MISSION « DÉFENSE
»
MM. François Trucy, Jean-Pierre Masseret et Charles
Guené,
rapporteurs spéciaux
I. LA PERFORMANCE DE LA MISSION EN 2010
A. L'ABSENCE DE DOCUMENT SYNTHÉTIQUE
Il y a un an, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi a eu la bonne idée de publier, pour chaque mission et programme, un document synthétisant les principaux éléments relatifs à la performance. Dans le cas de la mission « Défense » et de chacun de ses programmes, il était ainsi possible de connaître le nombre d'indicateurs atteints ou dépassés, non atteints mais en amélioration significative, ou non atteints.
Cette approche quantitative devait bien entendu être accompagnée d'une analyse qualitative, mais cela permettait de repérer facilement les tendances, les anomalies manifestes, et les écarts entre programmes.
Cet exercice n'a pas été reconduit cette année.
Par ailleurs, le rapport annuel de performances pour 2010, volumineux document de 532 pages, ne comprend - comme d'ailleurs ceux relatifs aux autres missions - aucune présentation synthétique et chiffrée relative à la performance, en dehors des quatre indicateurs jugés les plus représentatifs de la mission 65 ( * ) .
Vos rapporteurs spéciaux considèrent que les documents relatifs à la loi de règlement doivent se présenter sous une forme certes aussi exhaustive que possible, mais aussi lisible. Il convient donc, soit de compléter les rapports annuels de performances, soit de les accompagner chaque année d'un document comparable à celui associé au projet de loi de règlement pour 2009, soit de rendre disponibles sur Internet des fichiers permettant un traitement automatisé des données. A défaut, la démarche de performance que la LOLF est censée mettre en oeuvre apparaîtrait vidée de son sens.
B. DES CAPACITÉS D'INTERVENTION INFÉRIEURES AUX OBJECTIFS
Selon les rapporteurs spéciaux, s'il fallait retenir un seul indicateur de la mission « Défense », ce pourrait être celui relatif aux capacités de projection.
Indicateur 1.3 du programme 178 : « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France »
Explications sur la construction de l'indicateur :
L'indicateur mesure, pour chacune des composantes, le niveau de réalisation des objectifs de disponibilité pour la fonction stratégique « intervention » dans le cadre d'une hypothèse d'emploi maximum de nos forces.
Cette disponibilité caractérise l'aptitude d'une force opérationnelle à être mise sur pied dans le délai que requiert l'hypothèse d'emploi maximum de nos forces. Compte tenu de l'hétérogénéité des composantes de la marine et de l'armée de l'air, relevant de capacités très différentes, les résultats sont présentés :
- pour la composante terrestre par un nombre représentant la capacité de l'armée de terre à honorer les contrats (contrat d'urgence « 5 000 hommes », contrat théâtre national 10 000 hommes, contrat 30 000 hommes en six mois) définis dans le Livre blanc ;
- pour la composante maritime, par 3 nombres représentatifs successivement du groupe aéronaval (GAN), de la force amphibie (GA), du groupe d'action maritime (GAM) ;
- pour la composante aérienne : par quatre nombres, représentatif des capacités chasse, transport, soutien et hélicoptère. Les valeurs indiquées en réalisation 2008, 2009 et les prévisions PAP 2010 sont calculées en année pleine, en référence aux anciens contrats en vigueur au moment du vote du parlement. Les prévisions 2010 actualisées font référence aux nouveaux contrats opérationnels définis au cours du 1 er semestre 2009. L'écart entre les deux colonnes « Prévision PAP 2010 » et « Prévision mi-2010 » est donc strictement technique ;
- pour le SEA, le SSA, la DIRISI, par un nombre global.
Source : rapport annuel de performances
Comme les années précédentes, le rapport annuel de performances commente clairement ces résultats :
- dans le cas de l'armée de terre , l'incapacité à atteindre pleinement les objectifs pour l'échelon d'urgence de 5 000 combattants et la capacité de projection un an sans relève de 30 000 combattants résulte, respectivement, de l'absence de remplacement à ce jour du lance-roquette multiples 66 ( * ) , et des insuffisances du soutien ;
- dans le cas de la marine , dont les résultats sont les moins bons des trois armées, les difficultés proviennent des deux problèmes structurels habituels, déjà constatés en 2009 : l'indisponibilité (programmée ou non) du porte-avions, et la disponibilité insuffisante des sous-marins nucléaires d'attaque.
Dans le cas de l'armée de l'air , les commentaires sont nettement plus explicites que l'année dernière. L'insuffisance structurelle des capacités de transport, due au vieillissement des C160 Transall et au retard du programme A400M, est une fois de plus mise en avant. La nouveauté cette année est que, selon le ministère de la défense, « le parc des équipements majeurs à monter sur les aéronefs de combat n'atteint pas le niveau suffisant pour pouvoir opérer efficacement en coalition . Les délais de réapprovisionnement des pièces de rechange, des munitions ou de régénération de potentiel technique des équipements par le secteur industriel sont incompatibles avec la pleine montée en puissance définie par le contrat complet d'intervention ». Ces remarques sont préoccupantes, alors que la France est engagée dans des opérations aériennes au-dessus de la Libye.
Les rapporteurs spéciaux déplorent que les indicateurs relatifs à la marine et à l'armée de l'air ne correspondent pas à ceux figurant dans la loi de programmation militaire 2009-2014 67 ( * ) , et ne soient même pas précisément définis. Tel est d'autant plus le cas que, comme le souligne le rapport annuel de performances, le changement d'objectif des contrats opérationnels de l'armée de l'air en 2010 empêche toute comparaison avec les années précédentes. Les indicateurs concernés n'ont donc, en tant que tels, guère de signification.
En particulier, l'objectif fixé en matière de transport semble avoir été considérablement revu à la baisse, comme le montre le graphique ci-après.
L'atteinte de ses objectifs par l'armée de l'air
(en %)
Source : rapport annuel de performances
L'analyse des résultats de l'indicateur 1.3 du programme 178 par le ministère de la défense « Les armées ont globalement la capacité à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France, sans répondre totalement, sur le plan capacitaire, à l'hypothèse d'un engagement majeur. Les études menées en 2010 ont confirmé le déficit en capacités de projection stratégique (retard de la livraison de l'A400M), en moyens de mobilité tactique (vieillissement et insuffisance du parc d'hélicoptères de manoeuvre) et surtout en capacités de soutien technique et logistique. L'aptitude à durer lors d'un conflit de haute intensité nécessiterait un plan de montée en puissance et une budgétisation de ressources supplémentaires. Pour 2011, l'effort est donc porté sur l'efficience du soutien technique en cours de restructuration. Il portera prioritairement sur les moyens dédiés à la protection, à la prévention et aux théâtres ouverts. « L'armée de terre a rencontré des difficultés pour honorer totalement son contrat opérationnel « 30 000 hommes ».Celles-ci ont porté sur le domaine du soutien, en dépit des efforts constants de rééquilibrage (PEGP, différenciation de la préparation opérationnelle, restructurations). « Le léger déficit (98,6 %) constaté pour le dispositif « Guépard » (échelon national d'urgence) résulte de la mise en sommeil de la capacité « lance-roquettes multiples » LRM, (du fait de l'interdiction d'emploi des roquettes à sous-munitions par la convention d'Oslo) et de l'attente de la mise en service opérationnel du « lance-roquette unitaire », prévue pour 2012. Pour le contrat opérationnel « protection », les forces terrestres sont en mesure d'honorer le plan AIGLe (alerte intérieure globale), en complétant la posture permanente de sécurité (artillerie sol-air, génie spécialisé et NRBC), ainsi qu'en mettant en oeuvre les plans nationaux et les éléments complémentaires portant l'effectif total à déployer à 10 000 hommes sur le territoire national. « Les capacités d'intervention de la marine nationale se sont situées globalement en deçà des objectifs fixés par le contrat opérationnel. Elles n'ont pas permis d'assurer, tout au long de l'année, le déploiement simultané de l'ensemble des composantes de force que requiert la fonction intervention. « La capacité d'intervention du GAN a été contrainte par l'indisponibilité technique du porte-avions programmée de juin à septembre 2010 et accidentelle en octobre 2010, ainsi que par les difficultés liées à la disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque qui font partie de ce groupe (moyens d'escorte). La capacité d'intervention du groupe aéronaval est totalement assurée depuis novembre 2010. Les capacités d'intervention sous menace du groupe amphibie et du groupe d'action maritime ont également été affectées par des tensions persistantes sur la disponibilité des moyens d'escorte. « Pour l'armée de l'air, les disponibilités techniques réalisées ont permis globalement de tenir les contrats concernant les aéronefs de combat, cependant les capacités de transport tactiques et stratégiques ne suffisent pas à honorer les contrats les plus exigeants. Dans ce cas, le parc des équipements majeurs à monter sur les aéronefs de combat n'atteint pas le niveau suffisant pour pouvoir opérer efficacement en coalition. Les délais de réapprovisionnement des pièces de rechange, des munitions ou de régénération de potentiel technique des équipements par le secteur industriel sont incompatibles avec la pleine montée en puissance définie par le contrat complet d'intervention. L'obtention du nombre suffisant d'équipages correspondant à ce besoin constitue également un point de vigilance. « Le contrat opérationnel maximal du service de santé des armées repose sur les équipes chirurgicales (EC) dont le nombre fluctue en fonction des départs des chirurgiens, après leur période de lien au service. En 2010, le nombre de chirurgiens orthopédistes a été dimensionnant ; 42 EC sont organisées, soit 86 % du contrat, ce qui correspond à une amélioration de 2,3 points par rapport à 2009. Toutefois, au regard de l'effectif à projeter et en raison des difficultés de fidélisation des populations concernées, l'objectif de progression est difficile à tenir malgré la prise en compte des praticiens en fin de formation, déjà titulaires d'un D.E.S. de chirurgie. Le nombre d'EC projetables constitue le seuil critique pour faire face aux besoins du contrat opérationnel, tels qu'ils sont évalués dans l'hypothèse du scénario d'engagement le plus exigeant (H3). « Afin d'honorer son contrat opérationnel, le service des essences des armées poursuit simultanément son optimisation des moyens dédiés au soutien pétrolier et l'augmentation de ses effectifs en personnel militaire. « L'objectif annuel fixé à la DIRISI a été atteint avec un taux de satisfaction de 99,66 %, supérieur à la cible fixée (99,5 %). » Source : rapport annuel de performances pour 2010 |
* 65 « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France » (programme 178), « Taux d'évolution des opérations d'infrastructure programmées » (programme 212), « Taux de réalisation des équipements » et « Evolution annuelle moyenne des devis à terminaison des opérations d'armement principales » (programme 146).
* 66 Qui a dû être retiré, la convention d'Oslo interdisant les armes à sous-munitions.
* 67 Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.