CHAPITRE VII - DISPOSITIONS PORTANT ADAPTATION DU DROIT PÉNAL AU PROTOCOLE ADDITIONNEL AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DU 12 AOÛT 1949, RELATIF À L'ADOPTION D'UN SIGNE DISTINCTIF ADDITIONNEL (PROTOCOLE III) ADOPTÉ À GENÈVE LE 8 DÉCEMBRE 2005
Article 10 (art. 433-14 du code pénal ; art. 3 de la loi du 24 juillet 1913 portant application des articles 23, 24 et 28 de la convention internationale signée à Genève le 6 juillet 1906 pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne et des articles 5, 6 et 21 de la convention internationale signée à la Haye le 18 octobre 1907 pour l'adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève) - Dispositions portant adaptation du droit pénal au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III) adopté à Genève le 8 décembre 2005
Cet article a pour objet d'améliorer la répression de l'utilisation abusive et des imitations des emblèmes et dénominations des signes distinctifs définis par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.
1 - L'obligation faite aux États-parties d'assurer la protection des signes distinctifs définis par les conventions de Genève et leurs protocoles
• L'introduction d'un nouveau signe
distinctif par le protocole III
Aux trois signes actuels - Croix-Rouge, Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouges - un quatrième signe distinctif, un cadre rouge ayant la forme d'un carré posé sur la pointe, sur fond blanc, appelé « emblème du troisième Protocole » ou « Cristal-Rouge », a été ajouté 79 ( * ) par le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, adopté à Genève le 8 décembre 2005, relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel 80 ( * ) .
Ce protocole III a été ratifié par la France, par la loi n° 2009-432 du 21 avril 2009 autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel.
La création d'un nouveau signe est la réponse aux critiques liées aux connotations religieuses que véhiculerait le symbole de la Croix-Rouge. Ces critiques avaient conduit l'Empire Ottoman puis la Perse à demander l'adoption d'un signe spécifique : le Croissant-Rouge en 1876 et le Lion-et-Soleil-Rouges en 1906. Ces revendications ont été entérinées par la convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne.
D'autres États ont souhaité bénéficier de signes différents. Israël a ainsi demandé à bénéficier d'un signe particulier, le bouclier de David sur fond rouge, ce qui fut rejeté par les États lors de l'élaboration de la Convention de Genève en 1949.
Comme le souligne notre collègue Robert Del Picchia, dans son rapport sur le projet de loi visant à autoriser la ratification du protocole III 81 ( * ) , la situation n'était pas satisfaisante. Le risque de confusion lié à l'utilisation d'un grand nombre de signes était toujours présent et la connotation religieuse des signes risquait de mettre en danger les institutions de secours. Cette réflexion a finalement conduit à retenir un signe nouveau, le plus neutre possible, consistant en un cadre rouge ayant la forme d'un carré posé sur la pointe, sur fond blanc 82 ( * ) , le Cristal-Rouge.
Ce signe présente la particularité de pouvoir inclure dans l'espace réservé par le cadre d'autres signes distinctifs de la convention de Genève et de ses protocoles 83 ( * ) , ainsi que les signes ayant été notifiés avant l'adoption du protocole III 84 ( * ) .
Aujourd'hui, il y a donc quatre signes qui doivent faire
l'objet d'une protection :
la Croix-Rouge
,
le
Croissant-Rouge
,
le Lion-et-Soleil-Rouges
- ce
dernier signe étant tombé en désuétude depuis que
l'Iran a déclaré ne plus l'utiliser, dans une note diplomatique
en date du 4 septembre 1980 - et
le Cristal-Rouge
.
Les signes peuvent être utilisés comme signes protecteurs (ils sont la manifestation visible de la protection accordée par la convention de Genève) ou comme signes indicatifs (ils montrent que la personne ou le bien a un lien avec le mouvement.)
Peuvent les utiliser sans restriction le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que les services sanitaires et le personnel religieux des forces armées, le personnel et les unités sanitaires des Sociétés nationales mis à disposition des services sanitaires des forces armées. En outre, peuvent utiliser ces signes, avec l'autorisation expresse du gouvernement et sous sa surveillance, les hôpitaux civils, toutes les unités médicales civiles, les autres sociétés de secours volontaires ainsi que les structures médicales, leur personnel et les moyens de transport sanitaires civils affectés au traitement et au transport des blessés, des malades et des naufragés. Enfin, les ambulances et postes de premiers secours ayant exclusivement pour tâche de soigner gratuitement les blessés et les malades, peuvent, à titre exceptionnel, utiliser ces signes conformément à la législation nationale et avec l'autorisation expresse de la société nationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
• Une obligation impérative de
protection des signes à la charge des
États-parties
Dès l'adoption de la convention de Genève, en 1949, il a été fait obligation aux États-parties d'encadrer l'utilisation de ces signes et d'en réprimer l'utilisation abusive, ou l'imitation 85 ( * ) . L'article 6 du protocole additionnel III rappelle aux parties contractantes cette obligation.
La protection des emblèmes et dénominations des signes distinctifs doit l'être par la loi pénale 86 ( * ) .
Remarquons que l'utilisation en temps de guerre de ces signes pour camoufler des combattants ou pour transporter du matériel de guerre est un crime de guerre lorsqu'il entraîne la mort ou des blessures graves.
2 - L'inadaptation du dispositif actuel réprimant l'utilisation abusive ou l'imitation des signes définis par la convention de Genève et ses protocoles additionnels
L'utilisation abusive des emblèmes et des dénominations des signes distinctifs définis par la Convention de Genève et de ses protocoles est réelle ; elle est le plus souvent le fait de sociétés commerciales. Entendu par votre rapporteur, M. Laurent Bessede, délégué national aux affaires juridiques pour la Croix-Rouge française, souligne ainsi que depuis juin 2012, 22 cas d'utilisations frauduleuses ont été relevés .
