EXAMEN EN COMMISSION
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M. Michel Mercier , rapporteur . - La proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui a pour objet de renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste...
M. Pierre-Yves Collombat . - Sans compter toutes les suivantes !
M. Philippe Bas , président . - Un seul texte est aujourd'hui en discussion au Parlement sur la répression du terrorisme, celui-ci. Un projet de loi est en préparation : enfin ! Nous le réclamions depuis le début de l'année...
M. Michel Mercier , rapporteur . - Au fil des années, un droit dérogatoire se construit pour lutter contre cette forme particulière de criminalité que constitue le terrorisme. Sous l'empire de l'état d'urgence, que le Gouvernement envisage de proroger une nouvelle fois, la menace n'a pas baissé d'intensité. Le comité de suivi créé par notre commission l'a vérifié auprès des services de lutte antiterroriste. Notre pays est visé tout particulièrement par les organisations terroristes : il faut leur montrer notre détermination à nous protéger et à la combattre, dans le respect de l'État de droit.
L'an dernier, plusieurs textes ont renforcé l'action administrative contre le terrorisme ; le volet judiciaire, lui, n'a pas fait l'objet de la même adaptation. La proposition de loi du président Philippe Bas a précisément cet objectif : dans la conduite de l'enquête, dans les incriminations, comme dans le régime d'application des peines, il était nécessaire de mieux armer le juge judiciaire.
Nous avons complété le travail des auteurs de la proposition de loi par de nombreuses auditions, auxquelles certains membres du comité de suivi ont participé. Notre objectif est que les procédures de droit commun, hors état d'urgence, soient efficaces.
L'enquête judiciaire est menée par le procureur ou par le juge d'instruction. Nous donnons aux magistrats les mêmes pouvoirs que ceux que nous avons prévus pour les services spécialisés de renseignement. Mieux vaut que certaines techniques soient utilisées par le juge judiciaire. Il me paraît plus souhaitable que la « sonorisation d'un lieu d'habitation », jolie formule, soit décidée par un magistrat, en l'occurrence le juge de la détention et des libertés quand l'enquête est menée par le parquet. Dans le domaine de la police administrative à vocation préventive, le juge administratif contrôle a posteriori l'usage des mesures de police et l'action de l'autorité administrative, créant une jurisprudence et donc un encadrement. A contrario , dans le domaine judiciaire, l'autorisation d'agir est préalable. Toute utilisation d'une technique d'enquête doit être préalablement décidée par un magistrat, ce qui constitue une différence importante.
Nous avons réfléchi à l'amélioration de la procédure d'enquête afin de supprimer toute interruption de ce processus : entre l'enquête de flagrance ou préliminaire et la suite de la procédure avec la saisine des magistrats instructeurs, il peut exister un vide puisque tous les actes d'enquête autorisés par le procureur doivent être clos, à charge pour le juge d'instruction de les autoriser, le cas échéant, à nouveau. Cet intervalle peut occasionner des interruptions dans les mesures d'enquête et être mis à profit par les personnes poursuivies les plus averties. Avec un amendement que je vous présenterai, les décisions du procureur pourront continuer à s'appliquer pendant quarante-huit heures après la saisine du juge d'instruction.
La proposition de loi crée de nouvelles infractions pénales pour coller à la réalité de l'action terroriste, par exemple en ce qui concerne la consultation habituelle de certains sites faisant l'apologie du terrorisme. Je tiens d'ailleurs à souligner, comme cela a été rappelé lors de nos auditions, que les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans cette forme de criminalité : la règle de droit doit en conséquence lui être adaptée. Les attentats du Bataclan ont été planifiés et organisés depuis la Syrie. Il faut armer nos magistrats pour lutter contre ce phénomène : c'est pour cela, par exemple, que le texte crée une incrimination pour les personnes qui séjournent sur place dans le but d'entrer en contact avec les organisations terroristes.
