D. QUEL AVENIR POUR LES PRÉFECTURES ET LES SOUS-PRÉFECTURES ?
Au cours des dernières années, l'environnement et les conditions de travail des préfectures et des sous-préfectures ont connu de profondes mutations sous l'effet conjugué de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) .
Pour des développements plus complets, votre rapporteure spéciale renvoie à son récent rapport d'information « Les préfectures à l'heure de la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) » 8 ( * ) . Elle souhaite néanmoins revenir ici sur cette réflexion d'ensemble.
Les préfectures et les sous-préfectures ont dû intégrer plusieurs facteurs majeurs de changement, transformant leur organisation et leur façon d'agir. Dans le même temps, leurs missions fondamentales tenant à la sécurité des populations, à la représentation territoriale de l'Etat, au contrôle de légalité et au droit des étrangers ont aussi profondément évolué.
Le contrôle de légalité est désormais concentré dans les préfectures 9 ( * ) . A cet égard, votre rapporteure spéciale souligne que cette nouvelle stratégie de contrôle de légalité , recentré sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu 10 ( * ) , comporte toutefois le risque d'un accroissement de l'insécurité juridique, avec à la clef un coût social élevé. En effet, les maires ont vu leurs responsabilités s'accroître dans certains domaines (tels que celui de l'instruction des permis de construire, par exemple) et peuvent dès lors se retrouver confrontés à de grandes difficultés si un contrôle suffisant en amont n'est pas opéré.
De même, le ministère de l'intérieur a engagé une modernisation des procédures de délivrance des titres gérés par les directions de la réglementation et des libertés publiques (DRLP) : système d'immatriculation des véhicules (SIV), passeports biométriques, titres de séjour (avec la nouvelle version d'AGDREF) et permis de conduire (FAETON 11 ( * ) ).
Ces évolutions consacrent une modification de la répartition des rôles de la préfecture et de la sous-préfecture . Les fonctions d'instruction et de contrôle des demandes de titres d'identité et de transport, comme l'exercice du contrôle de légalité, sont progressivement centralisés en préfecture. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, le ministère de l'intérieur a toutefois précisé à votre rapporteure spéciale qu'« au regard des volumes de titres traités ou de la technicité acquise, les missions liées aux titres pourront être maintenues dans les sous-préfectures pour lesquelles cela aura été jugé pertinent au terme d'une analyse multicritères » 12 ( * ) .
Le déploiement progressif des nouveaux procédés de production de titres vise en outre à permettre d'alléger la charge des préfectures dans le domaine de la production de masse et de redéployer des effectifs sur les tâches relevant de la lutte contre la fraude .
Comme beaucoup d'élus 13 ( * ) , votre rapporteure spéciale s'interroge toutefois sur l'avenir de la représentation territoriale de l'Etat . En particulier, quel rôle les sous-préfectures, confrontées à la réduction de leurs personnels de catégorie A, peuvent-elles désormais jouer ? Faut-il aller vers la suppression ou la fusion de certaines d'entre elles ?
Le 9 septembre 2013, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, a confié aux préfets des régions Alsace et Lorraine une « mission d'expérimentation sur la rénovation du réseau des sous-préfectures » 14 ( * ) . Menée dans les deux départements alsaciens (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et en Moselle, cette mission consistera à expérimenter des « ajustements de la carte des sous-préfectures nécessaires pour que chaque arrondissement corresponde bien à un bassin de vie sur lequel une demande d'Etat s'exprime ». Les préfets pourront alors « proposer des fusions ou des redécoupages d'arrondissements ou suggérer le regroupement de services infra-départementaux au sein de maisons de l'Etat ».
Votre rapporteure spéciale sera attentive aux conclusions de cette expérimentation. Elle rappelle la nécessité de tenir compte de la spécificité des territoires, qu'ils soient urbains, péri-urbains, ruraux, montagnards ou littoraux .
* 8 Sénat, rapport d'information n° 77 (2013-2014).
* 9 Cette démarche s'est accompagnée, dans une cinquantaine de départements, d'une intégration des agents des directions départementales du territoire (DDT) en charge du contrôle de légalité des documents et des actes d'urbanisme.
* 10 L'urbanisme, l'environnement, la commande publique, les actes budgétaires et à caractère financier, ainsi que les contrats des personnels des cabinets.
* 11 Cf. infra.
* 12 Cf . Sénat, rapport spécial n° 148 (2012-2013) - tome III - annexe 2.
* 13 L'Association des maires ruraux de France (AMFR), par exemple, s'est inquiétée des conséquences de la RéATE et des suppressions d'effectifs sur l'assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement des territoires (ATESAT) et l'application du droit des sols (ADS).
* 14 Cette initiative s'inscrit à la suite d'une mission confiée à Michel Sappin, chef de l'inspection générale de l'administration (IGA), Jean-Marc Rebière, président du Conseil supérieur de l'administration territoriale de l'Etat (CSATE) et Emmanuel Berthier, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar).