2. Une caractéristique des marchés agricoles liée aux évolutions structurelles de l'offre et de la demande
La volatilité des prix agricoles n'est pas un phénomène nouveau . A l'épisode de 2007-2008, répond celui des années 70. Le rapport d'étape de MM. Jean-Pierre Jouyet 5 ( * ) , Christian de Boissieu et Serge Guillon cite l'exemple du blé pour montrer que la récurrence des crises agricoles révèle un caractère structurel de la volatilité des prix des produits agricoles .
Rien que pour le blé, les statistiques font ainsi apparaître une grande volatilité entre 1920 et 1936, une crise en 1936/1937 avec des pics exceptionnels à la hausse et à la baisse, une volatilité importante entre 1940 et 1962, une crise en 1967, une fluctuation exceptionnelle en 1974, une crise en 1992, etc.
Ce qui est vrai pour le blé se vérifie également pour les autres céréales.
VOLATILITÉ (EN NOMINAL) ANNUALISÉE DES
PRIX DES CÉRÉALES
(1957-2009)
Source : FAO : L'indicateur de volatilité retenu ici est le ratio entre le coefficient de variation - ou écart type - et la moyenne. Les valeurs les plus faibles (fortes) dénotent alors une faible (forte) instabilité.
Les causes de cette volatilité constatée sur les marchés agricoles et qui leur est inhérente sont diverses et font l'objet de débats entre les économistes. Les facteurs fondamentaux de l'offre et de la demande, dont la faible élasticité est un élément majeur, semblent en effet se conjuguer à des chocs exogènes venant impacter sur le court ou le long terme l'offre et la demande (comme l'explosion de la demande de biocarburants, ou les aléas climatiques pour ce qui est de l'offre).
EXPLIQUER LA VOLATILITÉ Le Conseil d'analyse stratégique a reproduit dans sa note d'analyse consacrée à la volatilité agricole 6 ( * ) , les principaux éléments du débat entre les économistes 7 ( * ) sur l'origine de cette volatilité : « Le débat entre économistes porte sur l'origine des variations de prix . D'un côté, cette volatilité s'expliquerait par un mécanisme chaotique, fondé sur la théorie dite du «cobweb» (pour la forme en toile d'araignée du graphique représentant le prix en fonction de la quantité dans un équilibre offre/demande) : lorsque les prix sont hauts, les producteurs investissent pour augmenter leur production, ce qui tend à faire diminuer les prix à la période suivante (temps de récolte). Face à cette diminution, les producteurs réduisent la voilure : les prix remontent (effet d'anticipation). Il y a convergence vers un prix d'équilibre lorsque la demande est élastique, c'est-à-dire sensible au prix. Dans le cas des marchés agricoles, la rigidité de la demande et les anticipations imparfaites des agents conduisent à l'existence d'un point d'équilibre instable : une force de rappel (aversion au risque des exploitants ou encore la contrainte de liquidité) ramène le prix vers un point d'équilibre stable. On observe alors des oscillations chaotiques. Cette représentation de la volatilité suppose que l'ouverture des marchés accentue les fluctuations. Dans ce cas de figure, l'instabilité des prix peut être amoindrie par une intervention publique (contrôle de la production, politique de stockage, régulation des prix, etc.). Seconde explication, la volatilité serait le résultat d'un ajustement des prix à la suite de chocs (aléas climatiques, épisodes géopolitiques, etc). Ce modèle est régi par les hypothèses d'anticipation rationnelle des agents et de la neutralité au risque de ces derniers. Le processus de libéralisation permettrait de «diluer» l'effet des chocs (selon la loi des grands nombres). L'intervention publique devient alors contre-productive, puisqu'elle freinerait la libéralisation : compte tenu que la volatilité est inhérente aux dynamiques de marché, il convient dès lors de limiter les effets de cette instabilité sur les populations les plus vulnérables. Néanmoins, ces conclusions doivent être nuancées pour les pays en développement, où il existe de nombreuses imperfections de marché, qui invalident ces conclusions et justifient une intervention des pouvoirs publics, notamment sur le segment des céréales. » |
a) Les facteurs fondamentaux de l'offre et de la demande
Les marchés des matières premières se caractérisent par une très faible élasticité de court terme tant du côté de l'offre que du côté de la demande.
Comme le rappelle le Centre d'analyse stratégique, l'offre et la demande ne réagissent de manière significative au prix que lorsque celui-ci varie brutalement, ce qui implique un déséquilibre de marché momentané qui a tendance à se répercuter en premier lieu sur les prix avant que les quantités ne se réajustent pour établir un nouvel équilibre.
Les causes de cette volatilité structurelle des prix sur les marchés de produits agricoles sont liées à plusieurs facteurs fondamentaux qui influencent la formation des prix agricoles.
Concernant la demande, les facteurs expliquant son évolution à long terme sont :
- la croissance des revenus ;
- la croissance démographique de la population ;
- dans une moindre mesure, l'évolution des modes de consommation qui peuvent induire des changements de prix ayant un impact sur la demande.
En ce qui concerne l'offre, c'est le progrès technique qui réduit les coûts et qui a un effet d'accroissement sur le long terme.
* 5 « Prévenir et gérer l'instabilité des marchés agricoles » - Rapport d'étape - par MM. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, Christian de Boissieu, Président du Conseil d'analyse économique et Serge Guillon, Contrôleur général économique.
* 6 Note d'analyse n° 207 du Centre d'analyse stratégique (janvier 2011).
* 7 Ces éléments sont tirés d'en entretien avec M. Boussard, membre de l'Académie de l'agriculture, d'un article de M. Gouel de 2010, « Agricultural price instability : a survey of competing explanations and remedies » dans le Journal of Economics Surveys et d'une analyse de Delorme H., Lipchitz A. et Bonnet A. en 2007 « Dynamique des prix agricoles internationaux », Notes et études économiques n° 27.