II. L'ANALYSE PAR PROGRAMME
A. LE PROGRAMME 150 « FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE »
(Rapporteur spécial : Philippe Adnot)
1. Des crédits prioritaires en augmentation continue, sur la base de transferts internes massifs
Placé sous la responsabilité du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le programme 150 finance essentiellement la formation des étudiants qui sont inscrits dans les universités, les instituts d'études politiques (IEP), les formations d'ingénieurs, les écoles normales supérieures (ENS) .
Le programme 150 représente, avec une exécution de 12 545 milliards d'euros de crédits de paiement, près de 50 % des CP consommés par la mission . Le programme comporte 15 actions, dont 4 présentent en 2012 des dépenses supérieures à 1 milliard d'euros :
- l'action n° 1 « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence » (2,7 milliards d'euros en exécution en 2012), qui comporte principalement les subventions pour charge de service public (SCSP) aux établissements d'enseignement supérieur, s'agissant des formations du premier cycle ;
- l'action n° 2 « Formation initiale et continue de niveau master » (2,35 milliards d'euros en 2012), qui porte les SCPS aux établissements pour les formations du deuxième cycle ;
- l'action n° 14 « Immobilier » (1,55 milliard d'euros en 2012), qui comprend notamment l'ensemble des crédits destinés à financer des opérations immobilières des établissements d'enseignement supérieur ;
- l'action n° 15 « Pilotage et support du programme » (1,48 milliard d'euros en 2012), qui rassemble principalement les crédits de personnel et de fonctionnement courant des établissements d'enseignement supérieur.
Par rapport à l'exécution 2011, on constate une augmentation sensible des dépenses du programme, dont les crédits consommés sont passés de 12,37 milliards d'euros à 12,54 milliards d'euros .
Le programme 150 a connu d'importants transferts internes en 2012, dans le cadre de la poursuite de l'accession des universités aux responsabilités et compétences élargies (RCE) , conformément à la loi LRU du 10 août 2007. Dans ce cadre, les crédits correspondant à 5 312 ETPT ont été transférés du titre 2 (personnel) au titre 3 (fonctionnement), dans la mesure où ils sont intégrés dans les subventions pour charge de service public allouées aux opérateurs. Au 31 décembre 2012, toutes les universités françaises sont désormais sous RCE, à l'exception des trois universités ultramarines (Antilles-Guyane, La Réunion, Polynésie française).
2. La difficile maîtrise de la masse salariale des opérateurs
A l'occasion de la loi de règlement de l'exécution 2011, votre rapporteur spécial avait déjà souligné que l'un des principaux enjeux budgétaires du programme résidait dans la capacité à suivre et maîtriser l'évolution de la masse salariale. Il apparaissait en effet que les besoins en masse salariale manquaient de fiabilité car ils étaient mal retracés par les outils existants , alors que le passage des établissements aux responsabilités et compétences élargies a entraîné un transfert de la responsabilité des effectifs aux opérateurs.
L'exécution 2012 confirme cette situation . Outre la consommation elle-même, qui a augmenté de 5,5 % entre 2010 et 2012 pour s'établir à 11 568 millions d'euros en 2012 sur le programme 150, plusieurs paramètres, non budgétés initialement, ont contribué à tendre la gestion de la masse salariale.
Il s'agit notamment de la non prise en compte de l'augmentation du taux du CAS Pensions pour certains emplois dans les établissements RCE (du fait d'un périmètre limité au seul ex-titre 2 transféré). Il s'agit également, comme en 2011, de la non budgétisation du GVT solde, conduisant à un abondement en gestion . A cet égard, la Cour des comptes souligne, dans son analyse de l'exécution du budget, que « en fin d'exercice, une enveloppe de 10 millions d'euros prise sur la réserve de précaution a été répartie en fonction du GVT solde positif constaté dans les établissements au titre de l'année 2011, sans que des crédits soient repris aux établissements ayant un GVT solde négatif ».
De plus, comme l'indique la Cour des comptes, « en 2012, le montant des crédits de masse salariale notifié aux établissements a été supérieur aux crédits prévus en LFI » net de la réserve précaution ; elle estime ce différentiel à 52,8 millions d'euros, qui ont dû être fournis en cours de gestion par redéploiement de crédits de fonctionnement.
Au total, de nombreux mouvements de crédits ont été opérés en gestion sur le programme 150 :
- deux mesures de fongibilité asymétrique, en août et en décembre 2012, pour un montant total de 280,7 millions d'euros, pour assurer le financement de la masse salariale et tirer les conséquences du passage de cinq établissements supplémentaire aux RCE ;
- le dégel de la réserve de précaution à hauteur de 75,1 millions d'euros en fin d'exercice ;
- une enveloppe de 10 millions d'euros également prise sur la réserve de précaution, afin de financer la non budgétisation du GVT solde positif de certains établissements.
La vigilance sur la masse salariale est d'autant plus nécessaire que trois phénomènes, mis en avant par la Cour des comptes dans son analyse précitée, montrent la difficulté du suivi des plafonds d'emplois .
• Tout d'abord, «
par dérogation
aux règles qui encadrent normalement le décompte des emplois hors
plafond des opérateurs de l'Etat,
les EPSCP peuvent imputer des
emplois permanents (CDI) sur le plafond ressources propres voté par leur
conseil d'administration
». Cette dérogation a
un effet inflationniste qui, combiné au surcalibrage du plafond par
rapport à la dotation versée, peut facilement conduire à
des dépassements budgétaires sur la masse salariale.
• Ensuite, la Cour des comptes indique que
«
les universités ont tendance à glisser
leurs emplois d'un plafond à l'autre entre 2009 et
2011
», du plafond Etat vers le plafond ressources
propres, ce qui entraîne des erreurs d'imputation rendant délicate
toute analyse des sur ou sous-consommations de masse salariale.
• Enfin, la Cour des comptes relève
«
des pratiques conduisant à une exécution
incorrecte des plafonds de masse salariale, comme le
recours à
des conventions de prestations de services d'enseignement avec des associations
ou sociétés privées pour assurer des heures de
cours
», sur un compte hors plafond de masse salariale.
Au total, votre rapporteur spécial réitère donc sa demande que soit mis en place un système permettant une harmonisation, une analyse et un suivi fiable des besoins de masse salariale des établissements d'enseignement supérieur, désormais tous opérateurs du programme . Ce sera notamment le rôle des documents prévisionnels de gestion des emplois et des crédits de personnel (DPG), prévus pour le deuxième trimestre 2013 d'après la Cour des comptes dans la perspective du projet de loi de finances pour 2014. La refonte du système d'allocation des moyens « SYMPA » , également annoncée pour 2013, pourrait également y contribuer, notamment en incluant les crédits de masse salariale dans le modèle et en permettant une meilleure articulation entre toutes les sources de financement des établissements, budgétaires et extrabudgétaires.
3. La situation préoccupante de plusieurs établissements déficitaires
D'après la Cour des comptes, sept universités ont présenté un compte de résultat déficitaire en 2010 et 2011. Neuf établissements ont voté un budget modifié 2012 en déséquilibre . Face à ces difficultés, le ministère a mis en place un « dispositif de suivi, d'alerte et de remédiation », outil d'analyse adapté selon la gravité de la situation : un diagnostic rapide en cas de situation difficile ; un audit approfondi en cas de difficultés profondes.
La Cour indique que « parmi les universités en double déficit en 2010 et 2011, six établissements ont bénéficié d'un diagnostic flash (Paris 1, Pau, Angers, Rennes 1, Paris 13, Paris 6) et un établissement (Le Havre) d'un audit approfondi ».
Elle ajoute que « les premiers diagnostics ont permis d'identifier les principales causes de difficultés :
- l'impact des travaux de régularisation comptable entrepris dans le cadre du passage aux RCE, qui ont pu entraîner une diminution du fonds de roulement net global ; une dérive de la masse salariale ;
- une politique d'investissement insuffisamment financée ;
- un patrimoine important , à l'origine de coûts de fonctionnement et de remise aux normes excessifs ;
- un système de pilotage insuffisant , y compris sur l'offre de formation ».
Il convient désormais de mettre en place un dispositif de prévention qui permette au ministère et aux rectorats d'être informés en amont des difficultés financières , ainsi que des plans effectifs de retour à l'équilibre, alors que cinq établissements ont voté un budget 2012 en déséquilibre sur les sept ayant été en double déficit sur les années 2010 et 2011, d'après les données rapportées par la Cour des comptes.