La procédure relative à l'application des peines doit également bénéficier d'une base juridique spécifique : regroupement dans certains quartiers pénitentiaires des individus radicalisés, inscription au fichier des personnes recherchées, par exemple. De même, faut-il prévoir que la peine de contrainte pénale est applicable aux infractions terroristes ?
M. Jean-Pierre Sueur . - Aucun juge ne l'utilise dans ce cas.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Raison de plus pour la supprimer s'agissant de ces infractions. Je le répète, ce texte arme le juge judiciaire, pour répondre aux demandes des magistrats que nous avons entendus. Certes, une décision du Conseil constitutionnel en 1999 a précisé le champ d'application de l'article 66 de la Constitution, mais le juge judiciaire doit jouer tout son rôle. En tout état de cause, quel que soit le domaine dans lequel se situe l'action de lutte antiterroriste, tout conflit est tranché par un juge, administratif ou judiciaire, c'est une garantie pour tous les citoyens.
M. Philippe Bas , président . - Co-auteur de ce texte, je veux dire quelques mots de son contenu. Il y a deux cadres juridiques bien distincts : l'autorité administrative, lorsque l'état d'urgence est déclaré, est autorisée à prendre des mesures pour limiter la liberté d'aller et venir ou pour interdire des réunions publiques, autant de mesures qui me semblent être tout autant attentoires aux libertés publiques que les perquisitions ou les assignations à résidence. Ces mesures n'ont pas de lien direct avec l'enquête menée par le parquet national antiterroriste. La prorogation de l'état d'urgence n'en a pas plus. Cette proposition de loi ne traite pas de l'état d'urgence mais des pouvoirs du parquet, de la définition des crimes et délits liés au terrorisme et de l'exécution des peines.
Mme Catherine Troendlé . - Ce texte arrive à point nommé. À la fin de cette première période d'application de l'état d'urgence, il est opportun de vérifier quelles mesures sont susceptibles de faire défaut à la procédure de droit commun, précisément pour pouvoir sortir de l'état d'urgence. Je remercie le rapporteur pour cet énorme travail qui a visé à identifier tous les moyens de lutter contre le terrorisme hors période d'exception. Nos interlocuteurs ont été convergents sur les outils qui font défaut à notre législation. Le rapporteur a réussi à traduire ces demandes dans les amendements qu'il va nous présenter. Dans ces conditions, je m'interroge sur l'utilité de la révision constitutionnelle envisagée par le Gouvernement.
M. François Zocchetto . - Il faut intervenir avec parcimonie dans le domaine pénal. Certaines faiblesses sont apparues, corrigeons-les afin qu'elles ne deviennent pas fatales. Les vingt-quatre articles de la proposition de loi sont issus des auditions de magistrats, fort productives. Il faut en effet sortir de l'état d'urgence. Du reste, même sous ce régime exceptionnel, l'institution judiciaire est démunie pour traiter de certaines situations. Ce travail mené par la commission doit être accepté par le Gouvernement. Hier soir, celui-ci nous a présenté un projet de loi... que nous avions adopté comme proposition de loi de Mme Troendlé il y a déjà plusieurs mois ! Par pitié, cessons de perdre ainsi un temps précieux.
Mme Esther Benbassa . - Ce texte est uniquement répressif, et nous plonge dans un monde orwellien de contrôle absolu. Qu'apporte la proposition de loi ? Les actes terroristes s'amplifient, se multiplient, quels que soient les textes législatifs que nous adoptions. Des lois ne peuvent régler un problème si complexe... Mon groupe a toujours été hostile à de telles mesures d'exception. Mais peut-être faut-il voir là une monnaie d'échange entre l'exécutif et la majorité sénatoriale, pour faire accepter par celle-ci la réforme constitutionnelle ?
Mme Catherine Troendlé . - Scandaleux !
Mme Esther Benbassa . - Ajoutez un article disant : « Il est interdit de parler » !
Un article donne au procureur la possibilité de recevoir des données au moyen d'un IMSI catcher , lesquelles seront ensuite exploitées par les services de renseignement. Nous allons encore plus fort dans l'atteinte à la vie privée !
