E. UNE PROTECTION DES ESPACES ET DES SITES MODERNISÉE (TITRE V ESPACES NATURELS + TITRE VI)
Le titre V du projet de loi propose une modernisation des outils d'aménagement du territoire et de protection en faveur des espaces naturels.
Le chapitre I er du titre V vise tout d'abord à rationaliser les procédures de classement en parc naturel régional et d'élaboration de la charte du parc, et à moderniser les missions du syndicat mixte chargé de la gestion et de l'aménagement du parc (articles 27 à 31 bis) . Mis en place dans des espaces dotés d'une forte valeur patrimoniale, les parcs naturels régionaux sont des lieux de coordination entre les acteurs locaux afin de définir et de mettre en oeuvre un projet commun de territoire en faveur de ce patrimoine naturel.
L'article 32 prévoit la création d'établissements publics de coopération environnementale (EPCE) afin de mettre à disposition des collectivités territoriales et de l'État une structure juridiquement plus adaptée à une coopération durable des acteurs publics en matière d'amélioration des connaissance sur l'environnement, de sensibilisation du public, d'expertise scientifique et de conservation des espèces et des milieux. Particulièrement utile aux conservatoires botaniques nationaux, cette forme juridique doit pouvoir être utilisée pour d'autres organismes publics agissant en faveur de l'environnement
L'article 32 ter inscrit dans le code de l'environnement l'existence de deux dispositifs d'origine internationale : les réserves de biosphère et les zones humides d'importance internationale . Ces deux initiatives, portées respectivement par l'UNESCO et par la Convention de Ramsar de 1971, ne créent pas de zonages supplémentaires mais s'inscrivent dans une logique de coexistence entre activités humaines et préservation de la biodiversité. Ils peuvent également améliorer l'attractivité de nos territoires, en créant un label international témoignant de l'engagement des élus locaux en faveur de la biodiversité.
Le chapitre II du titre V propose des outils fonciers innovants en faveur de la protection de la biodiversité et des espaces naturels.
L'article 33 A vise à rationaliser les modalités de mise en oeuvre de la compensation des atteintes à la biodiversité en proposant plusieurs dispositifs pour s'adapter aux besoins des maîtres d'ouvrage et aux enjeux environnementaux des projets. Sans imposer d'obligations nouvelles en matière de compensation écologique, ces dispositions visent à améliorer l'effectivité de la compensation, prévue au titre des différentes législations environnementales, générales ou sectorielles. Cet article précise les conditions d'exercice de l'activité d'opérateur de compensation, encadre le recours à la contractualisation pour la mise en oeuvre de la compensation, et inscrit dans le code de l'environnement le dispositif de réserves d'actifs naturels.
La compensation est un mécanisme qui doit permettre de réconcilier l'environnement et l'activité économique . En s'appuyant sur des dispositifs contractuels , elle pourra être une source de revenu supplémentaire pour les agriculteurs, tout en prévenant la diminution du foncier agricole disponible . Plusieurs organismes, publics ou privés, proposent déjà une mise en oeuvre de la compensation en contractant avec des exploitants, afin de valoriser les services environnementaux que rend déjà l'agriculture au quotidien. La rationalisation de la compensation doit permettre d' accompagner le développement de l'agroécologie.
L'article 33 prévoit la possibilité, pour un propriétaire de créer à sa charge des obligations réelles environnementales sur son bien immobilier, qui seront transmises aux propriétaires successifs. Ce dispositif vise à permettre aux propriétaires qui le souhaitent de pérenniser des actions en faveur de la biodiversité sur leurs terrains, en contractant avec des personnes publiques ou privées agissant pour la protection de l'environnement. Ce mécanisme pourrait être un outil au service de la compensation, comme alternative à l'acquisition foncière . Il permettra également aux organismes publics actifs en matière de protection des milieux (Conservatoire du littoral, Conservatoires régionaux d'espaces naturels) de disposer d'un mode de maîtrise du foncier plus économe en ressources publiques. Le mécanisme d'obligations réelles environnementales repose sur la liberté contractuelle des propriétaires, tout en associant, s'il en existe un, le preneur à la conclusion de l'accord.
