B. LES INITIATIVES RÉCENTES
À quelques exceptions près, les indicateurs qui viennent d'être mentionnés n'ont connu qu'un succès limité , conservant une visibilité bien moindre que le PIB. Pour autant, comme le souligne une récente Note d'analyse de France Stratégie, la « crise économique et financière de 2008 a remis à l'ordre du jour les interrogations sur la finalité de la croissance » 24 ( * ) , relançant, par la même occasion, les réflexions relatives aux nouveaux indicateurs de richesse.
Toutefois, il convient de relever que quelques mois avant le déclenchement de la crise, soit en juin 2007, était organisé, à l'initiative de l'OCDE, un forum mondial intitulé « Mesurer et favoriser le progrès des sociétés » . La déclaration d'Istanbul qui en a résulté relevait « un consensus émergeant sur la nécessité de procéder à une mesure du progrès social dans chaque pays, allant au-delà des mesures économiques conventionnelles comme le PIB par tête » 25 ( * ) ; la déclaration appelait également à ce que des actions concrètes soient prises afin de favoriser le développement et la diffusion de mesures du « progrès social ».
Continuant dans cette voie, l'OCDE a engagé, sur le fondement des travaux menés dans le cadre de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, mise en place par le Président de la République Nicolas Sarkozy et conduite par Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Fitoussi (cf. infra ), l'initiative « Vivre mieux » , comprenant la publication d'un rapport Comment va la vie ? Mesurer le bien-être 26 ( * ) et lancé l'outil interactif en ligne « Your Better Life Index » 27 ( * ) , qui permet à chacun de créer son propre indicateur du « mieux vivre ». De même, depuis lors, à intervalles réguliers, l'OCDE publie sous forme de rapports et sur Internet, pour chacun des pays membres, une évaluation des différentes dimensions retenues pour mesurer le bien-être des populations - le revenu et le patrimoine, l'emploi et les salaires, le logement, l'état de santé, l'équilibre vie professionnelle-vie privée, l'éducation et les compétences, les liens sociaux, l'engagement civique et la gouvernance, la qualité de l'environnement, la sécurité personnelle et le bien-être subjectif.
En 2009, la Commission européenne a, elle aussi, publié une communication ayant pour titre « Le PIB et au-delà. Mesurer le progrès dans un monde en mutation » 28 ( * ) , dans laquelle elle identifie cinq actions à réaliser à court et moyen termes : l'ajout d'indicateurs environnementaux et sociaux au PIB , la quasi-instantanéité des informations pour les décideurs , qui consiste à améliorer l'actualité des données environnementales et sociales mises à la disposition de ces derniers, une précision accrue des rapports sur la distribution et les inégalités , le développement d'un tableau de bord européen du développement durable et l'extension des comptes nationaux aux thématiques environnementales et sociales .
Il convient également de relever l'existence d'initiatives nationales en faveur du développement de nouveaux indicateurs de richesse , au-delà du fameux Bonheur national brut (BNB) 29 ( * ) introduit en 1972 au Bhoutan par l'ancien monarque Jigme Singye Wangchuck. Ainsi, au cours des auditions menées par votre rapporteur, son attention a été attirée sur l'exemple du Royaume-Uni, où l'institut de statistique, l'Office for National Statistics (ONS), a lancé à la fin de l'année 2010 le « Measuring National Well-Being (MNW) programme », dans le cadre duquel sont développés de nouveaux indicateurs de bien-être. À ce titre, un vaste débat national, faisant appel à des experts et à des contributions citoyennes - 30 000 réponses ayant alors été récoltées par l'ONS -, a été organisé entre novembre 2010 et avril 2011 . Ainsi, l'ONS s'attache à publier de courtes études qui visent à rendre compte, sur la base des indicateurs de bien-être, de la situation de différentes catégories de la population - comme les personnes âgées -, ou encore d'éléments de la vie sociale - à l'instar des relations amicales et familiales. Par ailleurs, une page Internet dédiée restitue les résultats 30 ( * ) , pour différentes périodes, des enquêtes réalisées dans le cadre du programme « Measuring National Well-Being » sur des domaines comme l'environnement, le bien-être individuel, les relations sociales la gouvernance, l'éduction, l'économie, etc.
* 24 G. Ducos, « Quels indicateurs pour mesurer la qualité de la croissance ? », Note d'analyse de France Stratégie , septembre 2014, p. 1.
* 25 Déclaration d'Istanbul, 30 juin 2007, p. 1 [traduction de la commission des finances du Sénat].
* 26 OCDE, Comment va la vie ? Mesurer le bien-être , Paris, Éditions OCDE, 2011.
* 27 Cf. site Internet de l'initiative « Vivre mieux » (http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/).
* 28 Communication de la Commission européenne du 20 août 2009, « Le PIB et au-delà. Mesurer le progrès dans un monde en mutation », COM(2009) 433 final.
* 29 Le bonheur national brut (BNB) est calculé à partir d'indicateurs portant sur la croissance et le développement économique, la conservation de l'environnement et l'utilisation des ressources, la sauvegarde de l'environnement et l'utilisation durable des ressources, ainsi que sur la bonne gouvernance responsable.
* 30 Cf. site Internet « Neighbourhood Statistics » de l'Office for National Statistics (ONS) (http://www.neighbourhood.statistics.gov.uk/HTMLDocs/dvc146/wrapper.html).