M. Jacques Mézard . - J'ai participé aux travaux du comité de suivi de l'état d'urgence : nous avons demandé aux magistrats quels outils leur manquaient, et les articles qui y pourvoient sont utiles. Mais nous assistons aussi à une course à la mer. L'état d'urgence vient après la loi sur le renseignement : tout pouvoir a été donné au juge administratif. On veut dès lors rétablir l'équilibre au profit du juge judiciaire... au détriment de principes auxquels nous sommes attachés. D'autant qu'il ne suffit pas, Mme Benbassa a raison, de voter des textes répressifs pour arrêter les terroristes. Mon groupe fera le tri entre les dispositions utiles - l'intervention du juge des libertés est positive, par exemple - et les pouvoirs accrus du parquet.
Mme Éliane Assassi . - Je ne partage pas toutes les orientations de ce texte, largement marqué par le tout répressif. Je rejoins les propos de M. Mézard. Dans les auditions, la place du juge des libertés et de la détention est constamment revenue, évoquée par tous nos interlocuteurs. Il a fallu en tenir compte. Quant à l'éradication de Daesh et la lutte contre le terrorisme, tout reste à faire, malgré la pléthore de textes.
Sur le fond, cette proposition de loi nous inquiète. Renforcer les pouvoirs de la justice, soit, mais certaines mesures - rétention de sûreté, allongement de la détention provisoire à trois ans, y compris pour les mineurs - posent vraiment problème. Le Gouvernement n'aura bientôt plus besoin d'instaurer l'état d'urgence : celui-ci sera devenu le droit commun ! Nous voterons contre, mais présenterons des amendements. Et cessons l'hypocrisie : beaucoup d'entre nous ne voteront pas la révision constitutionnelle.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Laquelle ? Le texte du projet de loi constitutionnelle a changé ce matin...
M.
Pierre-Yves Collombat
. - Je m'étonne de ce
nouveau texte. Le terrorisme
- Action directe en 1987, attentats dans
le RER dans les années quatre-vingt-dix - n'est pas, lui, un
phénomène récent. Cette proposition de loi est-elle un
message aux terroristes ? Ou à l'opinion publique ? Les
terroristes seront-ils impressionnés par la déchéance de
nationalité ?
Mme Esther Benbassa . - Énormément !
M. Pierre-Yves Collombat . - Le traitement du terrorisme par ces seules mesures me semble léger. Il faut se préoccuper de la dimension sociale. Ah non, interdit le Premier ministre, expliquer, ce serait excuser !
Toute comparaison historique est délicate. Cependant souvenons-nous de Clemenceau qui, face à l'explosion de la criminalité dans les années 1910, a entièrement réorganisé la police, pour la moderniser. Un peu moins de lois, un peu plus d'action et de moyens. Le Président de la République demandait au lendemain des attentats que le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité... mais M. Macron n'est pas d'avis d'augmenter les budgets.
M. Philippe Bas , président . - Il y a des dispositions à prendre, par exemple pour éviter des interruptions de procédure qui obligent à recommencer le travail à zéro.
M. René Vandierendonck . - Compte tenu des revirements du Gouvernement, il n'était pas inutile que le Sénat se mobilise : à la place de nos collègues de la majorité sénatoriale, j'aurais fait de même. M. Urvoas devient aujourd'hui garde des sceaux, cela devrait favoriser les discussions.
Mme Éliane Assassi et Mme Esther Benbassa . - Ah oui ?
M. René Vandierendonck . - Oui, si l'on arrête l'hypocrisie, on peut discuter. La question de la révision ou non de la Constitution est subsidiaire. La répression des infractions est une préoccupation de nos concitoyens. Revisiter les moyens du juge judiciaire est intéressant. Il n'est pas exclu de trouver une majorité pour voter de façon pluriannuelle les moyens de la justice...
Mme Jacqueline Gourault . - Très bien.
