ANNEXE II - EXAMEN DES AMENDEMENTS ET DU TEXTE DE LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (MERCREDI 25 MAI 2011)
La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne, présentée par M. Jean-François Humbert, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (E 5642), adoptée sans modification par la commission des affaires européennes, contenue dans le rapport n° 509 (2010-2011) de MM. Jean-François Humbert et Roland Ries.
M. Jean-Paul Emorine , président . - Nous allons procéder à l'examen de la proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes sur la base du rapport de MM. Jean-François Humbert et Roland Ries. Je vous rappelle que la commission des affaires européennes avait à examiner trois propositions de résolution européenne (PPRE) :
- la proposition n° 494 déposée par Jean-François Humbert ;
- la proposition n° 498 de notre collègue Roland Ries ;
- la proposition n° 496 de notre collègue Mireille Schurch.
La commission des affaires européennes n'ayant pu se mettre d'accord sur ces trois propositions par consensus, elle a adopté la proposition de Jean-François Humbert et rejeté les deux autres.
Nous allons donc nous prononcer sur la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes. C'est sur celle-ci que vous avez pu déposer des amendements.
En revanche, l'examen des deux propositions socialiste et communiste sera fait à l'occasion du rapport écrit de Francis Grignon.
Avant de lui passer la parole, je voudrais le féliciter, car il a été nommé le 24 mai au conseil d'administration de la SNCF, où il me remplacera. J'ai siégé pendant deux ans dans cette instance, où mon mandat ne pouvait être renouvelé, puisque je n'exerce plus de fonction élective locale. Les réunions mensuelles du conseil d'administration permettent de faire le point sur la SNCF, une grande entreprise publique avec plus de 900 filiales.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Avant d'aborder l'examen de la PPRE, je voudrais vous dire que je suis disposé à présenter devant votre commission le rapport que j'ai transmis au Gouvernement, le 18 mai dernier, sur les conditions pour une expérimentation portant sur l'ouverture à la concurrence des services de transports ferroviaires régionaux de voyageurs, un sujet complexe et socialement difficile.
Depuis 1991, le secteur ferroviaire s'est progressivement ouvert à la concurrence. Remontant à 2001, le « premier paquet ferroviaire » a traité trois grands sujets en trois directives : la séparation entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'exploitant ferroviaire historique ; les licences des entreprises ferroviaires ; la répartition des capacités d'infrastructure et la tarification de leur usage. En France, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires doit veiller à la bonne application de ces principes.
Globalement, les États n'ont que partiellement appliqué ce premier paquet. En dix ans, la commission de Bruxelles a envoyé de nombreux avis motivés. Sous la pression du Parlement européen, elle s'est décidée fin 2010 à saisir pour manquement la Cour de justice de l'Union européenne contre 13 États membres, dont la France et l'Allemagne.
Le premier grief à l'encontre de notre pays concerne la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), créée en 2009 par la loi d'organisation et de régulation des transports ferroviaires, dite « loi ORTF », pour attribuer les sillons, pour le compte de Réseau ferré de France (RFF). Quelques 14 000 personnes y travaillent. La Commission européenne estime que la SNCF peut influencer la répartition des sillons et prendre connaissance d'informations confidentielles. Il s'agit d'un sujet sensible, car les meilleurs sillons sont laissés aux voyageurs, au détriment du fret. Le second grief concerne les péages, qui ne comportent pas de système de bonus-malus pour changer les comportements du gestionnaire et des opérateurs.
La Commission reproche également à l'Allemagne de ne pas avoir donné suffisamment d'indépendance au gestionnaire d'infrastructure dans l'exercice de ses « fonctions essentielles ». La Deutsche Bahn (DB), organisée en société holding, comporte une filiale, dénommée DB Netz, qui fixe les prix des péages acquittés par les exploitants, à l'image de RFF.
Le projet de refonte a donc été présenté fin 2010 dans un contexte particulièrement tendu. Aucun désaccord n'est envisageable sur la philosophie du texte, qui actualise, harmonise, clarifie et réunit en un seul document les trois directives de l'ancien « paquet ferroviaire ». Mais je n'ignore pas que notre collègue Mireille Schurch s'oppose à cette approche, souhaitant revenir à la situation qui prévalait en France avant 1997, lorsque la SNCF était une entreprise intégrée... Je rappellerai simplement que pratiquement tous les États-membres, à des degrés divers, sont engagés dans l'ouverture à la concurrence de leur marché ferroviaire.
