EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 1 er décembre 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mmes Colette Mélot et Patricia Schillinger, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet, président. - Je remercie nos deux rapporteures. L'enseignement supérieur est fondamental pour l'avenir de l'Union européenne, de sorte que l'on ne peut que saluer l'initiative des auteurs de cette proposition de résolution. Cependant, l'éducation n'est qu'une compétence d'appui de l'Union européenne. Et le pacte de stabilité a déjà fait l'objet d'un certain nombre de dérogations, alors même qu'il est fragilisé par la remontée attendue des taux d'intérêt. Est-il vraiment opportun de faire peser sur les générations suivantes le poids de cette dérive ?

M. Éric Bocquet. - Ce texte prend le contrepied du pacte de stabilité, c'est certain. S'il fallait attendre l'extinction de la dette pour engager des dépenses d'investissement, on en aurait pour deux siècles à tourner dans le cycle infernal de la rente perpétuelle pour les uns et des dettes perpétuelles pour les autres.

Ces dépenses d'investissement génèreront, demain, de la croissance et de la richesse. Certes, l'éducation n'est qu'une compétence d'appui de l'Union européenne, et il faut en tenir compte. Cependant, c'est également le cadre européen qui nous impose une réduction des dépenses publiques, et c'est cela que nous voulions pointer.

M. Michel Billout. - Je ne peux qu'être déçu par l'analyse des deux rapporteures. Notre proposition de résolution est un appel à renforcer les investissements dans l'éducation et l'enseignement supérieur. Il ne s'agit pas d'augmenter les fonds publics européens, mais d'inciter chaque État membre à faire preuve de vigilance. La démarche n'est guère différente de celle de nos collègues du groupe Les Républicains de la commission des affaires étrangères et de la défense qui n'hésitent pas à sortir du pacte de stabilité les dépenses de renouvellement de l'armement, par exemple. Loin d'être révolutionnaire, c'est un bon moyen d'incitation. Notre proposition de résolution s'appuie sur les objectifs fixés par le plan européen « Éducation 2020 », qui a été validé par le Conseil. Elle met en exergue les préconisations de l'OCDE, de France Stratégie ainsi que les positions du comité de la stratégie nationale pour l'enseignement supérieur (StraNES), validée et adoptée par le Gouvernement, en 2015 - un rapport que vous aviez vous même salué, madame Mélot, lors de sa présentation devant la commission de la culture, le 7 octobre dernier. D'où ma déception, car vous n'êtes intervenue que sur le volet financier du texte.

Quant aux financements privés, ils viennent pour l'essentiel des étudiants, que ce soit en Europe ou outre-Atlantique. L'état d'endettement des étudiants américains est alarmant. Il faut absolument éviter de suivre ce modèle.

Je plaide pour un examen plus approfondi d'où sortiront des propositions plus offensives. C'est tout notre avenir qui est en jeu. En France, seuls 27 % des étudiants obtiennent une licence en trois ans. C'est dramatique.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Ce qui est dramatique, c'est qu'on pousse ces étudiants à s'engager dans l'enseignement supérieur, alors qu'ils n'en ont peut-être pas les capacités ou la motivation. Nous devrions revoir les principes de notre enseignement supérieur. Je partage la position des rapporteures et du président et je suis favorable à un rapport de fond.

Il faut aussi mentionner le Brexit, qui entraînera des changements considérables dans l'enseignement supérieur. Les universités et les grandes écoles britanniques, comme la London School of Economics , ont déjà enregistré 14 % d'inscriptions en moins, car les frais d'inscription risquent d'augmenter de manière exponentielle, une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union européenne. Nos étudiants ne pourront plus suivre d'études en Grande-Bretagne.

Il est urgent que nous menions ce travail de fond. L'enseignement supérieur français n'a pas toujours une image positive, et pas seulement dans le classement de Shanghai. Nous gagnerions à nous inspirer du modèle d'autres pays européens. Nous devrions également nous battre pour la francophonie et l'enseignement du français. Saisissons le Brexit comme une opportunité de revaloriser notre enseignement supérieur.

M. Éric Bocquet. - On estime la dette des étudiants américains à 1 000 milliards de dollars. C'est phénoménal. Certaines banques n'hésitent pas à s'exposer à ce risque. Barack Obama, par exemple, a fini de rembourser son prêt étudiant en 2004, quatre ans avant d'entrer à la Maison Blanche. Scolariser deux enfants à l'école maternelle coûte 30 000 dollars par an, en Californie.

M. Jean Bizet, président. - Encore une fois, je salue l'esprit de cette proposition de résolution européenne, mais je mets en garde : attention à ne pas donner trop de coups de canif dans le pacte de stabilité. Je propose que nous validions le principe d'un rapport pour approfondir la question, dans le cadre de l'examen du programme Erasmus +.

J'étais, à l'origine, quelque peu réservé vis-à-vis du fonds Juncker ; mais j'ai été rapidement convaincu par la pertinence de la mobilisation de fonds privés avec une caution publique, et un coefficient multiplicateur de 15. Comme nos collègues Didier Marie et Jean Paul Emorine l'ont montré, le plan Juncker est entré dans une phase d'aide au développement. Nous serons attentifs à sa mise en oeuvre en faveur de start up qui naissent en France mais partent se développer ailleurs... Mettons l'accent sur l'accès aux financements communautaires, préférable au financement direct auprès des banques, très répandu aux États-Unis, qui est par trop explosif.

Approfondissons la question dans un rapport, dont la présentation sera l'occasion d'envoyer un avis politique à la Commission européenne en soulignant que la formation et l'enseignement sont l'avenir de l'Union. Je vous propose de suivre l'avis des rapporteurs.

À l'issue de ce débat, la commission des affaires européennes a conclu au rejet de la proposition de résolution européenne, MM. Michel Billout et Éric Bocquet se prononçant contre cette conclusion, Mme Gisèle Jourda s'abstenant.

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