TITRE IER BIS - TRANSPARENCE ET LUTTE CONTRE LES DÉRIVES FINANCIÈRES
CHAPITRE IER - LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX ET LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX

ARTICLE 4 bis A - Débat annuel sur la liste des paradis fiscaux

Commentaire : le présent article instaure un débat parlementaire annuel sur la liste des paradis fiscaux établie en application du code général des impôts .

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté le présent article tendant à instaurer un débat parlementaire annuel obligatoire sur la liste des paradis fiscaux, établie en application de l'article 238-0 A du code général des impôts.

A l'initiative de votre rapporteur, la commission des finances a supprimé cet article, considérant qu'il n'était pas nécessaire de prévoir, dans la loi, l'organisation d'un débat .

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En séance publique, à l'initiative de Guillaume Bachelay, Laurent Baumel et d'autres députés du groupe socialiste, et avec un avis favorable de Karine Berger, rapporteure, et un avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée nationale a rétabli le présent article dans la version qu'elle avait adoptée en première lecture .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

En première lecture, votre rapporteur soulignait que « l'examen du projet de loi de finances est le moment privilégié du débat sur cette question, sans qu'il soit nécessaire de le prévoir dans une loi . Il est d'ailleurs toujours loisible aux commissions des deux assemblées d'organiser, à tout moment , des auditions des ministres et des personnalités qualifiées sur ce thème. Il n'apparaît pas nécessaire que la loi vienne rigidifier à l'excès le travail parlementaire ».

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a supprimé cet article.

Décision de la commission : votre commission a supprimé cet article .

ARTICLE 4 bis (Art. L. 511-45 du code monétaire et financier et art. 1649 AC [nouveau] du code général des impôts) - Lutte contre les paradis fiscaux

Commentaire : le présent article oblige les banques et les entreprises à publier, pour chaque Etat ou territoire où elles sont implantées, le nom et la nature des activités, leur chiffre d'affaires (ou leur produit net bancaire) et leurs effectifs. En outre, il prévoit les modalités d'échange automatiques d'informations à des fins fiscales .

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Le présent article a été adopté, en première lecture, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur proposition de nos collègues députés Eric Alauzet et Eva Sas, avec un avis favorable du Gouvernement.

Il prévoit que les banques publient, pour chaque Etat ou territoire où elles possèdent des implantations, le nom des entités et la nature de l'activité, le produit net bancaire et les effectifs en personnel.

En première lecture, la commission des finances du Sénat s'était attachée à définir précisément l'obligation juridique pesant sur les acteurs financiers . Elle avait ainsi adopté trois amendements.

Le premier précisait que l'obligation de transparence ne s'applique qu'aux établissements dont le siège social est situé en France.

Le second prévoyait que cette obligation concerne les implantations comprises dans le périmètre de consolidation comptable de la banque. Concrètement, conformément aux règles du code de commerce, seules sont visées les entités sur lesquelles la banque dispose d'un « pouvoir d'influence notable » 1 ( * ) .

Enfin, en vue de lever une ambiguïté, un dernier amendement visait à ce que le document de transparence soit publié en annexe aux comptes annuels ou dans les six mois suivant la clôture de ces comptes.

En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements. Le premier, présenté à l'initiative de notre collègue Laurence Rossignol et des membres du groupe socialiste, ajoutait trois items parmi les informations demandées :

- le bénéfice ou la perte avant impôt ;

- le montant total des impôts dont les entités sont redevables ;

- les subventions publiques reçues.

Ces ajouts correspondent aux dispositions de la directive européenne dite « CRD IV ». Ces informations seront publiées à compter de 2015, compte tenu de l'entrée en vigueur des dispositions européennes équivalentes.

En outre, cet amendement élargissait les obligations déclaratives aux entreprises d'investissement.

Le second amendement, également proposé par notre collègue Laurence Rossignol, dispose qu'en « cas de manquement à l'obligation d'information [...] , l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution décide l'ouverture d'une procédure de sanction à l'encontre des dirigeants de l'établissement concerné ». Cet amendement avait été adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE APPLICABLES AUX BANQUES

S'agissant des obligations de transparence « pays par pays » applicables aux banques, l'Assemblée nationale a adopté, en commission puis en séance, six amendements rédactionnels.

