IV. L'ORDONNANCE N° 2017-1388 : L'ADAPTATION DU CADRE DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DE BRANCHE ET DU FONCTIONNEMENT DU FONDS PARITAIRE DE FINANCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL
A. LA SÉCURISATION JURIDIQUE DES RÈGLES D'EXTENSION DES ACCORDS COLLECTIFS
Le cadre fixé par la loi n° 2017-1340
du 15 septembre 2017 d'habilitation
« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l'entreprise et de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales, applicables aux employeurs et aux salariés mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail, en : 1° Complétant les règles d'extension des accords collectifs afin d'améliorer et de sécuriser juridiquement le dispositif d'extension, en précisant les conditions dans lesquelles les organisations d'employeurs peuvent faire valoir leur opposition à une extension ainsi que les pouvoirs du ministre chargé du travail en matière d'extension. » |
En application de l'article L. 2261-15, un accord collectif de branche ou interprofessionnel , en principe applicable aux seules entreprises adhérentes des organisations professionnelles d'employeurs signataires et à leurs salariés, peut être étendu par le ministre du travail et ses stipulations rendues obligatoires à tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application géographique ou professionnel.
La procédure d'extension peut être engagée à l'initiative des partenaires sociaux signataires ou du ministère du travail . Elle est prononcée par arrêté pris après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Les clauses contraires aux dispositions légales , tout comme celles ne répondant pas à la situation de la branche, peuvent en être exclues (art. L. 2261-25). Par ailleurs, un droit d'opposition à l'extension d'un accord de branche a été reconnu aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives au sein de celle-ci et dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l'ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives (art. L. 2261-19).
L'article 4 de la loi d'habilitation autorisait le Gouvernement à préciser les conditions d'exercice de ce droit d'opposition par les représentants des employeurs ainsi que les pouvoirs du ministre du travail en matière d'extension. L'article 1 er de l'ordonnance n° 2017-1388 du 22 septembre 2017 225 ( * ) en constitue la traduction.
Sur le premier point, son paragraphe I fixe aux organisations d'employeurs un délai d'un mois à compter de la publication de l'avis d'extension au Journal officiel pour faire part de leur opposition aux services du ministère du travail.
Le paragraphe II inscrit quant à lui dans le code du travail une jurisprudence du Conseil d'État sur les refus d'extension . Celui-ci a en effet reconnu au ministre la capacité de s'opposer à une demande d'extension pour des « motifs d'intérêt général tenant notamment aux objectifs de la politique économique et sociale ou à la protection de la situation des tiers » 226 ( * ) .
L'article L. 2261-25 fait donc désormais référence à des motifs d'intérêt général , en citant à titre d'exemple les atteintes excessives à la libre concurrence , parmi les raisons pouvant conduire le ministre du travail à ne pas étendre un accord de branche.
Corrélativement, les pouvoirs du ministre en matière d'extension partielle sont renforcés . Le paragraphe III lui permet d'étendre des clauses nécessitant des stipulations conventionnelles complémentaires , dès lors que leur entrée en vigueur est subordonnée à l'existence d'un accord d'entreprise prévoyant ces stipulations.
Selon l'article 5 de l'ordonnance, ces nouvelles règles ont vocation à s'appliquer à l'extension des accords conclus à partir du 1 er janvier 2018 .
Enfin, ce texte institue un nouveau mécanisme d'évaluation des conséquences de l'extension d'un accord collectif. Désormais, le ministre du travail devra, soit de sa propre initiative, soit à la demande des partenaires sociaux, saisir un groupe d'experts indépendants dont la mission sera d'apprécier les effets économiques et sociaux de l'éventuelle extension (art. L. 2261-27-1).
Composé de cinq membres choisis « à raison de leur compétence et de leur expérience dans le domaine économique et social » (art. D. 2261-4-1) 227 ( * ) et tenus de respecter le secret de leurs délibérations et des informations qui leur sont fournies à cette occasion (art. D. 2261-4-5), il disposera de deux mois à compter de sa saisine pour remettre son rapport, qui devra notamment éclairer les travaux de la CNNC (art. D. 2261-4-4).
* 225 Ordonnance n° 2017-1388 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective.
* 226 Conseil d'État, 21 novembre 2008, n° 300135.
* 227 Issu du décret n° 2017-1689 du 14 décembre 2017 relatif au groupe d'experts prévu par l'article L. 2261-27-1 du code du travail.