Avant d'exposer les orientations de la directive et la position de nos collègues de la commission des affaires européennes du Sénat, je voudrais énoncer ce que j'estime être le fil rouge de ma réflexion : l'évolution européenne se poursuivra ; RFF et la DCF relèvent du domaine régalien ; les fonctions commerciales doivent en être clairement séparées.
Le premier thème du projet de directive tient aux relations entre le gestionnaire d'infrastructure et les opérateurs ferroviaires. Ainsi, son article 7 dispose que le gestionnaire doit être indépendant de l'opérateur ferroviaire « sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel ». Cette condition n'est pas satisfaite en France, où la DCF fait partie de la SNCF, tout en dépendant de RFF. J'ajoute que la définition des sillons occupe 500 horairistes, soit 400 à la SNCF et 100 à RFF, mais tous ne travaillent pas sur la même plate-forme et éprouvent les plus grandes difficultés à communiquer. Cela ne peut durer ! Nous proposons que la DCF soit intégrée dans RFF, où les centres de décision et de profit devraient être mieux identifiés et coordonnés.
Le deuxième thème concerne certains services ferroviaires annexes, comme les gares, les centres de maintenance légère (qui mobilise 30 % du personnel de la SNCF), ou encore les panneaux d'information des voyageurs. Il s'agit là d'une fonction régalienne, puisque la sécurité, mais aussi le bon emploi des deniers publics, sont en jeu. D'où la nécessité de renforcer dans un premier temps l'indépendance de la branche Gares et connexions.
Troisièmement, la coopération entre organismes de contrôle au sein de l'Union européenne existe déjà de façon informelle; l'institutionnaliser et la promouvoir est une excellente chose.
Le quatrième thème intéresse la modulation des péages ferroviaires en fonction du bruit. La commission de Bruxelles et la commission sénatoriale des affaires européennes acceptent la modulation, à condition d'appliquer une mesure similaire aux camions. Il ne faut pas pénaliser les entreprises ferroviaires.
Le cinquième sujet concerne le service minimal en cas de grève. Nous sommes d'accord avec la position de Roland Ries : Bruxelles n'a pas à nous dicter notre politique et nous devons régler la question chez nous.
Le sixième sujet a trait aux actes délégués : la Commission voulait pouvoir modifier ainsi pratiquement toutes les annexes sans demander l'avis à qui que ce soit. Or, l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'autorise le recours aux actes délégués que pour modifier les éléments non essentiels d'un acte législatif. C'est pourquoi la commission des affaires européennes a refusé de signer un chèque en blanc à la Commission de Bruxelles. Nous sommes en plein accord avec elle.
Septième et dernier sujet, l'harmonisation sociale. La commission des affaires européennes a demandé au gouvernement de promouvoir une harmonisation du cadre social applicable au secteur ferroviaire dans les différents États membres de l'Union afin que la concurrence dans ce secteur s'exerce entre entreprises plutôt qu'entre statuts sociaux. Là aussi, nous approuvons cette demande qui est cohérente avec la lettre que le président de la République a adressée à M. Guillaume Pepy, lui demandant de réfléchir à l'harmonisation sociale. Or, l'ouverture à la concurrence du fret n'a pas tenu compte de cet aspect essentiel. Comme les TGV et, éventuellement, les TER vont être ouverts à la concurrence, il est important de se pencher dès maintenant sur cette question.
La proposition de directive apporte également quelques avancées sur le financement des travaux de régénération du réseau, mais ne se substitue pas aux États membres pour leur imposer un niveau d'investissement. En outre, le texte n'avait pas vocation à aborder la question du service public dans le secteur ferroviaire, qui sera examinée dans un quatrième paquet ferroviaire. Je vous proposerai sur ces deux sujets des amendements et vous demanderai d'adopter le texte de la résolution ainsi modifiée.
M. Roland Ries . - Merci d'avoir clarifié vos orientations, Monsieur le Rapporteur.
Au départ, la commission des affaires européennes voulait parvenir à un texte de synthèse sur la question délicate de la création d'un espace ferroviaire européen. Avec mon collègue Jean-François Humbert, nous avons auditionné toute une série de responsables à Bruxelles et à Paris. Nous avons bien travaillé ensemble, mais nous ne sommes pas parvenus aux mêmes conclusions. Nos collègues du groupe CRC, qui n'ont pas participé directement à nos travaux, proposent de leur côté un autre texte.