M. Jacques Bigot . - Lorsque la République est attaquée, elle doit se protéger... sans remettre en cause l'État de droit. Le contrôle de l'autorité judiciaire est fondamental. Il faut s'adapter aux actes terroristes tels qu'ils sont aujourd'hui, organisés de l'étranger, faisant appel à des « soldats » qui attaquent leur propre pays. Identifier les candidats au djihad est crucial mais compliqué, il y faut des moyens nouveaux, dans le respect des règles de droit. Nous aurons un débat avec le ministre de la justice, qui reviendra avec un texte. Ce pré-débat sera précieux. Nous devons prendre en considération la place du juge des libertés et de la détention - souvenez-vous de notre débat sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'indépendance de la magistrature. Autre question importante : comment, durant l'incarcération, travailler à éviter une future récidive ? Ce texte répond-il complètement à ces préoccupations ? Je n'en suis pas certain. Des infractions nouvelles sont-elles nécessaires ? Elles compliquent le travail des magistrats. Nous y reviendrons à l'article 10. Malgré les difficultés, la démocratie doit se défendre contre ceux qui veulent la détruire.
Mme Esther Benbassa . - Et détruire les libertés...
M. Philippe Bas , président . - Il est piquant que des parlementaires préfèrent l'initiative gouvernementale à l'initiative parlementaire...
M. Michel Mercier , rapporteur . - Le juge judiciaire, gardien des libertés, doit avoir les moyens de poursuivre les terroristes et de les condamner. Ce n'est pas faire entrer l'état d'urgence dans le droit commun ! Le juge administratif contrôle et parfois suspend une assignation à résidence, on l'a vu récemment. Le juge judiciaire ne contrôle pas a posteriori , il autorise a priori . Nous ne sommes pas dans un monde orwellien ! Dans la loi sur le renseignement, nous avons encadré l'utilisation des techniques de surveillance, dont certaines étaient mises en oeuvre depuis fort longtemps sans fondement légal, c'est ce qui nous distingue d'un monde orwellien. Nous avons la chance d'avoir des magistrats remarquables qui aiment leur travail et le font bien.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Articles additionnels avant l'article 1 er
M. Michel Mercier , rapporteur . - Les amendements COM-8 et COM-9 ont un rapport très lointain avec la proposition de loi... Retrait, ou avis défavorable.
M. Jean Louis Masson . - Je les maintiens. Ils n'ont pas moins de rapport avec le texte que d'autres. Ils posent deux problèmes fondamentaux. Récemment, la famille d'un terroriste s'est portée partie civile.
Les amendements COM-8 et COM-9 ne sont pas adoptés.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Les juges judiciaires ont réclamé des outils pour lutter contre le terrorisme. L'enquête ne doit pas s'interrompre lorsque le procureur passe la main au juge d'instruction. Aussi l'amendement COM-10 prolonge-t-il de 48 heures la durée de validité des décisions du procureur une fois le juge d'instruction saisi.
M. Alain Richard . - J'approuve cet amendement, qui montre l'importance d'un peu de réflexion pour l'amélioration de nos textes.
M. Philippe Bas , président . - Il y avait eu « un peu de réflexion » déjà auparavant, cher collègue. Parlez plutôt de réflexion supplémentaire.
L'amendement COM-10 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-11 est un amendement de précision à cet article 2 qui autorise les perquisitions de nuit dans les lieux à usage d'habitation dans le cadre des enquêtes préliminaires en matière de lutte contre le terrorisme.
L'amendement COM-11 est adopté.
Article 3
L'amendement de précision juridique COM-12 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-13 permet au juge d'instruction d'utiliser l' IMSI catcher . Là encore, il s'agit de lui donner des outils : on ne peut lui demander de faire toute la lumière en ne mettant à sa disposition que des boîtes d'allumettes !
L'amendement COM-13 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Mon amendement COM-14 simplifie le texte et impose au juge des libertés et de la détention une ordonnance motivée pour autoriser les opérations de sonorisation.
