour l'année 2018 sont-ils inférieurs à la dépense constatée lors de l'exercice 2016 ; de même, les sommes allouées à l'accompagnement social des personnes retenues sont très limitées.
Cette programmation budgétaire insuffisante pourrait remettre gravement en cause les droits fondamentaux des étrangers placés en rétention ainsi que les conditions de travail des personnels de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) .
Le budget des centres de rétention administrative (CRA)
(en millions d'euros et en autorisations d'engagement)
Exécution 2016 |
LFI pour 2017 |
LFI pour 2018 |
|
Fonctionnement hôtelier des CRA (restauration, blanchisserie, maintenance, etc .) |
27,09 |
19 |
26,30 |
Investissement immobilier |
1,84 |
3,1 |
5,1 |
Accompagnement social des personnes retenues |
6,59 |
6,3 |
6,32 |
Total hors prise en charge sanitaire |
35,52 |
28,4 |
37,72 |
Prise en charge sanitaire des personnes retenues |
25,85 |
8 |
8,1 |
Total |
61,37 |
36,4 |
45,82 |
N.B. En matière de prise en charge sanitaire, l'exercice 2016 est caractérisé par un événement exceptionnel rendant difficile les comparaisons avec les lois de finances initiales pour 2017 et pour 2018 (création provisoire de centres d'accueil à Grande-Synthe et à Calais).
Source : avis budgétaire n° 114 (2017-2018), op. cit ., p. 41
Votre rapporteur regrette également la lenteur des négociations européennes sur la réforme du droit d'asile : lancée au premier semestre 2016, cette réforme ne devrait pas aboutir avant 2019, ce qui est préoccupant au regard des enjeux à traiter.
* 73 Avis budgétaire n° 114 (2017-2018), op. cit ., p. 40.
* 74 Compte rendu intégral de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du jeudi 7 décembre 2017.
* 75 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.