II. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA PROPOSITION DE LOI
La proposition de loi soumise à l'approbation de votre Haute assemblée n'entend pas bouleverser les équilibres construits au cours des trente dernières années. Elle poursuit l'objectif principal de consolider cet édifice juridique, de remédier aux lacunes en matière procédurale et dans le domaine des incriminations qui auraient pu apparaître depuis un an et de répondre aux asymétries dans l'accès aux techniques d'enquête résultant de l'entrée en vigueur de la loi relative au renseignement.
Les dispositions de la proposition de loi s'articulent autour des trois grandes séquences de la procédure judiciaire que constituent, d'une part, l'enquête ou l'instruction, d'autre part, la phase de jugement et, enfin, l'exécution de la peine.
Le titre I er regroupe neuf articles visant à accroître l'efficacité des enquêtes du parquet et des informations judiciaires dans le domaine de la lutte antiterroriste.
En ce qui concerne le renforcement des prérogatives du parquet, les dispositions de ce titre permettent :
- l'allongement de la durée de l'enquête de flagrance en matière de poursuite des infractions d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dont la durée de renouvellement, actuellement limitée à huit jours, passerait à quinze jours ( article 1 er ) ;
- les perquisitions de nuit dans les locaux à usage d'habitation pour les enquêtes préliminaires relatives aux infractions terroristes ( article 2 ) ;
- la possibilité, pour les enquêtes en matière de lutte contre la criminalité organisée, d'avoir recours à l' IMSI catcher ( article 5 ) et à la technique de la sonorisation et de fixation d'images dans les lieux privés ( article 6 ).
L' article 3 permet, pour sa part, la création, commune à l'enquête et à l'instruction en matière terroriste, d'un régime autonome de saisie de données de messagerie électronique indépendant de la perquisition tandis que l' article 4 lève les obstacles juridiques qui s'opposaient, depuis la création de cette faculté en 2011 9 ( * ) , à l'utilisation par les magistrats instructeurs de la technique de captation à distance des données informatiques.
Enfin, l' article 7 instaure une compétence concurrente pour la juridiction parisienne dans le domaine de la répression des infractions de cybercriminalité les plus graves, l' article 8 supprime la compétence exclusive de la juridiction parisienne en matière d'application des peines pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme et l' article 9 vise à faciliter les autorisations délivrées par le juge des libertés et de la détention pour certaines procédures applicables en matière de lutte contre la criminalité organisée.
Le titre II , consacré à l'aggravation des dispositions pénales antiterroristes, est composé de sept articles.
Il a tout d'abord pour objet de combler plusieurs lacunes ne permettant pas d'incriminer certains comportements. À ce titre, il est proposé de créer trois nouveaux délits terroristes ayant respectivement pour objet de réprimer :
- la consultation habituelle de sites Internet provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ( article 10 ) ;
- le fait d'entraver intentionnellement le blocage judiciaire ou administratif des sites provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ( article 10 ) ;
- le séjour intentionnel sur un théâtre étranger afin de fréquenter ou d'entrer en relation avec une organisation terroriste ( article 12 ).
Les dispositions de ce titre ont ensuite pour but d'accroître la répression de l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, actuellement délictuelle, qui deviendrait un crime puni d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle ( article 11 ) et de rendre systématique la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers condamnés à certaines infractions terroristes, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction de jugement ( article 15 ).
Enfin, les dispositions du titre II proposent d'écarter l'application de la contrainte pénale pour les délits terroristes punis de cinq ans et moins d'emprisonnement ( article 14 ), d'insérer, parmi les obligations du sursis avec mise à l'épreuve, la possibilité d'astreindre une personne condamnée à faire l'objet d'une prise en charge visant à la « déradicalisation » ( article 13 ) et, enfin, d'augmenter la durée de détention provisoire pour les mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ( article 16 ).
Le titre III contient quatre articles poursuivant l'objectif de créer un régime spécial d'application des peines, dérogatoire au droit commun, pour les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes.
À cet égard, l' article 17 donne un fondement légal à la pratique, mise en oeuvre dans certains établissements pénitentiaires depuis plus d'un an, de regrouper les personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation dans des unités dédiées.
L' article 18 élargit aux personnes condamnées pour les infractions terroristes les plus graves l'application des dispositions sur la rétention et la surveillance de sûreté. Les personnes reconnues coupables de terrorisme et dont la dangerosité, caractérisée par un risque élevé de récidive, serait établie avant la fin de l'exécution de leur peine pourraient ainsi être placées en rétention de sûreté, ou, à défaut, sous surveillance de sûreté, sur décision de la juridiction régionale de la rétention de sûreté.
L 'article 19 écarte les personnes condamnées pour terrorisme du bénéfice de la libération sous contrainte et des crédits automatiques de réduction de peine et instaure un régime plus rigoureux d'accès à la libération conditionnelle sur le modèle de celui applicable aux personnes condamnées pour les crimes sexuels ou violents.
Enfin, l' article 20 facilite le signalement au fichier des personnes recherchées par les services d'insertion et de probation des personnes suivies n'honorant pas leurs rendez-vous.
La proposition de loi contient également un titre IV , composé d'un article 21 , consacré aux perquisitions administratives conduites dans le cadre de l'état d'urgence. D'une part, il crée un régime de saisie administrative en cas de réalisation d'une perquisition ne conduisant pas à la constatation d'une infraction pénale, en particulier des supports informatiques qui ne permettraient pas la copie des données qu'ils contiennent lors de l'opération. D'autre part, il assujettit les données copiées lors de ces perquisitions à un régime de conservation - s'inspirant des principes retenus lors de la loi relative au renseignement - de trois mois au-delà duquel elles seraient détruites.
Le titre V comporte les articles 22 , 23 et 24 qui comprennent des dispositions transitoires et finales.
* 9 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.