D. UNE APPROCHE DYNAMIQUE TRADUITE DANS LA TRANSPOSITION DU PROTOCOLE DE NAGOYA : VALORISER LES RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET LES CONNAISSANCES TRADITIONNELLES ASSOCIÉES ET ASSURER LE JUSTE PARTAGE DES AVANTAGES
1. Transcrire le Protocole de Nagoya
Le titre IV du présent projet de loi vise à transposer le Protocole de Nagoya , signé en 2011 par la France, qui modifie la Convention sur la diversité biologique de 1992. L'objectif est de prévoir un dispositif d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées présentes sur notre territoire, et à définir les modalités de partage des avantages issus de l'utilisation de ces ressources.
Le Protocole de Nagoya La Convention sur la diversité biologique, ouverte à la signature le 5 juin 1992 lors du sommet de la terre de Rio, est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Cette convention est à ce jour le seul instrument international complet sur la diversité biologique. Elle a trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques. Lors du sommet de Johannesburg en septembre 2002 a été lancée la négociation, dans le cadre de la convention, d'un régime international pour la promotion et la protection du partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques, afin d'assurer la mise en oeuvre du troisième objectif. C'est l'objet du Protocole de Nagoya, adopté le 29 octobre 2010, après six ans de négociations. Le Protocole impose une transparence accrue pour les fournisseurs et les utilisateurs de ressources génétiques. Le Protocole contient des dispositions sur la conformité, ainsi que sur l'établissement de conditions plus prévisibles d'accès aux ressources génétiques. Par ailleurs, le Protocole fixe les grands principes de l'accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques détenues par les communautés autochtones et locales, dans le but d'améliorer la capacité de ces communautés à profiter de l'utilisation de leurs connaissances, de leurs innovations et de leurs pratiques. La transposition de ce Protocole doit permettre d'atteindre deux objectifs : stimuler la conservation de la diversité biologique et accroître la contribution de la diversité biologique au développement durable. |
En matière de ressources génétiques, la France est dans une position exceptionnelle dans le monde : la France est à la fois un pays fournisseur de ressources , les outre-mer présentant une richesse unique en matière de biodiversité, et un pays utilisateur de ressources , avec de grandes entreprises dynamiques dans la pharmaceutique, l'agroalimentaire ou la cosmétique.
Il est donc particulièrement pertinent de mettre en place des dispositifs de déclaration et de contrôle qui permettent de garantir à la fois la préservation des ressources, mais aussi leur utilisation en toute sécurité par les entreprises françaises, sans risque de se voir accuser de biopiraterie.
2. Un dispositif complexe mais cohérent
Le dispositif d'APA est relativement complexe, même s'il présente une réelle cohérence.
Son champ d'application concerne à la fois les utilisateurs de ressources génétiques, c'est-à-dire les chercheurs, publics et privés, français ou non, mais aussi les fournisseurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles. Il s'agit de l'État pour les ressources génétiques, qui font partie du patrimoine de la nation, et des communautés d'habitants pour les connaissances traditionnelles associées.
Il est important de préciser que les ressources agricoles ne sont pas couvertes par le dispositif prévu à l'article 18 de ce projet de loi, soit parce qu'elles sont déjà couvertes par un traité international, le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA), qui porte sur 64 espèces phytogénétiques, soit parce que leur régime sera défini dans les dix-huit mois à venir par une ordonnance prévue à l'article 26.
Pour les autres ressources, deux procédures sont prévues.
Si la recherche n'a pas de visée commerciale , les utilisateurs sont soumis à une procédure de simple déclaration .
Un organisme de recherche souhaite accéder en France à une plante présente en Guadeloupe. Il fait une déclaration auprès de l'administration avec un formulaire standardisé en ligne. Il signe une convention de partage des avantages prédéfinie et non monétaire, par exemple promettre un dépôt d'échantillons dans une collection locale, ou un compte rendu des résultats de la recherche. L'organisme reçoit un récépissé de déclaration. L'administration fait enregistrer ce récépissé en tant que certificat international de conformité au centre international sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages des Nations unies. L'organisme est désormais en mesure de prouver partout dans le monde qu'il est en conformité avec le droit international.
Si la recherche a un objectif de développement commercial , l'utilisateur est soumis à une procédure d'autorisation .
Un organisme de recherche souhaite accéder en France à une ressource en vue de mettre au point un produit pharmaceutique. Il dépose une demande d'autorisation auprès de l'administration avec un formulaire présentant l'objet résumé de la recherche. Il négocie et signe une convention de partage des avantages avec l'autorité administrative. Ce partage peut comprendre des avantages monétaires, mais ce n'est pas systématique, le seul critère déterminant prévu par le Protocole de Nagoya étant que le partage soit être « juste et équitable ». Les modalités précises sont donc convenues au cas par cas. L'autorité administrative autorise l'accès à la ressource en vue de son utilisation spécifique dans le cadre du projet, et fait enregistrer l'autorisation comme certificat international de conformité auprès des Nations unies.
Enfin, le projet de loi prévoit le cas de l'accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques et détenues par des communautés d'habitants.
Un organisme de recherche peut par exemple souhaiter utiliser un savoir traditionnel relatif aux propriétés médicinales supposées d'un insecte de Guyane. Il faut pour cela rechercher l'accord et la participation de la communauté d'habitants concernée par cette connaissance. Le texte prévoit de passer par l'intermédiaire d'une personne morale de droit public désignée par décret, qui organise la consultation de la communauté d'habitants. À l'issue de la consultation, cette personne morale dresse un procès-verbal relatant le déroulement des débats et l'accord ou l'absence d'accord sur l'utilisation de la connaissance. S'il y a un accord, l'organisme signe un contrat de partage des avantages avec la personne morale qui la négocie au profit de la communauté.
Le texte prévoit enfin plusieurs points de contrôle , pour permettre à l'administration de vérifier la conformité des acteurs avec le protocole de Nagoya.
Le biomimétisme au coeur d'une nouvelle révolution industrielle Le biomimétisme désigne l'imitation de propriétés remarquables du vivant dans les activités humaines. Cela consiste par exemple à repérer un comportement remarquable dans la fabrication de matériaux par le vivant, ou encore à répliquer une structure naturelle pour élaborer des matériaux durables. |
On compte de nombreux exemples de biomimétisme, dans des secteurs d'activités très variés, de l'agriculture à l'industrie en passant par des schémas d'organisation inspirés de la nature : la chauve-souris de Clément Ader, le Velcro de l'ingénieur suisse Georges de Mestral créé à partir des spécificités du chardon, les verres photochromes qui peuvent varier de couleur en fonction des ultra-violets, les alliages à mémoire de forme, la diminution de poids et l'augmentation de la résistance des ailes de l'Airbus A380 inspirées des structures osseuses des ailes d'oiseaux, ou encore les pare-brise anti-pluie imitant la structure en picot hydrophobe de la feuille de nénuphar. La liste est longue. A l'heure où la croissance démographique et l'augmentation des besoins de nos sociétés font peser un poids croissant sur les ressources disponibles, le biomimétisme offre une inspiration utile pour réaliser une nouvelle révolution industrielle, fondée sur des procédés physico-chimiques plus sophistiqués et plus durables. |