B. LE CADRE RÈGLEMENTAIRE ÉDICTÉ PAR L'ARCEP
Comme le soulignent à juste titre Mmes Laure de La Raudière et Corinne Erhel dans leur rapport précité, « l'essentiel du cadre juridique de la montée vers le très haut débit est constitué des normes établies par l'ARCEP ». Ces dernières peuvent être distinguées selon qu'elles concernent l'ensemble des opérateurs, ou seulement celui qui avait été historiquement en charge du service du téléphone.
1. La régulation symétrique
L'autorité de régulation a la faculté de fixer, dans le cadre délimité par la loi, des obligations générales qui s'appliquent à tous les opérateurs , sous réserve qu'elles soient homologuées par le ministre chargé des télécommunications. C'est le principe de la régulation dite « symétrique », qui impose à l'opérateur déployant une infrastructure de boucle locale en fibre optique une obligation d'accès en faveur des opérateurs concurrents, de sorte que ces derniers puissent proposer leur offre de service aux clients finaux.
Cette régulation repose sur les décisions de l'ARCEP , précédemment évoquées, n° 09-1106 en date du 22 décembre 2009 (qui a imposé aux opérateurs fibrant un immeuble dans les zones très denses de poser des fibres dédiées à leurs concurrents sur demande et sous réserve de cofinancement) et n° 2010-1312 en date du 14 décembre 2010 (qui a imposé aux opérateurs fibrant des zones moins denses de couvrir sous cinq ans l'ensemble de la zone arrière d'un point de mutualisation couvrant au moins 1 000 logements).
Il en résulte un régime d'accès distinct selon trois types de zones (de forte, moyenne ou faible densité, avec une distinction dans la première selon l'importance de l'immeuble considéré) et faisant une place importante à la mutualisation (laquelle devrait atteindre, selon le régulateur, 60 % en zone très dense, et 80 à 90 % en zones moins denses).
RÈGLES DE DÉPLOIEMENT DE LA FIBRE OPTIQUE APPLICABLES SELON LES ZONES
Zones très denses |
Autres zones |
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Cas normal |
Poches de basse densité |
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Immeuble + 12 logements |
Immeuble - 12 logements |
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Offres d'accès que doivent fournir les opérateurs |
Offres d'accès passif au point de mutualisation, de co-investissement ab inito et de co-investissement ex post |
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Principes tarifaires applicables à ces offres |
Pertinence, objectivité, non-discrimination et efficacité |
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Raccordement final |
Prise en charge financière par l'opérateur commercial ou le consommateur Réalisation des travaux de raccordement pallier par l'opérateur d'immeuble ou commercial au choix de l'opérateur commercial |
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Installation de fibre dédiée |
Oui |
Non |
Non |
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Modalités de co-investissement |
À parts égales |
Par tranches |
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Point de mutualisation |
Dans l'immeuble |
En dehors de l'immeuble |
Regroupant au moins 300 logements |
Regroupant 1 000 logements et 300 en cas d'offre de raccordement distant |
Obligation de complétude |
Non |
Zone arrière du point de mutualisation à couvrir dans les 5 ans |
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Obligation de cohérence |
Non |
Cartographie en cours des poches de basse densité |
Obligation de découper le territoire en zones cohérentes |
Source : rapport de Mmes Laure de La Raudière et Corinne Erhel sur l'application de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.
2. La régulation asymétrique
Le mode classique de régulation des réseaux numériques est dit « asymétrique », parce qu'il ne s'impose pas uniformément à tous les opérateurs présents sur le marché concerné. Il s'applique en effet aux seuls opérateurs détenant une position dominante - en pratique, l'opérateur historique, France Télécom - qui, au terme d'analyses de marché, se voient imposer des obligations spécifiques.
Au titre du marché particulier du très haut débit, France Télécom s'est ainsi vu imposer deux obligations de nature asymétrique :
- l' accès au génie civil . L'opérateur doit offrir à ses concurrents un tel accès, à la fois aux infrastructures souterraines et aériennes, à un tarif orienté vers les coûts ;
- la montée en débit . France Télécom doit donner suite aux demandes raisonnables que formulent auprès de lui les collectivités territoriales et opérateurs alternatifs. Cela implique le « fibrage » des sous-répartiteurs, la mise en place des équipements actifs, et le raccordement et l'hébergement à un prix raisonnable des opérateurs tiers souhaitant se « brancher » au sous-répartiteur. Selon le rapport précité de Mmes Laure de La Raudière et Corinne Erhel, le coût de l'offre tarifée par France Télécom serait de 30 000 à 50 000 euros dans 80 % des cas, auquel s'ajouterait un coût propre identique pour la collectivité. 500 000 logements par an pourraient ainsi être traités, sur les 3 millions de foyers éligibles.