III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. LE POINT DE VUE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION SUR LE TEXTE : BILAN DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE EN COMMISSION
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a examiné 564 amendements et en a retenu 225 dont l'initiative revient au rapporteur, aux rapporteures pour avis des commissions des affaires économiques et de la culture et à chacun des groupes politiques représentés . La priorité dégagée par le rapporteur dans ses propositions d'amendements a toujours été de se tenir éloigné des provocations ou des postures idéologiques, en abordant chaque sujet avec la plus grande ouverture et le plus grand pragmatisme.
Un certain nombre de sujets qui ont fait débat nécessitent certainement encore un approfondissement, auquel votre rapporteur souhaite associer l'ensemble des membres de la commission dans la perspective de l'examen du projet de loi en séance publique et de la deuxième lecture.
Il s'est néanmoins efforcé, à ce stade, de chercher des compromis, en évitant de basculer d'une caricature à l'autre . Plutôt que de protéger la nature en la mettant sous cloche, il a souhaité mettre en avant le potentiel de valorisation économique et d'emplois que sa préservation permet.
Pour autant, lorsque l'urgence de la situation le réclame, il n'a pas hésité à adopter des positions fortes : sur ces questions, il n'a pas voulu se contenter d'un « juste milieu » entre protection de la nature et intérêts économiques.
Il a également été attaché à la qualité du droit de l'environnement , en s'efforçant de rendre le cadre juridique aussi simple, souple et lisible que possible. Une attention particulière a été portée à la qualité du texte, à la définition des concepts et à leur portée effective, afin d'éviter de figer un droit nécessairement évolutif.
Au total, la commission a voulu ajouter à la fois de l'ambition et du pragmatisme à ce texte , en tentant d'éviter les postures politiciennes pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux.
B. TITRE I : UNE SIMPLIFICATION DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT
Votre rapporteur a considéré que les précisions de vocabulaire et de définitions, qui pourraient sembler anecdotiques, traduisent au contraire des avancées récentes majeures des recherches scientifiques relatives à la biodiversité : l'importance de ne pas tenir compte seulement des différentes « composantes » de la biodiversité, mais aussi et surtout de toutes les « interactions » entre ces dernières.
La biodiversité ne peut plus aujourd'hui être vue comme l'addition statique d'éléments donnés, mais comme un véritable « tissu vivant », en évolution constante. La biodiversité elle-même est cette évolution permanente, ces changements, ces connexions, ces échanges, cette dynamique, des milieux, des espèces, des espaces entre eux.
Cette évolution n'est d'ailleurs pas seulement mise en avant par les scientifiques ou les chercheurs spécialistes, mais aussi par les gestionnaires eux-mêmes, confrontés chaque jour à cette réalité que l'on sait aujourd'hui mieux cerner.
En outre, cette nouvelle vision conduit à donner tout son relief à la connaissance, la protection, la préservation et la gestion de ce que l'on appelle la « biodiversité ordinaire », par opposition à la « biodiversité remarquable », sans pour autant opposer ces deux aspects.
Sur ce titre, votre rapporteur a proposé à votre commission de renforcer la définition de la biodiversité qui y est introduite en ajoutant la dimension essentielle de « dynamique » et « d'interactions » des écosystèmes entre eux et avec les milieux .
Votre commission a également suivi votre rapporteur sur l'adoption d'une ligne claire de simplification du droit . Elle a ainsi :
- préféré à la notion « d'êtres vivants » celle « d'espèces animales et végétales » ;
- supprimé l'ajout des « sols » comme élément constitutif du patrimoine de la Nation dans la mesure où cette notion est déjà comprise dans celle, plus large, de « géodiversité » déjà prévue par l'article ;
- supprimé la précision de paysages « diurnes et nocturnes » ;
- supprimé l'objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité pour le principe d'action préventive, qui n'a aucune portée normative ;
- déplacé au sein du code rural le principe de complémentarité entre l'environnement, l'agriculture et la sylviculture , qui n'est pas tant un principe juridique qu'un objectif de politique publique, tout en y introduisant et en définissant la notion de « services environnementaux » ;
- précisé les principes d'action préventive et de solidarité écologique , dans un sens d'amélioration de la lisibilité du droit ;
- ramené à un an le délai de remise du rapport sur l'opportunité d'inscrire le principe de non-régression dans le code de l'environnement et précisé qu'il devrait également porter sur le principe juridique en tant que tel ;
- précisé que le patrimoine commun de la Nation générait des « services écosystémiques et des valeurs d'usage » : votre rapporteur a en effet considéré que la notion de « services écosystémiques » correspondait aux services que rendent les milieux naturels, rendant logique son inscription dans le code de l'environnement, contrairement aux « services environnementaux », qui, en tant que services rendus par l'activité humaine à la biodiversité, ont vocation à être définis dans le code rural, et que la notion de valeurs d'usage visait des activités comme la chasse mais aussi l'agriculture.
Votre commission a également introduit après l'article 2, un article additionnel visant à inscrire dans le code civil un régime de responsabilité du fait des atteintes à l'environnement.
Le Sénat a en effet adopté à l'unanimité, le 16 mai 2013, une proposition de loi de Bruno Retailleau visant à inscrire la notion de dommage causé à l'environnement dans le code civil. Or, depuis cette adoption à l'unanimité, le texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et le Gouvernement, qui l'avait pourtant annoncé, n'a pas déposé de projet de loi sur le sujet.
Votre rapporteur a considéré qu'il y avait urgence à faire avancer ce sujet, dans la mesure où nous avons une obligation constitutionnelle de réparation des dommages causés à l'environnement. La Cour de cassation a d'ailleurs consacré en 2012 (au sujet de l'Erika), la notion de « préjudice écologique » et la nécessité de réparer « l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement » .
Votre commission a adopté le dispositif tel qu'il avait été adopté par le Sénat en 2013. Mais votre rapporteur souligne qu'il sera sans doute nécessaire d'affiner le dispositif, en donnant par exemple à la future Agence française pour la biodiversité un rôle essentiel dans la procédure de saisine du juge civil d'une demande de réparation du préjudice écologique, ou encore un rôle de bénéficiaire possible des dommages et intérêts lorsque la réparation en nature n'est pas envisageable.
Enfin, à l'article 4 , votre commission a prévu une articulation entre la stratégie nationale pour la biodiversité et l'Agence française pour la biodiversité et, parallèlement, entre les stratégies régionales pour la biodiversité et les délégations territoriales de l'Agence.
Elle a aussi prévu la mise en place automatique de plans d'action pour toutes les espèces classées sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).