Mme Esther Benbassa . - Je vote pour.
L'amendement COM-14 est adopté, ainsi que l'amendement de précision juridique COM-15.
M. Jean-Pierre Sueur . - Quelle est la position du rapporteur sur l'article 7 ? Pourquoi les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ne peuvent-elles pas continuer à exercer cette mission ?
M. Michel Mercier , rapporteur . - C'est une question de bonne administration de la justice. Il faut un suivi centralisé à Paris ; en revanche, les juridictions de droit commun continueront de traiter des infractions les moins graves.
M. Jean-Pierre Sueur . - Il y a un problème de moyens. La cybercriminalité est un océan. Centraliser la lutte contre ce fléau a des implications considérables.
M. Philippe Bas , président . - Cela concerne uniquement les affaires de cybercriminalité les plus graves.
Article 8
L'amendement de précision COM-16 est adopté.
Articles additionnels avant l'article 10
M. Michel Mercier , rapporteur . - Les amendements n os COM-6 et COM-7 seront partiellement satisfaits par l'amendement que je présenterai à l'article 11. Retrait.
Les amendements COM-6 et COM-7 ne sont pas adoptés.
Article 10
L'amendement de précision n° COM-17 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur . - Pourquoi la création d'un nouveau délit ? Il existe déjà une sanction. Le problème est de réunir les moyens pour détecter la consultation régulière de sites faisant l'apologie du terrorisme. L'augmentation du quantum ne changera rien.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'augmentation du quantum concerne le délit d'entrave au blocage.
L'amendement COM-17 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Les auditions ont attiré notre attention sur l'écrasement des peines : en effet le tribunal correctionnel ne peut condamner au-delà de dix ans d'emprisonnement, ce qui ne permet pas de différencier finement la peine en fonction de la gravité des faits... La proposition de loi proposait de criminaliser l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or une cour d'assises mobilise sept magistrats professionnels. Comment criminaliser davantage sans paralyser la cour d'assises spéciale de Paris ?
L'amendement COM-18 permet de criminaliser seulement une partie des comportements qui relèvent de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, en prévoyant la création d'une circonstance aggravante. Par ailleurs, cet amendement étend la possibilité pour la cour d'assises d'assortir ses condamnations d'une période de sûreté, qui pourrait être « incompressible » pour les condamnations à la perpétuité.
M. Jean-Pierre Sueur . - Cela ne pose-t-il pas un problème d'échelle des peines ? Ne craignez-vous pas de surcharger gravement la cour d'assises spécialisée ?
M. Philippe Bas , président . - C'est un vrai problème...
M. Michel Mercier , rapporteur . - Oui. C'est pourquoi nous créons la circonstance aggravante, qui évite de criminaliser toutes les associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Si nous ne modifions pas le code pénal, il y a cependant un problème car alors la peine maximale encourue est de dix ans. Oui, il y a un problème de moyens. Ceux-ci ont été renforcés par la ministre mais, pour l'heure, les postes créés ne sont pas pourvus... Quant à l'échelle des peines, le terrorisme n'est pas un crime comme les autres, il est normal de lui appliquer des règles spécifiques !
M. François Pillet . - Sur l'échelle des peines, le code pénal est souvent ubuesque. Cela mérite un travail global sur le code.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Aussi avons-nous renoncé à prévoir une peine de quinze ans pour l'infraction.
L'amendement COM-18 est adopté.
Article additionnel après l'article 11
M. Michel Mercier , rapporteur . - Nous proposons de supprimer la rétention et la surveillance de sûreté prévues par la proposition de loi, pour instituer la « perpétuité réelle » et permettre aux juridictions de jugement, avec cet amendement COM-19, de prononcer le suivi socio-judiciaire pour les personnes condamnées pour terrorisme.
