EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de résolution présentée par le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace.
Par son ampleur (vingt articles modifiés, complétés ou abrogés, deux chapitres additionnels, un nouvel article), elle se compare à la révision du 2 juin 2009 engagée pour adapter le Règlement du Sénat à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Elle répond non pas à des exigences extérieures au Sénat, mais à une réflexion conduite au sein de notre assemblée.
Les prémices en avaient été posées dès l'an passé grâce à la concertation décidée par M. Jean-Pierre Bel, alors Président du Sénat. M. Gérard Larcher a souhaité lui donner un nouvel élan et manifesté sa détermination à la mener à bien conformément à l'un des axes forts de ses engagements pour le Sénat lors de son élection à la présidence. À son initiative, le Bureau du Sénat a ainsi décidé de mettre en place, le 12 novembre 2014, un groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat. Présidé par le Président du Sénat, ce groupe de réflexion a réuni les présidents des groupes politiques, des représentants des groupes, le délégué des sénateurs non-inscrits, le questeur délégué, ainsi que les présidents des commissions permanentes et le président de la commission des affaires européennes. À l'instar de la méthode retenue pour préparer la révision du Règlement en 2009, il a désigné deux rapporteurs, MM. Roger Karoutchi et Alain Richard.
Il a conclu ses travaux au début du mois de mars dernier au moment même où le groupe sur la gouvernance du Sénat, mis en place parallèlement, achevait les siens sur le rapport de M. Jean-Léonce Dupont, questeur.
Les thèmes évoqués au cours des six réunions du groupe de réflexion déclinent les principales ambitions de la réforme proposée : l'organisation de l'agenda sénatorial, l'équilibre entre le travail en commission et le travail en séance publique, le renforcement de la cohérence des initiatives législatives et de contrôle, l'assiduité aux travaux du Sénat.
Il ne s'agit pas seulement de répondre aux critiques dont notre institution est - parfois injustement - la cible mais, de manière plus fondamentale, de moderniser et d'adapter notre organisation afin de démontrer que le système représentatif est encore aujourd'hui le mieux à même de répondre aux exigences démocratiques de notre temps. Par son mode d'élection, par sa fonction de représentation des collectivités locales, par la valeur ajoutée qu'il apporte dans le processus législatif et de contrôle de l'action du Gouvernement, le Sénat joue un rôle irremplaçable dans la République. La volonté de réforme dont la proposition de résolution porte le témoignage vise d'abord à mieux assurer l'exercice de ces missions.
Les conclusions du groupe de réflexion s'articulent dans cette perspective autour de quatre orientations parfaitement complémentaires : l'implication des sénateurs dans leur travail suppose, au-delà du dispositif de retenue financière proposée, une organisation plus rationnelle des travaux afin d'éviter le foisonnement et le chevauchement des réunions, une meilleure articulation entre les commissions et la séance publique et la dynamisation de la fonction de contrôle.
La proposition de résolution retient, parmi les 46 propositions du groupe de réflexion, les plus importantes d'entre elles, qui doivent figurer dans le Règlement. D'autres relèvent de l'instruction générale du Bureau qui, lors de sa réunion du 15 avril dernier, a pris plusieurs arrêtés en ce sens. D'autres enfin s'inscriraient davantage dans le cadre de « conventions » qui, établies entre les présidents de groupe et les présidents de commission, peuvent aussi être une source du droit parlementaire.
I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
A. FAVORISER L'IMPLICATION DES SÉNATEURS DANS L'EXERCICE DE LEURS MISSIONS
Par l'insertion avant l'article 1 er du Règlement d'un chapitre préliminaire consacré à la « participation des sénateurs aux travaux du Sénat », la proposition de résolution entend marquer, avec une symbolique forte, la priorité donnée à l'une des orientations majeures de la révision proposée. Le nouvel article 1 er A pose l'obligation de participation des sénateurs aux travaux du Sénat assortie de deux séries de dispositions destinées à en assurer l'effectivité.
1. L'obligation de participer de façon effective aux travaux du Sénat
La proposition de résolution inscrit en tête du Règlement la disposition que le Bureau avait placé, le 25 juin 2014, au rang des sept principes déontologiques applicables aux membres du Sénat : « Les sénateurs s'obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat ».
2. L'agenda sénatorial
Les dispositions actuelles relatives à l'agenda sénatorial sont réparties entre plusieurs articles. L'article 1 er A proposé par le texte les réunit et les précise. Comme tel est le cas aujourd'hui, les groupes se réuniraient le mardi matin, les commissions - la proposition de résolution ajoute pour leurs « travaux législatifs » - le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions de groupe et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique.
La commission des affaires européennes et les délégations se réuniraient le jeudi matin, et, pour la première fois, selon des horaires assignés : de 8 h 30 à 10 h 30 et toute la matinée pendant les semaines sénatoriales de contrôle.
Les « autres réunions des différentes instances » du Sénat se tiendraient en dehors des plages ainsi déterminées et en dehors des heures consacrées à la séance publique.
La formule « en principe » utilisée pour définir les périodes de la semaine réservées aux différentes instances permet de ménager la souplesse nécessaire. Néanmoins, les dispositions proposées ont vocation à structurer de manière directive l'ensemble des travaux du Sénat.
Lors de sa réunion du 15 avril, le Bureau a d'ailleurs arrêté la publication d'un tableau de bord prévisionnel de l'ordre du jour de la séance publique et des réunions des instances du Sénat afin d'éviter le chevauchement des réunions. Il doit être en particulier totalement exclu que, quelle qu'en soit la raison, une instance se réunisse pendant les explications de vote et les scrutins sur les textes dont la Conférence des présidents a indiqué qu'ils feraient l'objet d'un vote solennel, ou pendant les questions au Gouvernement.
3. La mise en place de dispositifs incitatifs
Afin de favoriser la présence des sénateurs, la proposition de résolution prévoit (article 1 er A, alinéa 7) un tableau nominatif des activités des sénateurs en séance ainsi que dans les structures permanentes et temporaires du Sénat et les instances parlementaires internationales. Comme l'a observé le Président du Sénat, lors des réunions du groupe de réflexion, cette publication permettrait de donner, sur des bases rigoureuses et précises, une vision d'ensemble de la participation des sénateurs que les informations fournies par des sites en ligne privés sur la base d'une vision réductrice du travail sénatorial n'autorisent pas toujours.
En second lieu, alors que seule aujourd'hui l'absence en commission peut faire l'objet de sanction financière, la proposition de résolution prévoit un mécanisme plus large et dissuasif mais respectueux du principe de proportionnalité (article 1 er A, alinéas 8 à 11).
Le champ du dispositif concernerait ainsi les absences au cours d'un même trimestre :
- soit à plus de la moitié des votes solennels, y compris les explications de vote, sur les projets et propositions de loi ;
- soit à plus de la moitié de l'ensemble des réunions de commissions permanentes ou spéciales convoquées le mercredi matin et consacrées à l'examen de projets ou propositions de loi ;
- soit à plus de la moitié des séances de questions d'actualité au Gouvernement.
Une retenue de la moitié du montant de l'indemnité de fonction serait alors appliquée.
En cas d'absence à plus de la moitié de l'ensemble de ces votes, réunions et séances, cette retenue serait portée à la totalité du montant de l'indemnité de fonction et à la moitié du montant trimestriel de l'indemnité représentative des frais de mandat.
La proposition de résolution précise (article 1 er A, alinéa 10) que la participation d'un sénateur à une réunion d'une instance parlementaire internationale est comptabilisée comme une présence en séance ou en commission.