Je ne récuse pas la méthode : à partir du moment où l'on travaille dans une commission, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de co-rapporteurs, même si leurs conclusions diffèrent. Au-delà de cette question, nous nous sommes interrogés, Jean-François Humbert et moi-même, sur la méthode employée par Bruxelles. Pourquoi se livrer à une refonte alors que treize États-membres sont traduits devant la Cour de justice de l'Union européenne de Luxembourg ? Pourquoi ne pas attendre le jugement de la Cour avant de remettre le premier paquet ferroviaire sur le métier ? Je n'ai pas de réponse à cette question...
La commission des affaires européennes n'a malheureusement pas adopté ma résolution n° 498. Je souhaite néanmoins reprendre ses principales orientations par voie d'amendements: il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Avec le groupe socialiste, je suis convaincu que nous avons trouvé des points d'équilibre qui mériteraient d'être examinés.
Tout d'abord, pourquoi ne pas dresser, avant d'aller plus loin, un bilan objectif de la séparation entre le gestionnaire des infrastructures et l'opérateur de transport ? Ce système n'a en effet pas que des avantages. Les difficultés sont-elles liées à la séparation en tant que telle ou à des modalités particulières de cette séparation ?
Nous nous rejoignons ensuite sur l'harmonisation sociale, à la réserve près que nous voulons éviter le dumping social : c'est pourquoi nous présentons un amendement qui vise explicitement à promouvoir une harmonisation par le haut.
La troisième orientation traite non pas des services annexes, cher Francis Grignon, mais des facilités essentielles (les trains ne peuvent se passer de gares). Ces facilités essentielles appartiennent aujourd'hui à RFF ou à la SNCF. Comment les gérer demain sans dépouiller l'opérateur historique ? Nous proposons d'intégrer celui-ci dans le processus visant à définir ces facilités essentielles et leur éventuel transfert.
Quatrième point : l'insuffisance des investissements est une des difficultés principales. RFF est plombé par les 28 milliards de dette qui lui ont été transférés au moment de sa création. Cette dette, qui pèse sur les comptes, empêche RFF d'exercer pleinement ses fonctions. Des crédits d'investissement européens fléchés pourraient abonder son budget.
Enfin, on a beaucoup glosé sur la démarche allemande. Ce pays a créé une holding qui crée une séparation comptable entre le gestionnaire d'infrastructure, DB Netz, et les autres activités de la Deutsche Bahn. Les Allemands y tiennent beaucoup.
M. Francis Grignon , rapporteur . - C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Roland Ries . - Peut être ne faudrait-il pas écarter cette piste a priori. La séparation juridique, souhaitée par la Commission, est-elle nécessaire ? Peut être pas. M. Guillaume Pepy semble pencher pour une solution intermédiaire. Lors de la création de RFF, nous sommes allés plus loin, ce qui ne nous a pas empêchés d'être traduits devant la Cour de Luxembourg. Les Allemands sont restés en retrait, mais leur position a le mérite de faire la synthèse entre l'opérateur historique et le gestionnaire des infrastructures.
Nous vous proposerons des amendements reprenant scrupuleusement ces points. Y aura-t-il un débat en séance publique ?
M. Jean-Paul Emorine , président . - Pour l'instant, ce n'est pas prévu. La proposition de résolution, une fois adoptée, deviendra celle du Sénat et elle sera transmise au gouvernement et à Bruxelles. Il n'y aura un débat en séance que s'il est demandé par la commission ou par un groupe politique.
Mme Mireille Schurch . - Nous avions présenté une proposition de résolution pour demander qu'un bilan des trois premiers paquets ferroviaires nous soit présenté afin de mesurer leurs impacts en termes d'emplois, de qualité de service, de garantie de sécurité, de continuité du réseau ferroviaire national et régional. Avant d'envisager une nouvelle directive, il serait utile de faire le point. Nous demandons donc un moratoire sur ce nouveau projet de directive. Le service public ferroviaire doit être sauvegardé, et même développé dans un cadre qui le protège.
Les enjeux économiques et écologiques du développement du territoire appellent une autre politique : or, malgré les trois premiers paquets, le rail ne s'est pas suffisamment développé en Europe.
Ce projet de directive ne se résume pas à un simple exercice de codification ou de clarification : il a pour but d'accroître la concurrence. Nous disons halte là ! Le rail reste fragile dans toute l'Europe, et les effets escomptés de l'ouverture à la concurrence tardent à se concrétiser aux yeux de la Commission européenne. Le temps du bilan est donc venu.
