MISSION « ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION » M. Philippe Marini, rapporteur spécial
I. LA CONFIRMATION D'UN PHÉNOMÈNE : LA PART CROISSANTE DE LA DEPENSE FISCALE DANS LE COÛT TOTAL DE LA MISSION
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » regroupe les programmes 167 « Liens entre la Nation et son armée » et 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , rattachés au ministère de la défense, et le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » rattaché aux services du Premier ministre.
A. UNE CONSOMMATION SATISFAISANTE DES CRÉDITS OUVERTS
L'analyse de l'exécution budgétaire 2012 fait apparaître un montant de 3,134 milliards d'euros en AE et une dépense en CP de 3,123 milliards d'euros . Les plafonds votés sont respectés et la pente décroissante constante observée depuis plusieurs années est poursuivie .
Répartition par programme du taux de consommation des crédits de la mission
(en millions d'euros)
Programme |
LFI 2012 |
Crédits ouverts |
Crédits consommés |
Taux de consommation par rapport aux crédits ouverts |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 167 |
129,0 |
118,0 |
128,2 |
117,7 |
122,8 |
116,1 |
95,8 % |
98,6 % |
Programme 169 |
2 914,6 |
2 914,6 |
2 911,7 |
2 911,7 |
2 909,8 |
2 909,8 |
99,9 % |
99,9 % |
Programme 158 |
116,0 |
116,3 |
107,9 |
107,7 |
101,4 |
97,4 |
93,8 % |
90,4 % |
Source : Rapport annuel de performances annexé à la loi de règlement
Les chiffres de consommation des crédits laissent apparaître, comme l'année passée, un taux très élevé de réalisation pour les programmes 167 et 169. S'agissant du programme 158, la consommation telle qu'elle est présentée, légèrement au dessus de 90 % de consommation des crédits ouverts, s'explique en partie par la mise en oeuvre d'une remarque de la Cour des comptes sur la séparation des exercices pour le versement des mensualités de rente des dispositifs des décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 et n° 2004-751 du 27 juillet 2004. La sous-consommation constatée s'explique ainsi parfaitement par cet ajustement technique qui répond à cette préconisation.
B. MAIS UNE DÉPENSE FISCALE MAL ÉVALUÉE
Les dépenses fiscales inscrites pour 2012, comme le laissait clairement entrevoir le projet de loi de finances pour 2013, totalisent un montant actualisé de 505 millions d'euros pour une prévision de 467 millions , traduisant un défaut de prévision qui tend à devenir récurrent et problématique . Pour 2011, année dont le RAP nous fournit le chiffrage définitif, on observe un dérapage de la dépense fiscale de 37 millions d'euros par rapport aux prévisions. En 2012, ce dérapage sur la base des chiffres non définitifs serait de 38 millions.
Trois types de dépenses fiscales, sur les six qui sont rattachés à cette mission 34 ( * ) , sont chiffrés. Elles contribuent à la mise en oeuvre des objectifs du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » :
- l'exonération de l'impôt sur le revenu de la retraite du combattant, des pensions militaires d'invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et à leurs veufs/veuves.
Cette dépense fiscale chiffrée à 200 millions d'euros correspond aux évaluations contenues dans le projet annuel de performances (PAP) pour 2012 ;
- la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veufs/veuves) de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte du combattant. Cette dépense fiscale a été actualisée à 270 millions d'euros, pour une prévision de 230 millions. Elle explique cette année encore l'essentiel du défaut de prévision constaté . L'erreur récurrente de prévision, d'une dépense qui avait été jugée peu efficace dans le rapport établi en 2011 par l'inspection générale des finances 35 ( * ) , n'est pas expliquée. A l'occasion de la prochaine loi de finances pour 2014, votre rapporteur spécial sera attentif aux modalités de chiffrage qui seront présentées ;
- la déduction du revenu imposable des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant initialement estimée à 37 millions d'euros, a été actualisée en légère baisse à 35 millions.
Votre rapporteur spécial souhaiterait formuler trois remarques :
- la présentation de la dépense fiscale doit être sincère .
Comme la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution du budget le rappelle, dans la mesure où les rentes, pensions et indemnités liées au programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » sont exonérées de l'impôt sur le revenu, il est impératif que cette dépense fiscale figure dans le PAP au titre de ce programme. La Cour des comptes indique que ceci devrait être le cas lors de la prochaine loi de finances.
Par ailleurs comme l'année passée, on remarque qu'est rattachée au programme 169 l'exonération d'impôt sur le revenu de l'allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, alors même que cette allocation est portée par le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement ». Comme l'année passée, votre rapporteur spécial regrette un évident manque de cohérence du traitement de cette question, et souhaite que le chiffrage de la dépense fiscale soit rattaché à la mission qui porte le dispositif nourrissant cette dépense.
- la dépense fiscale doit être clairement justifiée .
Il s'agit de tenir compte d'une observation de la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution budgétaire, qui indique que les bases juridiques sur lesquelles reposent les exonérations liées aux dispositifs du programme 158 mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ne sont pas claires. Ce souci de clarté légitime doit être soutenu. Il convient que le Secrétariat général du Gouvernement veille à sécuriser l'assise juridique sur laquelle repose l'exonération octroyée au titre de ces deux dispositifs.
- la dépense fiscale doit être étudiée .
Évolution de la relation dépenses budgétaire / dépense fiscale 2008-2012
(en millions d'euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Crédits de paiement consommés |
3 591,8 |
3 467,2 |
3 423,2 |
3 255,4 |
3 123,3 |
Dépense fiscale définitive (pour 2012 dépense actualisée) |
420 |
445 |
458 |
497 |
505 |
Montant budgétaire global de la mission |
4 011,8 |
3 912,2 |
3 881,2 |
3 752,4 |
3 628,3 |
Part de la dépense fiscale sur les crédits de paiement de la mission |
11,7 % |
12,8 % |
13,4 % |
15,3 % |
16,2 % |
Source : commission des finances
Comme déjà constaté l'an passé, l'observation de l'évolution de la dépense fiscale ces dernières années laisse apparaître que sa part par rapport à l'ensemble des crédits consommés pour la mission ne cesse de croître . Ce rapport a ainsi gagné entre 2008 et 2012 quatre points et demi, passant de 11,7 % à 16,2 % .
* 34 Trois types de dépenses fiscales ne font pas l'objet de chiffrage ou sont d'un niveau inférieur à 0,5 million d'euros. Il s'agit :
- pour l'impôt sur le revenu, des exonérations des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires ;
- pour les droits d'enregistrement et de timbre, de la réduction des droits en raison de la qualité du donataire ou de l'hériter et de l'exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d'opérations militaires ou d'actes de terrorisme.
* 35 Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011 (évaluation conduite en application du III de l'article 13 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014). Des scores de 0 à 3 ont été attribués selon la définition donnée à l'efficience de la dépense fiscale. Le score de 0 est attribué aux dépenses fiscales jugées, selon ce rapport, comme inefficientes, la note de 3 vient au contraire souligner une efficacité maximale de la dépense. La dépense fiscale présente avait obtenu le score de 0.