A l'initiative de Dominique Potier, Laurent Baumel et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la commission des finances a adopté un amendement tendant à substituer le montant total des impôts dont les implantations sont redevables par le montant d'impôts sur les sociétés dont elles sont redevables. Là encore, il s'agit d'un alignement sur les dispositions européennes équivalentes.

Enfin, à l'initiative de notre collègue Karine Berger, rapporteure, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, avec un avis de sagesse du Gouvernement, tendant à revenir à son texte s'agissant du champ d'application de l'obligation. En particulier, elle a supprimé la référence au périmètre de consolidation, sans que ni l'exposé des motifs de l'amendement, ni les débats ne viennent éclairer sa décision.

B. OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE APPLICABLES AUX ENTREPRISES

A l'initiative de nos collègues députés Dominique Potier, Laurent Baumel et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à imposer aux entreprises des obligations similaires à celles applicables aux banques et aux entreprises d'investissement.

En effet, les conclusions du Conseil européen du 22 mai 2013 soulignent que « la proposition visant à modifier des directives en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par les grandes sociétés et groupes sera examinée, notamment dans le but d'assurer un reporting pays par pays de la part des grandes sociétés et groupes ».

C'est pourquoi, la disposition française ne sera applicable qu'à compter « de l'entrée en vigueur d'une disposition adoptée par l'Union européenne et poursuivant le même objectif ».

De même, les sociétés redevables de ces obligations seront celles « dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État », afin d'aligner l'obligation française sur celle retenue au niveau européen.

C. ECHANGE AUTOMATIQUE D'INFORMATIONS À DES FINS FISCALES

En séance publique, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement, présenté par le Gouvernement, donnant une base légale à la transmission d'informations bancaires à l'administration fiscale française , afin d'appliquer les conventions internationales organisant un échange automatique d'informations à des fins fiscales .

Le nouvel article 1649 AC du code général des impôts prévoit ainsi que « les teneurs de compte, les organismes d'assurance et assimilés et toute autre institution financière mentionnent, sur la déclaration visée à l'article 242 ter , les informations requises pour l'application des conventions conclues par la France organisant un échange automatique d'informations à des fins fiscales . Cette obligation peut notamment porter sur tout revenu de capitaux mobiliers ainsi que sur les soldes des comptes et la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE APPLICABLES AUX BANQUES

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture permettent d'aligner les dispositions françaises avec celles prochainement en vigueur au niveau européen . Votre commission des finances a adopté un amendement rédactionnel.

Elle a également modifié le champ d'application de la mesure de transparence « pays par pays ». En première lecture, le Sénat avait circonscrit cette mesure aux implantations « incluses dans le périmètre de consolidation comptable » de l'entreprise.

La référence au périmètre de consolidation permet de délimiter précisément l'obligation de transparence et d'éviter ainsi toute ambiguïté ou des interprétations divergentes selon les établissements sur la notion « d'implantation » 2 ( * ) .

Le périmètre de consolidation comptable est défini par l'article L. 233-16 du code de commerce. Il prévoit que « les sociétés commerciales établissent et publient chaque année [...] des comptes [...] , dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci, dans les conditions ci-après définies. [...]

« L'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise ».

En pratique, il revient aux commissaires des comptes de valider, si ce n'est d'établir, le périmètre de consolidation. Les documents financiers annuels renseignent les principes de consolidation retenus.

Par exemple, BNP Paribas explique qu'une « entreprise est présumée présenter un caractère négligeable pour l'établissement des comptes consolidés du Groupe dès lors que sa contribution dans les comptes consolidés reste en deçà des trois seuils suivants : 15 millions d'euros pour le produit net bancaire, 1 million d'euros pour le résultat brut d'exploitation ou le résultat net avant impôt, et 500 millions d'euros pour le total du bilan. Sont également consolidées les entités portant à leur actif des titres de participation de sociétés consolidées » 3 ( * ) .

Les principaux groupes bancaires français publient d'ores et déjà la liste des sociétés comprises dans le périmètre de consolidation, ainsi que leur implantation géographique. Au 31 décembre 2012, la Société générale liste ainsi 647 sociétés. Un ordre de grandeur au moins comparable peut être retenu pour les autres groupes.

Les ONG, telle que CCFD-Terre Solidaire 4 ( * ) , utilisent ces informations consolidées pour mener leurs études sur l'évasion fiscale des multinationales.

