CHAPITRE II - RÉGULATION DU MARCHÉ DES MATIÈRES PREMIÈRES
ARTICLE 4 quinquies B (Art. L. 451-5, L. 511-4-2 [nouveau] et L. 511-8-1 [nouveau] du code monétaire et financier) - Obligations d'information de détention d'instruments portant sur des matières premières agricoles
Commentaire : le présent article oblige tout détenteur d'instruments financiers assis sur une matière première agricole à transmettre quotidiennement à l'Autorité des marchés financiers (AMF) le détail de ses positions .
I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Le présent article a été adopté par le Sénat, à l'initiative de notre collègue Yvon Collin et de plusieurs membres du groupe RDSE. Il oblige « toute personne détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est constitué, en tout ou partie, d'une matière première agricole , au-delà d'un seuil de détention fixé pour chaque matière première concernée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et dans les conditions fixées par ce dernier, [à communiquer] quotidiennement le détail de ses positions à l'Autorité des marchés financiers ».
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de nos collègues députés Dominique Potier et Laurent Baumel et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements.
Le premier dispose que « les établissements [de crédit] qui détiennent des instruments financiers à terme dont le sous-jacent est constitué en tout ou partie d'une matière première agricole indiquent dans leur rapport annuel les moyens mis en oeuvre pour éviter d'exercer un effet significatif sur le cours de ces matières premières agricoles . Ce rapport inclut des informations par catégorie de sous-jacent sur les instruments financiers à terme dont le sous-jacent est constitué d'une matière première agricole qu'ils détiennent ».
Le second prévoit qu'il est « interdit à tout établissement de crédit intervenant sur les marchés d'instruments financiers à terme dont le sous-jacent est constitué en tout ou partie d'une matière première agricole de constituer des stocks physiques de matières premières agricoles dans le but d'exercer un effet significatif sur le cours de ces marchés de matières premières agricoles . Cette interdiction ne s'applique pas à la détention de stocks physiques nécessaires au dénouement d'une opération sur instruments financiers à terme ».
La commission des finances de l'Assemblée nationale a également adopté un amendement rédactionnel.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale tendent à réfréner la spéculation sur les marchés de matières premières, notamment par le biais d'instruments financiers à terme.
S'agissant de l'interdiction de constituer des stocks de matières premières, celle-ci ne vaut que dans le cas où la banque aurait l'intention d'exercer un effet significatif , par le biais de ce stock, sur le cours de la matière première. Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement rappelle que « ce scénario est théorique : aujourd'hui, aucun établissement bancaire ne possède de stocks de matières premières agricoles ».
En revanche, les banques peuvent se retrouver propriétaires de matières premières sans pour autant être en situation de spéculation. C'est le cas, par exemple, lorsque le stock a été remis en collatéral à une opération de financement et que l'entreprise initialement propriétaire de ce stock fait défaut.
Les dispositions du présent article ne constituent donc pas une interdiction générale de constituer des stocks de matières premières . Le simple fait de posséder un stock de matière première agricole ne révèle pas nécessairement une intention spéculative.
L'élément intentionnel (« dans le but d'exercer un effet significatif ») est donc primordial dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. A cet égard, votre rapporteur estime qu'aucune exception ne doit être apportée au principe de l'interdiction de constituer des stocks dans le but de manipuler les cours .
C'est pourquoi votre commission des finances a supprimé la phrase « cette interdiction ne s'applique pas à la détention de stocks physiques nécessaires au dénouement d'une opération sur instruments financiers à terme », qui soulève une ambiguïté sur la portée juridique exacte du dispositif .
En tout état de cause, les banques demeurent autorisées à constituer un stock de matières premières en vue de dénouer un dérivé, pour autant qu'elles n'aient pas l'intention de manipuler les cours .
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié .