EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi, à la demande du groupe socialiste, d'une proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums.
En l'examinant, notre commission poursuit le travail qu'elle a engagé dès 2005 1 ( * ) avec la réflexion de sa mission d'information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire, conduite par votre rapporteur et notre collègue Jean-Pierre Sueur, auteur du présent texte comme il l'était de celui relatif à la législation funéraire 2 ( * ) .
La loi du 15 novembre 1887 qui a consacré la liberté de funérailles, a placé la crémation sur un pied d'égalité avec l'inhumation. Ce faisant, elle a fait obligation à la puissance publique de veiller à ce que les équipements funéraires nécessaires puissent être mis en place afin que la volonté du défunt ou de sa famille soit respectée.
Le développement très important de la crémation depuis les années 1980 a rendu nécessaire l'intervention du législateur. La loi relative à la législation funéraire du 19 décembre 2008 3 ( * ) a constitué, de ce point de vue, une étape essentielle.
La présente proposition de loi s'inscrit dans le même mouvement, en s'attachant toutefois à la seule question de la création et de l'extension des crématoriums.
I. LE PAYSAGE FRANÇAIS DE LA CRÉMATION
A. UN ESSOR QUI NE SE DÉMENT PAS
Il y a maintenant près de dix ans, le rapport de la mission d'information de votre commission des lois sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire relevait la progression très importante de la pratique de la crémation : « elle concernait moins de 1 % des décès en 1980, 10 % en 1993 et 23,5 % en 2004. La crémation figure aujourd'hui [ c'est-à-dire en 2006 ] dans les intentions de 40 à 50 % des souscripteurs de contrats en prévision d'obsèques » 4 ( * ) .
Cette tendance s'est confirmée : les crémations représentaient, en 2011, 32,15% des funérailles. Progressivement, la France rejoint d'autres pays d'Europe où cette pratique est devenue presque majoritaire.
Dans ce contexte haussier, la question de l'adaptation de l'offre de crémation aux besoins de la population est donc plus que jamais d'actualité.
La pratique de la crémation en Europe Dans son ouvrage, Les os, les cendres et l'État 5 ( * ) , le sociologue Arnaud Esquerre distingue, quatre groupes de pays européens, en fonction de l'ampleur du recours à la crémation pour les funérailles. Le premier rassemble des pays dont le taux de crémation était supérieur ou à égal à 60 % dans les années 1990 et à 70 % en 2009. Il s'agit du Danemark, de la Suède, de la Suisse et du Royaume-Uni. Le second réunit ceux pour lesquels le taux de crémation était inférieur à 15 % au début des années 1990 et s'élève jusqu'à 45 % en 2009. Appartiennent à ce second groupe la Belgique, la Finlande, l'Allemagne et les Pays-Bas. Le troisième groupe correspond aux pays qui, au début des années 1990 connaissait une pratique de la crémation très faible (moins de 2 %), qui a très fortement progressé pour atteindre entre 20 et 30 % en 2009. La France, l'Autriche et l'Espagne sont dans ce cas de figure. Enfin, le dernier groupe est celui des États qui paraissent plus réfractaires à cette pratique, même si, en 2009, elle peut concerner jusqu'à 12,5 % des funérailles. Il s'agit principalement de l'Italie et de l'Espagne. Quel que soit le groupe on constate cependant que la crémation connaît invariablement un certain essor. |
* 1 Cf. Sérénité des vivants et respect des défunts. Bilan et perspective de la législation funéraire, rapport d'information de MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois n° 372 (2005-2006), le 31 mai 2006 (www.senat.fr/notice-rapport/2005/r05-372-notice.html).
* 2 Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire .
* 3 Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire .
* 4 Rapport d'information n° 372 (2005-2006), précité, p. 30.
* 5 Arnaud Esquerre, Les ors, les cendres et l'État , Fayard, 2011, p. 109 et s.