Premièrement, nous sommes opposés à la séparation entre le gestionnaire de réseau et l'opérateur historique, puisque nous appelons de nos voeux le maintien d'une entreprise intégrée. M. Guillaume Pepy estime que le système ferroviaire actuel nous mène droit dans le mur et M. Hubert du Mesnil dit à peu près la même chose : la séparation est compliquée et coûteuse.
En deuxième lieu, l'État ne saurait être assimilé à un actionnaire ordinaire. L'article 5 de la directive remet en cause de manière indirecte le statut d'EPIC de la SNCF en demandant à l'État que ses droits de contrôle en matière de gestion n'excèdent pas ceux des actionnaires des sociétés anonymes privées. L'État doit conserver un rôle très particulier et assumer ses responsabilités.
Troisièmement, je voterai l'amendement de suppression des dispositions relatives au service minimal en cas de grève, car l'Union européenne n'est pas compétente en ce domaine : elle ne doit pas violer le principe de subsidiarité. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Quatrièmement, l'ouverture à la concurrence n'a pas sauvé le fret ferroviaire, mais a contribué à remettre deux millions de camions sur les routes françaises. Nous demandons un bilan sur les externalités négatives générées par les différents modes de transport.
Enfin, la proposition de résolution accepte l'ouverture complète à la concurrence du transport des voyageurs, suivant en cela la volonté de la Commission. Une évaluation du règlement sur les obligations de service public (OSP) est en cours. Or, le Comité économique et social européen relève que la Commission s'applique à évaluer un règlement publié seulement le 3 novembre 2009. Nous nous inquiétons de cette hâte, d'autant que la Commission n'avait accepté certaines des dispositions du règlement qu'après de longs et difficiles débats au sein du Parlement européen. S'il reste des améliorations à apporter, l'organisation du transport national de voyageurs a fait ses preuves : il faut donner aux régions les moyens d'améliorer leur offre et nous ne pouvons accepter l'ouverture à la concurrence des TER.
M. Michel Teston . - Le groupe socialiste se devait de présenter sa propre proposition de résolution.
Tout d'abord, l'harmonisation sociale par le haut. L'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a eu lieu sans harmonisation des conditions sociales. Aujourd'hui, en France comme en Allemagne, l'opérateur historique craint que l'ouverture à la concurrence dans le secteur voyageur se passe de même. Elle demande donc une harmonisation sociale préalable. D'ailleurs, le chef de l'État l'avait évoqué il y a quelques années dans sa lettre de mission à M. Guillaume Pepy. En Allemagne, les personnels de la DB ont obtenu que cette question majeure soit inscrite à l'ordre du jour. Ses concurrents ne sont pas enthousiastes. Seule la filiale SNCF en Allemagne, Keolis, a accepté d'engager des négociations sur ce sujet.
Concernant les facilités essentielles, les opérateurs concurrents de la SNCF doivent pouvoir procéder au ravitaillement de leur matériel et accéder aux gares. Cela ne doit pourtant pas se faire au détriment de la SCNF ni de ses personnels. C'est pourquoi notre proposition de résolution recommande de prendre certaines précautions.
Dernier point : nous ne souhaitons pas aller au-delà de ce que prévoit le premier paquet ferroviaire sur la question de la séparation. Pour l'instant, l'article 6 de la refonte du premier paquet se contente d'une séparation comptable et pas forcément d'une séparation fonctionnelle. Une holding aurait notre préférence, mais il faudrait alors dire clairement que la filiale qui gèrera les infrastructures ferroviaires ne pourra utiliser ses éventuelles recettes que pour les améliorer. Cet argent ne doit pas être utilisé à d'autre fin. La Commission européenne reproche à la DB d'avoir profité de certaines recettes de DB Netz pour acquérir des concurrents dans le domaine du fret. Nous devons donc nous prémunir contre cette éventuelle critique.
M. Bruno Retailleau . - Je souhaite interroger notre rapporteur sur l'alinéa 18 : la mise en place du réseau de régulateurs pour faire converger les prix ne risque-t-il pas de nous désavantager ? Notre réseau a en effet une plus forte capillarité ; or, plus un réseau est simple, plus les tarifs sont bas. Quel sera l'impact de cette convergence des tarifs pour l'aménagement de notre territoire ?
