3. Une politique publique trop généreuse au regard de ses effets
Bien qu'ils poursuivent des finalités relativement distinctes, la diminution des émissions moyennes de CO 2 d'une part, le renouvellement du parc automobile et la relance de l'économie d'autre part, les deux dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules participent à une même logique de soutien au secteur automobile. Leur coût global net, obtenu par sommation des crédits budgétaires de la prime à la casse et du déficit cumulé du « bonus-malus », s'est élevé à près de 2,46 milliards d'euros en trois ans , ce qui est considérable.
Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes s'interroge sur le bilan coût/avantages de ces dispositifs et l'existence d'un possible effet d'aubaine pour les constructeurs, en se fondant notamment sur une étude économétrique confiée par le MEDDTL à la société NERA, rendue publique en janvier 2011 et qui couvre les années 2006 et 2009.
Il est indéniable que le bonus-malus a contribué à une modification importante de la structure des ventes de véhicules , cet effet ayant été amplifié par les rapides évolutions technologiques (réduction de la cylindrée selon le procédé du « downsizing » et augmentation du rendement des moteurs, dispositif « stop and start »...), les campagnes commerciales, l'introduction de la prime à la casse et les abondements pratiqués par les constructeurs sur certains modèles de leur gamme.
Sur le plan écologique, les émissions moyennes des immatriculations de véhicules neufs ont fortement diminué puisqu'elles sont passées de 149 g CO 2 /km en 2007 à 140 g CO 2 /km en 2008, 133 g CO 2 /km fin 2009 et environ 130 g CO 2 /km fin 2010 , ce qui correspond à l'objectif fixé pour 2020.
L'ensemble des mesures a également permis de soutenir le marché automobile français . Malgré la crise, le nombre de ventes de véhicules particuliers est ainsi demeuré stable en 2008, a progressé de 10,7 % en 2009 pour atteindre le niveau record de 2 268 671 unités, et a diminué de seulement 0,7 % en 2010 avec 2 251 669 unités.
Ces résultats positifs peuvent cependant être nuancés par les observations suivantes :
- l'adaptation de l'offre des constructeurs en vue de diminuer les émissions moyennes de CO 2 des véhicules d'ici 2016 ne résulte pas simplement du bonus-malus mais est requise par le règlement européen du 23 avril 2009 144 ( * ) et les normes Euro 5 (en vigueur depuis le 1 er janvier 2011) et Euro 6 (applicable en septembre 2014). Le dispositif français a ainsi pu contribuer à accélérer et anticiper des mutations nécessaires ;
- l'étude précitée souligne une forte élasticité de la demande des consommateurs au prix et aux caractéristiques du véhicule, et non aux normes écologiques. Selon la Cour des comptes, « ce résultat suggère que la plus grande part de la diminution des émissions de CO 2 (...) serait due à des changements au niveau de l'offre des véhicules et non au niveau de la demande », celle-ci étant financièrement soutenue par l'Etat. De même, les prix des véhicules ont fortement augmenté sur 2006-2009, « laissant penser que les constructeurs auraient absorbé la manne financière générée par le bonus-malus » ;
- la pollution automobile ne se résume évidemment pas aux seuls rejets de CO 2 et résulte également des particules en suspension, du monoxyde de carbone, des dérivés oxydés de l'azote ou des hydrocarbures imbrûlés, sans évoquer le bruit. La focalisation médiatique et commerciale sur les rejets de CO 2 , l'appellation impropre de « véhicules propres » et la moindre prise en compte de la pollution des deux-roues et poids lourds minorent la réalité de la pollution ;
- le bonus-malus a contribué à accroître la proportion des véhicules urbains et de petite taille , dont une proportion importante est produite hors du territoire national , y compris s'agissant de constructeurs français ;
- enfin le dispositif de prime à la casse n'est pas sans risque puisque, ainsi que cela avait été constaté avec les dispositifs mis en place de février 1994 à juin 1995 puis d'octobre 1995 à octobre 1996, l'augmentation des ventes est le plus souvent suivie par une chute sensible, illustrant un double effet d'aubaine et d'anticipation des consommateurs .
Au total, le bilan de ces deux dispositifs ne saurait être considéré comme totalement satisfaisant, tant au plan écologique qu'économique, et pour le moins onéreux au vu des résultats obtenus et du contexte budgétaire.
* 144 Règlement (CE) n° 443/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO 2 des véhicules légers.