Il faut enfin souligner que le périmètre de consolidation a également été retenu au niveau européen pour l'application de l'obligation de transparence « pays par pays ».

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a retenu le périmètre de consolidation comptable. La disposition est ainsi rédigée : « les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, et entreprises d'investissement publient, en annexe à leurs comptes annuels consolidés ou au plus tard six mois après la clôture de l'exercice, des informations sur leurs implantations et leurs activités, incluses dans le périmètre de consolidation, dans chaque État ou territoire ».

Enfin, votre commission a apporté des modifications aux dispositions relatives à la sanction en cas de manquement aux obligations d'information. Le texte adopté par le Sénat en première lecture prévoyait l'ouverture automatique d'une procédure de sanctions à l'égard des dirigeants des établissements fautifs.

L'article L. 612-39 du code monétaire et financier ne prévoit que deux types de sanctions contre les dirigeants : la suspension temporaire ou la démission d'office. Or il apparaît disproportionné d'appliquer l'une ou l'autre de ces sanctions quel que soit le manquement identifié .

C'est pourquoi votre commission des finances a substitué à cette disposition un mécanisme général de contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Si elle constate une absence de publication ou une omission dans les données publiées, elle pourra enjoindre, sous astreinte, l'établissement récalcitrant à se mettre en conformité.

B. OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE APPLICABLES AUX ENTREPRISES

L'application d'obligations de transparence aux grandes entreprises, à l'instar de celles imposées aux banques, permettra également de lutter contre l'évasion fiscale .

Il faut saluer la volonté politique de la France qui a permis de convaincre ses partenaires européens d'avancer sur ce sujet dans un contexte budgétaire difficile où l'érosion des bases fiscales devient inacceptable.

Un texte européen devrait ainsi rapidement traduire les conclusions du Conseil européen du 22 mai 2013.

C. ECHANGE AUTOMATIQUE D'INFORMATIONS À DES FINS FISCALES

Ainsi que le rappelle l'exposé des motifs de l'amendement, « l'échange automatique d'informations à des fins fiscales connaît un développement majeur au niveau international , notamment sous l'impulsion de la France, et il est en passe de devenir un nouveau standard de coopération entre les États. [...]

« Un accord de ce type avec les États-Unis, dit FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), est en cours de finalisation et donnerait lieu à des échanges d'informations à compter de 2015.

« Dans la même optique, au niveau de l'Union européenne, la France promeut la mise en place d'une initiative ambitieuse en matière d'échange automatique reposant notamment sur un projet-pilote avec les États membres les plus engagés dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale ».

Votre commission a procédé à un ajustement rédactionnel.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

ARTICLE 4 ter B (Art. L. 561-23 et L. 561-29 du code monétaire et financier) - Transmission d'informations par TRACFIN aux autorités judiciaires et à l'administration des douanes

Commentaire : le présent article vise à élargir la possibilité pour le service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) de transmettre des informations aux autorités judiciaires et à l'administration des douanes .

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui vise à élargir la possibilité, pour TRACFIN, de transmettre des informations aux douanes et aux autorités judiciaires. Il s'agit notamment de permettre la transmission d'informations aux juges et de rendre possible une telle transmission même en l'absence d'une infraction constatée .

A l'initiative de votre rapporteur, le Sénat avait procédé à une modification rédactionnelle .

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté l'article 4 ter , qui créé un nouveau régime de transmission d'informations à TRACFIN en complétant l'actuel L. 561-15-1 du code monétaire et financier (CMF). Cet article a été adopté sans modification par le Sénat.

A l'initiative de Karine Berger, rapporteure, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture un amendement rédactionnel et un amendement de coordination avec l'article L. 561-23 du CMF. Cette coordination était rendue nécessaire par la création du nouveau régime de transmission d'informations à TRACFIN par l'article 4 ter , qui n'est plus en discussion .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification .


* 1 Article L. 233-16 du code de commerce : « l'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise ».

* 2 Par exemple, certaines participations, parce qu'elles sont significatives entrent dans le périmètre de consolidation. Pourtant, il pourrait être argué qu'elles ne sont, à proprement parler, des implantations.

* 3 BNP Paribas, Document de référence et rapport financier annuel 2012.

* 4 CCFD-Terre solidaire, Aux paradis des impôts perdus, Enquête sur l'opacité fiscale des 50 premières entreprises européennes , juin 2013.

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