M. Daniel Dubois . - Lors de la création de RFF, nous avons eu un débat sur la problématique opérationnelle : l'unicité de commandement dans la gestion des sillons nous était apparue nécessaire. C'est pourquoi je trouve astucieuse la proposition du rapporteur de créer une filiale rattachée à RFF pour répondre à cette question.
L'alinéa 16 ne me semble pas bien placé. Il s'agit en effet d'un enjeu majeur : si l'on veut instaurer la concurrence en Europe, tous les États-membres doivent s'engager dans une démarche concurrentielle, ce qui n'est pas le cas à ce jour puisque deux pays ne se sont pas encore réorganisés tandis que d'autres l'ont fait imparfaitement. Pourquoi ne pas remonter cet attendu pour en souligner l'importance ?
M. Jean-Paul Emorine , président . - Je partage l'analyse de notre rapporteur : j'ai siégé pendant deux ans au conseil d'administration de la SNCF, et M. Guillaume Pepy souhaitait que la DCF reste intégrée. Il ne serait pourtant pas incohérent de la placer auprès de RFF. Le gestionnaire de l'infrastructure doit être celui qui attribue les sillons. On pourrait créer au sein de RFF une filiale avec ses 14 400 salariés dont le statut resterait inchangé. Cette clarification témoignerait de notre volonté de nous conformer aux préconisations européennes.
L'opérateur historique a toute sa place dans les gares, mais les collectivités pourraient y être associées, notamment dans les grandes gares.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Pour répondre à Daniel Dubois, nous avons d'abord mis dans la proposition de résolution tous les visas, puis toutes les considérations générales jusqu'au point 15. Le premier point dur, c'est l'alinéa 16.
Je veux apaiser les craintes de Bruno Retailleau : la mesure vise surtout les grandes lignes, dont les péages ne doivent pas subir de distorsions de concurrence dans l'Union européenne. Je rappelle que pour les TER, les péages représentent entre 5 et 10 % du coût de fonctionnement. L'usager ne paye qu'entre 20 et 30 % de ce coût, et les tarifs dépendent de décisions politiques régionales : ainsi, certaines régions proposent des tarifs à un euro pour concurrencer les bus. In fine , la question du prix des billets de train continuera de relever d'une décision politique.
Avec la holding proposée par le groupe socialiste, nous allons retomber sur les problèmes de la dette et des critères de Maastricht. C'est pourquoi nous proposons de distinguer l'entreprise commerciale, la SNCF, de tout le reste, à savoir RFF et ses filiales. Même si l'on regrette la SNCF d'antan, on ne peut plus faire machine arrière, comme le souhaite Mireille Schurch.
J'en viens à l'harmonisation sociale : à la SNCF, il y a les salaires, le statut et l'organisation du travail. Pour les salaires, il n'y a pas de grandes différences. Le statut regroupe quatre points : la retraite qui est supérieure de 10 à 12 %, la protection sociale, les évolutions de carrière et les billets gratuits, qui concernent des centaines de milliers de personnes. Enfin, il y a l'organisation du travail qui repose sur un accord d'entreprise négocié à l'intérieur du monopole et qui est figé dans les tables de la loi par un décret en Conseil d'État. Si nous voulons une harmonisation sociale par le haut, il faut que toutes les entreprises françaises se calquent sur le modèle de la SNCF, ce qui n'est pas jouable, car les entreprises étrangères, notamment la DB, prendraient alors des parts de marché, sans même parler des camions. L'harmonisation sociale ne peut en effet pas être imposée au niveau européen. Pour autant, il faut éviter l'erreur qui a été commise pour le fret en faisant rouler les trains avant de s'interroger sur l'organisation sociale. Entre une harmonisation par le haut et une harmonisation par le bas, une solution médiane est possible afin de ne pas pénaliser nos entreprises.
M. Roland Ries . - On peut marquer une orientation.
M. Michel Teston . - Il s'agit bien d'obtenir que l'ensemble des opérateurs ferroviaires soit soumis aux mêmes règles sociales. En Allemagne, les syndicats de la DB font pression pour parvenir à une harmonisation par le haut. C'est la seule solution pour permettre à la concurrence de se développer. Il n'est pas question que la France se livre à une telle harmonisation sans l'implication des autres États-membres.