L'article 34 donne compétence à l'autorité administrative pour créer un « zonage prioritaire pour la biodiversité » afin de maintenir l'habitat de certaines espèces protégées. L'objet de ce dispositif, qui privilégie une solution coercitive à une approche contractuelle et incitative, est de répondre aux difficultés rencontrées pour un nombre limité d'espèces. Ce zonage s'accompagne d'un programme d'actions, et, à l'expiration d'un délai, peut aboutir à des pratiques agricoles obligatoires, en faveur de l'espèce considérée.
Le texte propose aussi de verdir certains outils à vocation agricole : l'assolement en commun (article 35) et l'aménagement foncier agricole et forestier (article 36), instrument du remembrement en milieu rural. Si l'article relatif à l'assolement en commun prévoit que les finalités environnementales ne sont que complémentaires et optionnelles à l'objectif initial, l'article portant sur l'aménagement foncier prévoit un objectif environnemental supplémentaire.
Le projet de loi donne également la possibilité aux élus locaux de prendre des mesures favorables à la préservation de la trame verte et bleue . L'article 36 quater définit ainsi la notion d'espaces de continuités écologiques : il s'agit d'espaces ou de formations naturelles pouvant être identifiés et assortis de prescriptions spécifiques dans le plan local d'urbanisme, en vue de protéger les continuités écologiques sur le territoire.
Les articles 36 quinquies A et 36 quinquies B visent à favoriser la biodiversité en milieu urbain et péri-urbain . Une obligation de couverture des toitures par un système de végétalisation ou par des installations de production d'énergie renouvelable est imposée aux nouveaux centres commerciaux, ainsi qu'une limitation du nombre de places de stationnement imperméabilisées. Une disposition très générale prévoit également que les plans climat-énergie territoriaux comportent des mesures visant à « favoriser la biodiversité pour adapter la ville au changement climatique ».
Plusieurs articles habilitent par ailleurs le Gouvernement, au chapitre VII du titre V, à procéder par ordonnance à des ajustements circonscrits visant à simplifier les procédures et à adapter le droit existant aux réalités du terrain. Ces mesures concernent en particulier les parcs nationaux, les sites Natura 2000 et les réserves biologiques. En outre, toujours dans la même perspective de simplification et d'efficacité, l'article 67 habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance pour mettre en place une expérimentation visant à simplifier la gestion des espaces naturels, lorsque leurs périmètres se recoupent.
Le titre VI du projet de loi porte sur les sites et les paysages, toujours dans la perspective d'améliorer et de dynamiser la préservation du patrimoine naturel dans les territoires.
Le chapitre I er du titre VI vise à moderniser les procédures d'inscription et de classement des monuments naturels et des sites (articles 69 à 71).
L'article 69 prévoyait dans le projet de loi initial de mettre fin à toute nouvelle inscription de sites . Le texte transmis par l'Assemblée nationale permet à la procédure d'inscription de subsister, en accompagnement d'un site classé ou en cours de classement. L'article prévoit également une révision, dans un délai de dix ans, du « stock » des 4 800 sites inscrits à ce jour . Ce processus doit permettre d'opter pour le traitement le plus adapté à la protection du site concerné, compte tenu de ses évolutions et des différents outils disponibles au titre du code de l'environnement ou du code du patrimoine. Une modernisation de la procédure de classement vise également à faciliter le déclassement, ainsi que l'articulation des autorisations avec le dispositif des monuments historiques.
Le chapitre II du titre VI a pour objectif de renforcer la prise en compte des paysages dans les politiques d'aménagement du territoire.
En reprenant la définition conventionnelle du paysage , l'article 72 vise à élargir cette notion à l'ensemble des paysages, au-delà du seul critère de l'intérêt remarquable aujourd'hui prévu par le code de l'environnement. Afin d'améliorer la connaissance des paysages, une définition de l'atlas de paysages est proposée, dans la perspective d'une généralisation de ces documents sur l'ensemble du territoire national. L'article 72 précise également l'élaboration des objectifs de qualité paysagère , prévus dans les chartes de parcs naturels régionaux et dans les schémas de cohérence territoriale.
Afin d'identifier et de développer l'expertise spécifique en matière de paysages, l'article 72 bis encadre l'utilisation de la dénomination de « paysagistes concepteurs », en la conditionnant à l'obtention d'un diplôme spécifique, réformé en 2014, ou à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires de ce diplôme.