M. Alain Vasselle . - Où est l'article 11 bis ? Ces mesures ne seront pas dissuasives. Mieux vaut protéger nos concitoyens par des mesures de rétention et un suivi socio-judiciaire. Pourquoi, dès lors, le verbe « peuvent » ? Cela doit être automatique, et les intéressés peuvent toujours faire une demande pour que les mesures soient levées.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-19 deviendra l'article 11 bis si nous l'adoptons. Quant au verbe « peuvent », il répond à un principe aussi fondamental que la présomption d'innocence : l'individualisation des peines. Toute autre solution serait contraire à la Constitution.
L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.
Article 12
L'amendement de précision COM-20 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur . - L'article 12 de la proposition de loi est-il nécessaire ?
M. Michel Mercier , rapporteur . - Il lève des ambiguïtés, ou pour le dire comme M. David Bénichou, juge d'instruction au pôle antiterroriste que nous avons auditionné, il comble des « angles morts ». Mme Laurence Le Vert partageait cette analyse. Par ailleurs, il s'agit d'une mesure alternative à la proposition du Gouvernement d'instaurer un régime de droit commun d'assignation à résidence pour les personnes de retour de la zone syro-irakienne.
Article 13
L'amendement de coordination COM-21 est adopté.
Article 14
L'amendement de coordination COM-22 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Il n'y a aucune peine complémentaire automatique. Cela serait anticonstitutionnel. Simplement, le juge devra se prononcer sur la peine complémentaire. Retrait, ou avis défavorable.
M. Alain Richard . - Cette discussion est difficile. Si le législateur écrit que le juge doit se prononcer sur la peine complémentaire, cela signifie qu'il doit prononcer une peine, ou se justifier de ne pas en prononcer. Cela oriente forcément la décision du juge. Cette mode est fâcheuse, car elle peut aboutir à une automaticité de la peine. Gardons-nous de telles dispositions !
M. Jacques Bigot . - Le texte n'impose rien, mais il enferme le juge dans une forme d'obligation. Acceptons-nous que celui-ci ait un vrai pouvoir ?
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'article 16 de la proposition de loi modifie le régime de la détention provisoire pour les mineurs. L'amendement COM-23 limite aux seuls mineurs d'un âge compris entre 16 et 18 ans, qui sont les plus concernés parmi les mineurs visés par une information judiciaire en matière de terrorisme, l'augmentation de la durée de cette détention provisoire pour l'instruction des crimes terroristes.
M. Jean-Pierre Sueur . - Réfléchissons : allonger la détention provisoire pour les mineurs pose problème. Est-ce compatible avec la convention internationale des droits de l'enfant ? Prudence.
M. Jacques Bigot . - Quel est l'intérêt de passer de deux à trois ans ?
M. François Pillet . - L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante doit être révisée.
Mme Esther Benbassa . - A-t-on des statistiques par âge ?
M. Michel Mercier , rapporteur . - Seize mineurs font actuellement l'objet d'une mise en examen pour des infractions à caractère terroriste. Quatre d'entre eux sont placés en détention provisoire. Sur ces seize mineurs, douze étaient âgés de plus de seize ans au moment des faits. Par ailleurs, sur ces seize mises en examen, deux concernent des faits de nature criminelle. Les durées de détention provisoire actuellement applicables aux mineurs ne sont pas de nature à permettre une instruction sereine des affaires, qui présentent une certaine complexité.
Mme Esther Benbassa . - Un texte pour seize personnes ?
M. Michel Mercier , rapporteur . - Quatre terroristes peuvent tuer 130 personnes.
L'amendement COM-23 est adopté. L'amendement COM-2 devient sans objet.
Article 17
L'amendement de coordination COM-24 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur . - Nous avons travaillé, dans le cadre de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes, sur les unités pénitentiaires regroupant les personnes radicalisées. M. Reichardt ne me contredira pas. Le comportement de certains détenus est susceptible de créer de graves désordres dans les établissements pénitentiaires. Nous avons préconisé la création d'unités ne regroupant pas plus de dix personnes, avec un encellulement individuel. Mais une telle problématique relève-t-elle de la loi ? Ce sujet est complexe.