Or, les dispositions de la loi du 24 juillet 1913 et de l'article 433-14 du code pénal, qui protègent aujourd'hui ces signes 87 ( * ) , sont insatisfaisantes :
- la loi du 24 juillet 1913 portant application des articles 23, 24 et 28 de la convention internationale signée à Genève le 6 juillet 1906 pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne et des articles 5, 6 et 21 de la convention internationale signée à la Haye le 18 octobre 1907 pour l'adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève n'assure la protection que de la seule Croix-Rouge ;
- l'article 433-14 du code pénal , qui réprime l'usage par toute personne, publiquement et sans droit, d'un insigne réglementé par l'autorité publique, est habituellement utilisé pour assurer cette protection, mais cet article ne mentionne pas explicitement les signes de la convention de Genève et de ses protocoles. Le rapporteur de l'Assemblée nationale souligne la fragilité de cette base juridique, dans la mesure où il est possible de s'interroger sur le fait de savoir si les signes des conventions de Genève sont des « insignes » et s'ils sont « réglementés par l'autorité publique » par le seul fait que les conventions ont été ratifiées et intégrées dans l'ordre juridique français. Ces fragilités ont été rappelées par le Gouvernement dans l'étude d'impact accompagnant le projet de loi. Celui-ci rappelle par ailleurs que l 'imitation de ces emblèmes et dénominations n'est pas réprimée par cet article. Le rapport de la mission permanente de la France auprès des Nations unies en date du 18 juin 2012, relatif à « l'état des protocoles additionnels aux conventions de Genève de 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés » adressé au Secrétariat des Nations unies 88 ( * ) a souligné aussi ces fragilités, en constatant que les « éléments constitutifs de l'article 433-14, paragraphe 2 du code pénal ne suffisent pas à répondre pleinement aux objectifs de la protection des emblèmes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ».
En outre, les peines prévues à l'article 3 de la loi du 24 juillet 1913 précitée, alourdies par une loi du 4 juillet 1939, ne sont pas les mêmes 89 ( * ) que celles aménagées à l'article 433-14 du code pénal 90 ( * ) .
3 - L'introduction en droit pénal d'une disposition expresse pour réprimer l'utilisation abusive et l'imitation des emblèmes et dénominations des signes distinctifs
Afin de remédier à ces difficultés, le projet de loi insère un alinéa spécifique à l'article 433-14 du code pénal visant expressément les situations d'usurpation de ces signes et tranchant ainsi toutes les contestations relatives à la question de savoir si ce sont les autorités publiques qui règlementent les signes de la convention de Genève et de ses protocoles additionnels et si ces emblèmes peuvent être qualifiés d'insignes. Cette mention expresse aurait en outre un caractère pédagogique , puisque si les emblèmes et dénominations sont connus, la protection qui y est attachée est souvent ignorée.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit dans le même alinéa que l'imitation de ces emblèmes et dénominations sera punie des mêmes peines.
En conséquence, le projet de loi supprime l'article 3 de la loi du 24 juillet 1913 précitée, celui-ci devenant inutile et même contradictoire avec les nouvelles dispositions créées.
Toutefois, votre rapporteur constate que l'article 433-14 du code pénal n'a pour objet de réprimer que l'utilisation frauduleuse des signes distinctifs.
La répression de l'imitation d'insignes réglementés est prévue à l'article 433-15, avec des peines différentes. Cependant, elle ne concerne que les signes arborés par les fonctionnaires de la police nationale ou par les militaires : il est donc bien nécessaire de le modifier pour réprimer l'imitation des emblèmes ou des dénominations des signes définis par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.
La commission a donc adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement à l'article 10 du projet de loi tendant à distinguer la répression de l' utilisation abusive des signes définis par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, qui figurerait à l'article 433-14 du code pénal, de la répression de leur imitation qui figurerait à l'article 433-15 du code pénal .
Enfin, le présent article supprime l'article 3 de la loi du 24 juillet 1913, car il est devenu inutile au regard du nouveau dispositif créé par le présent article.
Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .
* 79 Article 2 du protocole additionnel III.
* 80 http://www.icrc.org/dih.nsf/WebPrint/615-FULL?OpenDocument.
* 81 http://www.senat.fr/rap/l07-437/l07-4371.pdf.
* 82 Robert Del Picchia constate ainsi que « ce troisième signe présente l'avantage d'offrir aux organisations humanitaires un emblème neutre de toute signification religieuse dans les zones de conflit où les deux symboles existants pourraient présenter des ambiguïtés quant à une éventuelle connotation de ce type ».
* 83 Il est même possible de combiner deux signes au sein du Cristal-Rouge, comme une Croix-Rouge et un Croissant-Rouge.
* 84 Comme le Bouclier de David sur fond rouge.
* 85 Articles 53 et 54 de la Convention de Genève de 1949. Dans le commentaire de l'article 54, il est rappelé que la mise en place d'une sanction nationale est « obligatoire » et d'une « absolue nécessité ».
* 86 Dans le commentaire de l'article 54, il est indiqué que ces sanctions seront « nécessairement de nature pénale ».
* 87 En temps de guerre, c'est l'article L. 322-16 du code de justice militaire qui punit le fait d'arborer « indûment les signes distinctifs et emblèmes définis par les conventions internationales pour assurer le respect des personnes, des biens ainsi que des lieux protégés par ces conventions, (...) d'un emprisonnement de cinq ans. ».
* 88 http://www.un.org/en/ga/sixth/67/StatProtGeneva/France-Fr.pdf
* 89 Une peine de prison allant de 15 jours à six mois ou une amende de 150 euros.
* 90 Un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.