III. DE NOUVELLES DÉROGATIONS AU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE NE SONT PAS SOUHAITABLES
Votre commission est, en outre, extrêmement réservée quant à la demande des auteurs de la proposition de résolution d'exclure les dépenses publiques d'enseignement supérieur du calcul des déficits publics des États membres.
Pour mémoire, depuis son entrée en vigueur en 1997, le Pacte de stabilité et de croissance 18 ( * ) vise à assurer le maintien de la discipline budgétaire dans les États membres. Il fixe respectivement à 3 et 60 % du PIB les valeurs de référence pour le déficit budgétaire annuel et l'endettement public. Même si le principe d'égalité de traitement entre tous les États membres est un élément central de l'application du pacte, celui-ci prévoit de la souplesse dans les modalités d'application de ses règles : il laisse notamment à la Commission et au Conseil une marge de manoeuvre pour évaluer la viabilité des finances publiques à la lumière des circonstances spécifiques à chaque pays.
L'existence de cette « marge d'appréciation » a conduit la Commission à publier une communication interprétative en janvier 2015 19 ( * ) qui a précisé les conditions dans lesquelles trois dimensions politiques spécifiques pouvaient être prises en compte au moment d'appliquer les règles du pacte. Ces trois « dimensions politiques spécifiques » sont les suivantes : certains « investissements publics », « les réformes structurelles » et « les conditions conjoncturelles ».
Selon ces trois dimensions et selon les cas de figure, la Commission précise les conditions dans lesquelles elle peut être amenée à ne pas tenir compte de certaines dépenses des États membres dans l'application des seuils de référence ou à ne pas déclencher les procédures prévues en cas de dépassement desdits seuils.
Depuis lors, la Commission a fait application de ces nouvelles dispositions à plusieurs reprises afin d'exclure de l'application des règles du pacte les dépenses publiques liées à l'accueil des réfugiés, les dépenses de sécurité de la France (dans le contexte récent des attentats terroristes) ou encore les dépenses liées aux tremblements de terre en Italie.
Le Conseil a pris acte de cette communication de la Commission en décembre 2015 (« une certaine flexibilité peut être envisagée dans des conditions précises sans changer les règles du pacte » 20 ( * ) ) mais il l'a néanmoins largement restreinte et encadrée .
Le principe de la dérogation à l'application des règles du pacte est en effet loin de faire l'unanimité parmi les États membres comme parmi les experts internationaux.
C'est ainsi que, suivant ses rapporteurs Fabienne Keller et François Marc, la commission des affaires européennes du Sénat a très récemment adopté une proposition de résolution européenne 21 ( * ) qui « relève la multiplication, depuis 2015, des clauses de flexibilité au Pacte de stabilité et de croissance, qui contribue, indirectement, à renforcer l'opacité autour de ce dispositif sans pour autant que ces clauses apparaissent toujours efficaces » et qui appelle à « une clarification politique dans ce domaine ».
La commission des affaires européennes a eu l'occasion de rappeler sa position de principe lors de l'examen de la présente proposition de résolution européenne et l'a donc rejetée.
Il ne paraît donc pas souhaitable à votre commission de demander la création d'une nouvelle dérogation à l'application des règles du pacte de stabilité et de croissance.
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Compte tenu de l'ensemble des éléments ci-dessus exposés, votre commission a rejeté la proposition de résolution européenne.
* 18 Voir règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil (« volet préventif ») et règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil (volet « correctif ») et leurs modifications ultérieures.
* 19 « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance », communication de la Commission, 13 janvier 2015.
* 20 « Résultats de la session du Conseil - Affaires économiques et financières », 3 435 e session du Conseil, 8 décembre 2015. Voir le point « Flexibilité dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance » p. 14.
* 21 « Phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire », Proposition de résolution européenne n° 123 (2016-2017), de Mme Fabienne Keller et M. François Marc, au nom de la commission des affaires européennes. Cette proposition de résolution a toutefois été amendée par la commission des finances du Sénat le 14 décembre 2016 qui a supprimé l'alinéa relatif aux clauses de flexibilité du Pacte, dont la rédaction a été jugée ambiguë. Dans sa version issue des travaux de la commission des finances, cette proposition de résolution européenne est devenue résolution du Sénat le 20 décembre 2016.