En tout état de cause, nous proposons, a minima , que l'affectation dans ces unités relève d'une décision du chef d'établissement et ne soit pas automatique.
M. André Reichardt . - La contamination des idées radicales au sein des établissements pénitentiaires plaide pour le maintien du caractère automatique. Mais, l'amendement que vous proposez permet au texte d'être équilibré et de respecter la liberté d'appréciation du chef d'établissement. La décision du chef d'établissement dépendra du comportement de la personne concernée.
Mme Esther Benbassa . - Certes, mais le mot « contamination » me gêne. Parlons plutôt d'embrigadement. Les mots comptent.
M. Michel Mercier , rapporteur . - Le dispositif de l'article 17 relève parfaitement du domaine de la loi car il s'applique au régime de la détention, ainsi que l'avait précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi pénitentiaire. La décision d'affectation dans une unité dédiée peut d'ailleurs faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative. Il est bon de laisser aux directeurs d'établissement une marge d'appréciation... dans le cadre défini par la loi. Nous sommes parvenus à un bon équilibre. Avis favorable à l'amendement COM-3.
L'amendement COM-3 est adopté.
Article 18
Les amendements identiques de suppression COM-25 et COM-4 sont adoptés.
Article 19
L'amendement de coordination COM-26 est adopté.
M. Michel Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-27 règle le problème de l'application des peines. La juridiction d'application des peines peut s'opposer à la libération conditionnelle si l'ordre public est gravement menacé par la libération. Avis défavorable à l'amendement COM-5.
L'amendement COM-27 est adopté, ainsi que l'amendement COM-28.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-29 rend ce texte, pour ainsi dire, chimiquement pur, en le concentrant sur la lutte antiterroriste dans le domaine judiciaire.
L'amendement de suppression COM-29 est adopté.
Article 22
L'amendement de suppression COM-30 est adopté.
Article 23
L'amendement rédactionnel COM-31 est adopté.
M. François Grosdidier . - Les modalités d'organisation des fouilles dans les établissements pénitentiaires depuis l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire de 2009 empêche de lutter contre l'introduction de produits stupéfiants et de téléphones mobiles. Or pour lutter contre le terrorisme, il faut plus d'imams et moins d'iphones dans nos prisons ! Qu'en pense notre rapporteur ?
M. Michel Mercier , rapporteur . - La loi pénitentiaire de 2009 a précisé le cadre juridique...
M. François Grosdidier . - Sans régler ce problème...
M. Michel Mercier , rapporteur . - Elle interdit simplement les fouilles systématiques. Je connais bien ce sujet, et je sais que le métier d'agent pénitentiaire est difficile. Certains appareils peuvent se substituer aux fouilles, mais ils coûtent cher. Lorsque j'ordonnais des fouilles, on trouvait de très nombreux téléphones... parfois jusqu'à 150 ou 200 !
M. François Pillet . - Ces sujets touchent aux libertés individuelles. Vous avez bien fait d'entendre, sur ce texte, les magistrats, et de leur demander les outils dont ils avaient besoin. Cela me rassure et j'approuve la méthode : je voterai ce texte.
M. Jacques Bigot . - Oui, l'initiative parlementaire est importante. La réforme constitutionnelle pourrait aboutir bientôt. Comme le Gouvernement va déposer un texte qui va dans le même sens que le vôtre, nous nous abstiendrons.
La commission adopte le texte de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article additionnel avant l'article 1 er |
|||
M. MASSON |
8 |
Rendre irrecevable l'action civile en réparation lorsque le dommage causé à la victime a été la conséquence directe et immédiate d'un crime ou d'un délit commis volontairement par celle-ci |
Rejeté |
M. MASSON |
9 |
Élargir les cas de recours à la force armée par les policiers |
Rejeté |
Article 1
er
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
10 |
Remplacement du dispositif initial par un dispositif permettant d'organiser la continuité des actes d'enquête entre la phase conduite sous l'autorité du parquet et celle placée sous le contrôle des magistrats instructeurs |
Adopté |
Article 2
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
11 |
Précision juridique |
Adopté |
Article 3
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
12 |
Augmentation des sanctions prévues en cas de refus d'un opérateur de télécommunications de répondre à une réquisition judiciaire et suppression de l'obligation de motivation des ordonnances de saisies de données |
Adopté |
Article 5
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
13 |
Extension de la faculté d'utilisation de l' IMSI catcher au juge d'instruction pour les informations judiciaires dans le domaine de la criminalité organisée et autorisation confiée systématiquement, sauf urgence, au juge des libertés et de la détention pour les enquêtes du parquet |
Adopté |
Article 6
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
14 |
Exigence d'une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention pour autoriser les opérations de sonorisation demandées par le parquet |
Adopté |
M. M. MERCIER, rapporteur |
15 |
Contrôle des opérations de sonorisation par le juge des libertés et de la détention |
Adopté |
Article 8
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
16 |
Maintien de la centralisation parisienne du contentieux d'application des peines pour le délit d'apologie du terrorisme lorsque le parquet de Paris a retenu sa compétence pour le poursuivre |
Adopté |
Article additionnel avant Article 10 |
|||
M. GRAND |
6 |
Possibilité pour la cour d'assises de prononcer une peine de sûreté de trente ans ou une peine de sûreté incompressible pour les assassinats terroristes |
Satisfait |
M. GRAND |
7 |
Possibilité de prononcer une peine de sûreté de trente ans ou incompressible pour les condamnés pour assassinat terroriste |
Satisfait |
Article 10
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
17 |
Augmentation du quantum de peine applicable au délit d'entrave aux blocages administratif et judiciaire de sites faisant l'apologie du terrorisme |
Adopté |
Article 11
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
18 |
Aggravation des peines encourues pour les crimes terroristes les plus graves et possibilité de les assortir d'une période de sûreté incompressible |
Adopté |
Article additionnel après Article 11 |
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
19 |
Possibilité de décider le suivi socio-judiciaire pour les personnes condamnées pour terrorisme |
Adopté |
Article 12
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
20 |
Augmentation du quantum de peine applicable au délit de séjour intentionnel à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes |
Adopté |
Article 13
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
21 |
Coordination |
Adopté |
Article 14
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
22 |
Coordination |
Adopté |
Article 15
|
|||
M. BIGOT |
1 |
Suppression des peines complémentaires systématiques |
Rejeté |
Article 16
|
|||
M. M. MERCIER, rapporteur |
23 |
Limitation aux seuls mineurs âgés de 16 à 18 ans de l'augmentation de la durée de détention provisoire pour l'instruction des crimes terroristes |
Adopté |
M. BIGOT |
2 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Article 17
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M. M. MERCIER, rapporteur |
24 |
Coordination |
Adopté |
M. BIGOT |
3 |
Préciser que l'affectation en unité dédiée aux détenus radicalisés est facultative. |
Adopté |
Article 18
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M. M. MERCIER, rapporteur |
25 |
Suppression de l'article |
Adopté |
M. BIGOT |
4 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 19
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M. M. MERCIER, rapporteur |
26 |
Coordination |
Adopté |
M. M. MERCIER, rapporteur |
27 |
Possibilité pour la juridiction d'application des peines de s'opposer à la libération conditionnelle quand la libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public |
Adopté |
M. M. MERCIER, rapporteur |
28 |
Exclusion des détenus condamnés pour terrorisme du bénéfice des dispositions prévoyant le réexamen de leur situation en vue de leur libération conditionnelle aux deux tiers de leur peine |
Adopté |
M. BIGOT |
5 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Article 21
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M. M. MERCIER, rapporteur |
29 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 22
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M. M. MERCIER, rapporteur |
30 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 23
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M. M. MERCIER, rapporteur |
31 |
Rédactionnel |
Adopté |