L'ACTION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
LES PROGRAMMES D'ÉCHANGE
À défaut d'harmonisation, l'action européenne en matière d'éducation s'est d'abord traduite par de grands programmes d'appui, le premier d'entre eux étant Erasmus. Entre 1987 et 2013, ce programme a profité à environ 3 millions d'étudiants, 300 000 professeurs et personnels de 4 000 établissements.
Lancé en 2004, Erasmus Mundus a développé la même stratégie dans le reste du monde, en proposant un soutien financier aux établissements et des bourses aux étudiants qui participent à des masters et des doctorats européens en association.
Pour la période 2014-2020, Erasmus + a regroupé l'ensemble des anciens programmes de l'Union Européenne en faveur de l'éducation, de la formation et de la jeunesse 7 ( * ) . D'une durée de 7 ans, il est doté d'un budget de 14,7 milliards d'euros, un montant en hausse de 40 %. Ces programmes d'échange posaient cependant la question de la comparabilité et de la compatibilité entre systèmes éducatifs.
LA COORDINATION DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
Prenant conscience de l'opportunité d'une meilleure coordination de l'enseignement supérieur en Europe, quatre ministres de l'éducation européens 8 ( * ) lancèrent en 1998 le projet d'un espace européen de l'enseignement supérieur 9 ( * ) . L'année suivante, 30 pays concrétisèrent cette initiative intergouvernementale de convergence volontaire des politiques 10 ( * ) . Aujourd'hui, le processus de Bologne ne compte pas moins de 47 États participants.
Ses priorités sont les suivantes :
- introduire un système de trois cycles (licence/master/doctorat) 11 ( * ) ,
- renforcer l'assurance de la qualité,
- faciliter la reconnaissance des qualifications et des périodes d'études.
Le processus de Bologne a débouché sur la mise en place, en mars 2010, d'un espace européen de l'enseignement supérieur 12 ( * ) . Concrètement cette avancée repose sur la mise au point du Système européen de transfert et d'accumulation de crédits ou ECTS, acronyme de European Credit Transfer System , qui attribue des crédits en fonction de la charge de travail de l'apprenant. Il a pour but de donner une meilleure transparence aux cursus, de faciliter la reconnaissance des études à l'étranger et donc de favoriser la mobilité étudiante. 60 crédits ECTS sanctionnent par exemple la charge de travail d'une année à temps plein d'un apprentissage formel, soit une charge de travail d'environ 1 500 à 1 800 heures. C'est donc un instrument de mesure simple et compréhensible des niveaux de diplôme au travers de l'Europe : une licence nécessite ainsi entre 180 et 240 points ECTS, un master entre 90 et 120 points ECTS. Depuis 2005, le supplément au diplôme présente de façon claire et harmonisée les qualifications obtenues.
L'Union européenne soutient activement les priorités du processus de Bologne. Elle a de son côté mis au point le Cadre européen des certifications pour l'éducation et la formation tout au long de la vie (CEC) 13 ( * ) . Il s'agit d'une grille à huit niveaux à laquelle les États membres peuvent rattacher leurs niveaux de certifications nationaux. La France a par exemple procédé à ce rattachement en 2010 en articulant ses cinq niveaux nationaux avec les huit niveaux européens.
Grâce à ces actions de coordination, l'enseignement supérieur atteint un haut niveau d'internationalisation intra-européen. L'Europe est la première région d'accueil et la deuxième région d'origine des étudiants en mobilité internationale. A l'intérieur de cette zone, près de 90 % de la mobilité européenne, soit dans l'Union européenne et hors Union européenne, se fait à l'intérieur même de l'Europe et l'Union européenne accueille elle-même plus de 80 % du total des étudiants européens mobiles 14 ( * ) . Avec l'émergence d'une concurrence mondiale, illustrée par le succès des classements internationaux, de nouveaux défis apparaissent, en particulier celui de la modernisation de l'enseignement supérieur.
LA COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES
La stratégie Europe 2020, lancée en 2010, marque l'émergence d'une nouvelle approche, plus volontariste. Elle vise à réaliser l'ambition de l'Europe de devenir une économie durable, intelligente et inclusive. L'éducation en est l'un des cinq grands objectifs 15 ( * ) .
Chaque année, les États membres reçoivent des orientations précises sur les réformes prioritaires sous la forme de recommandations par pays. Les avancées sont mesurées à l'aide d'indicateurs et de critères de référence décrits dans le cadre « Education et formation 2020 » :
- la proportion de jeunes de 18 à 24 ans ayant quitté prématurément le système d'éducation et de formation devrait être inférieure à 10 % ;
- au moins 40 % des personnes âgées de 30 à 34 ans devraient être diplômées de l'enseignement supérieur ;
- au moins 95 % des enfants ayant entre 4 ans et l'âge de la scolarité obligatoire devraient participer à l'enseignement préscolaire ;
- la proportion de jeunes de 15 ans ayant une maîtrise insuffisante de la lecture, des mathématiques et des sciences devrait être inférieure à 15 % ;
- au moins 15 % des adultes devraient participer à des activités d'apprentissage tout au long de la vie ;
- au moins 20 % des diplômés de l'enseignement supérieur et 6 % des 18-34 ans disposant d'une qualification professionnelle initiale devraient avoir effectué une partie de leurs études ou de leur formation à l'étranger ;
- le taux d'emploi des diplômés (les personnes entre 20 et 34 ans ayant au minimum un niveau d'enseignement secondaire de deuxième cycle et ayant terminé leurs études depuis moins de trois ans) devrait atteindre au moins 82 %.
Un premier bilan dressé en 2014 16 ( * ) montrait une véritable réussite pour les deux premiers objectifs d'Horizon 2020 : le taux de décrochage scolaire était ainsi passé de 14 % en 2010 à 12,7 % en 2012, la moitié des États membres ayant déjà atteint leurs objectifs ou s'en rapprochant. En France, où l'objectif national est fixé à 9,5 %, ce taux s'élevait à 11,6 % en 2012. La proportion de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur dans l'Union avait aussi nettement augmenté, passant de 33,5 % en 2010 à 35,8 % en 2012. En 2015, ce chiffre dépassait même les 38 %.
Pour aller plus loin, la Commission européenne a poursuivi cette réflexion stratégique. Après les initiatives « Soutenir la croissance et les emplois : moderniser les systèmes d'enseignement supérieur en Europe » 17 ( * ) et « Repenser l'Éducation » 18 ( * ) qui visaient à faire coïncider l'enseignement et la formation avec les besoins de la société et du marché du travail, la Commission européenne a pris acte de la nécessité d'adapter l'enseignement supérieur à la mondialisation 19 ( * ) et d'améliorer celui-ci par le biais des nouvelles technologies 20 ( * ) .
En juin 2013, le groupe d'experts de haut niveau sur la modernisation de l'enseignement supérieur a publié un rapport sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage dans les universités 21 ( * ) . Ce groupe, présidé par l'ancienne présidente de l'Irlande, Mme Mary McAleese, a formulé 16 recommandations mettant en évidence la nécessité d'un enseignement de qualité, notamment en instaurant une formation obligatoire certifiée destinée aux professeurs, ainsi que celle d'une modernisation de l'enseignement par un recours accru aux nouvelles technologies (MOOCs) 22 ( * ) .
Ce rapport, ainsi que celui publié conjointement, en novembre 2015, par le Conseil et la Commission sur la mise en oeuvre d'Horizon 2020 23 ( * ) insistaient tous deux sur la nécessité d'investir dans l'enseignement supérieur, que ce soit en termes d'inclusion sociale ou de croissance durable. Or l'enseignement supérieur doit actuellement faire face à un effet de ciseaux, ses besoins de financement augmentant dans un cadre budgétaire restreint.
* 7 EFTLV (Erasmus, Leonardo da Vinci, Comenius, Grundtvig), "Jeunesse en action", Erasmus Mundus, Tempus, Alfa, Edulink
* 8 D'Allemagne, d'Italie, de France et du Royaume-Uni
* 9 Déclaration conjointe de la Sorbonne , 1998
* 10 Déclaration de Bologne , 1999
* 11 A l'origine, il s'agissait d'adopter un système reposant sur deux cycles principaux (« undergraduate » ou licence, et « graduate » ou master). En 2003, les études de doctorat ont également été incluses dans la structure de Bologne sous forme d'un troisième cycle.
* 12 Déclaration de la conférence ministérielle de Budapest-Vienne , 2010
* 13 Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 établissant le cadre européen des certifications pour l'éducation et la formation tout au long de la vie
* 14 Source : Unesco
* 15 Aux côtés de l'emploi, la recherche et le développement, le climat et l'énergie, ainsi que l'inclusion sociale et la réduction de la pauvreté.
* 16 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « État des lieux de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, Com (2014) 130 final ».
* 17 COM (2011) 567 final
* 18 COM (2011) 669 final
* 19 « L'enseignement supérieur européen dans le monde », COM (2013) 499 final.
* 20 « Ouvrir l'éducation : les nouvelles technologies et les ressources éducatives libres comme sources innovantes d'enseignement et d'apprentissage pour tous », COM (2013) 654 final.
* 21 http://ec.europa.eu/education/higher-education/doc/modernisation_en.pdf
* 22 Cet acronyme désigne les Massive Online Open Courses, c'est-à-dire les Cours en Ligne Ouverts à Tous. Un MOOC est par définition ouvert à tous, c'est-à-dire accessible gratuitement, sans condition et librement sur internet. Il peut donner lieu à certification, payante ou non.
* 23 Rapport conjoint du Conseil et de la Commission sur la mise en oeuvre du cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation (« Éducation et formation 2020 ») Nouvelles priorités pour la coopération européenne en matière d'éducation et de formation, faisant suite à la déclaration de Paris du 17 mars 2015