2. L'émergence d'une justice pénale internationale
Au cours des soixante dernières années, la reconnaissance de l'existence de valeurs universelles et le refus de laisser impunis des crimes particulièrement choquants pour la conscience humaine ont conduit la communauté internationale à mettre en place des mécanismes constituant l'ébauche d'une justice pénale internationale :
- d'une part, un certain nombre de conventions internationales, le plus souvent élaborées sous l'égide des Nations unies, ont invité les États signataires, non seulement à prévenir, à poursuivre et à sanctionner sévèrement un certain nombre d'actes graves, mais également à se déclarer compétents pour juger tout auteur de tels actes quels que soient sa nationalité et le lieu de commission des faits, selon un mécanisme dit de « compétence universelle ». Tel est le cas, par exemple, de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 5 ( * ) ;
- d'autre part, la fin de l'affrontement entre blocs a permis à la communauté internationale de progresser à nouveau dans la mise en place de juridictions pénales internationales. Aux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, créés par deux résolutions du conseil de sécurité de l'ONU datées respectivement des 25 mai 1993 et 8 novembre 1994, a succédé la création d'une Cour pénale internationale permanente, compétente, depuis le 1 er juillet 2002, pour juger les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, dès lors que ces faits ont été commis sur le territoire d'un État partie à la convention de Rome ou par un ressortissant d'un État partie (sauf si elle est saisie directement par le conseil de sécurité de l'ONU).
La France peut s'enorgueillir d'avoir toujours soutenu sans réserves l'émergence d'une telle justice pénale internationale et d'avoir fait de la lutte contre l'impunité l'un des axes de sa politique étrangère.
Plusieurs articles du projet de loi s'inscrivent dans ce cadre.
Ainsi, les articles 11 et 12 tendent à adapter le droit français à la résolution 1966 (2010) du conseil de sécurité de l'ONU du 20 décembre 2010 instituant un « Mécanisme résiduel », c'est-à-dire une juridiction « intérimaire », destiné à préparer l'extinction progressive des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Les articles 13 et 14 tendent quant à eux à compléter le code pénal et à mettre en place un mécanisme de « compétence universelle » pour l'application de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , adoptée - avec le soutien décisif de la France - par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 2006.
L'article 19 du projet de loi autorise l'inscription des auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes et délits de guerre dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
L'article 10 du projet de loi , qui modifie le code pénal afin de protéger effectivement les signes distinctifs définis par les conventions signées à Genève le 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels peut être rattaché à cet ensemble.
Enfin, l'article 18 propose d'étendre la compétence des juridictions françaises pour juger des crimes ou des délits graves commis à l'étranger par une personne dont l'extradition ne peut être accordée, en raison, notamment, de son âge ou de son état de santé.
* 5 Pour l'application de laquelle les juridictions françaises sont compétentes, y compris s'agissant de faits commis à l'étranger, n'impliquant pas de victime française, par un auteur étranger, dès lors que ce dernier se trouve sur le territoire français au moment de l'engagement des poursuites (article 689-2 du code de procédure pénale).