M. Francis Grignon . - On ne peut avoir aujourd'hui les mêmes règles sociales dans tous les pays de l'Union.
M. Roland Ries . - Nos amendements reprennent notre proposition de résolution.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement n°1, qui demande un rapport sur le bilan du premier paquet ferroviaire. Il existe déjà de nombreux rapports sur ce sujet.
Mme Mireille Schurch . - Je voterai cet amendement.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 7 exige une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique avant de poursuivre l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. Par conséquent, avis défavorable sur l'amendement n° 3, qui préconise sous conditions la création de holding, intégrant les fonctions de gestionnaires d'infrastructures et d'opérateur ferroviaire.
M. Michel Teston . - Nous sommes favorables à une holding, mais pas à une séparation totale. Nous ne voterons donc pas l'amendement du rapporteur.
Mme Mireille Schurch . - Nous voterons l'amendement n° 3 qui prévoit une séparation seulement comptable entre le gestionnaire du réseau et l'opérateur ferroviaire.
L'amendement n° 7 est adopté.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 8 vise à ce que les principaux services ferroviaires annexes soient fournis par le gestionnaire de l'infrastructure, idéalement à travers une filiale. Suite à la remarque de notre collègue Roland Ries, je rectifie mon amendement n°8 pour remplacer l'expression « services ferroviaires annexes » par « facilités essentielles ». Avis défavorable sur l'amendement n° 4 car nous ne pouvons pas faire référence à la SNCF dans une résolution européenne.
M. Michel Teston . - Nous prenons note avec satisfaction que vous retenez notre formulation qui est meilleure, mais vous n'allez pas au bout de la logique : il ne faut pas pénaliser la SCNF ni ses personnels.
M. Jean-Paul Emorine , président . - L'amendement de Francis Grignon n'est pas modifié sur le fond.
L'amendement n° 8 rectifié est adopté.
M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 9 traite des externalités négatives générées par le secteur des transports, et il demande à la Commission européenne une étude sur ce sujet.
Mme Mireille Schurch . - Nous nous en félicitons.
M. Michel Teston . - Dans le Livre vert sur les transports publiés en 2007, il était déjà question d'évaluer ces externalités négatives. C'est l'Arlésienne, tout le monde en parle, mais jamais la Commission européenne n'a procédé à une telle évaluation.
L'amendement n° 9 est adopté à l'unanimité.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 10, identique à l'amendement n° 6, supprime l'alinéa 20 car il existe selon moi une incertitude sur la légalité de dispositions sur le service minimal en cas de grève dans un texte européen.
M. Roland Ries . - Nous sommes d'accord pour la suppression, mais pas pour les mêmes raisons.
Les amendements identiques n° s 10 et 6 sont adoptés, et l'alinéa 20 est supprimé.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Les amendements n° s 11 et 2 sont en discussion commune. Mon amendement n° 11 se conforme aux préconisations du Grenelle : nous souhaitons une convergence progressive des règles économiques, environnementales et sociales dans le secteur ferroviaire. L'amendement n° 2 insiste sur la nécessité de réaliser une convergence vers le haut.
Mme Mireille Schurch . - La convergence peut en effet tirer vers le bas.
M. Jean-Paul Emorine , président . - Nous avons mis « progressive » et non pas « dégressive ».
M. Roland Ries . - Une harmonisation par le haut suppose des négociations.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Laissons les négociations se dérouler.
M. Jean-Paul Emorine , président . - Et puis, dans « progressif », il y a « progrès »...
L'amendement n° 11 est adopté.
M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 5 demande le fléchage des crédits des fonds structurels vers les investissements relatifs aux transports durables. L'Engagement national pour le fret ferroviaire est doté de crédits importants. En outre, un contrat de performance est signé avec RFF. On n'a jamais autant investi dans ce pays en faveur de la régénération. Avis favorable car malgré l'effort sans précédent de la Nation, toute nouvelle ressource est la bienvenue.
M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 12 soutient la proposition de la Commission européenne d'instituer dans chaque État-membre une stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire et des plans d'entreprise du gestionnaire d'infrastructure.
L'amendement n° 12 est adopté à l'unanimité.
M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 13 rappelle que les États-membres ont le droit de créer des services d'intérêt économique général (SIEG) dans le secteur ferroviaire. Récemment, l'État a ainsi décidé, en tant qu'autorité organisatrice de transport, de financer des trains d'équilibre du territoire. Dans le rapport sur le fret ferroviaire, nous avons demandé au Gouvernement d'étudier la possibilité d'attribuer des aides publiques à certaines lignes de faible trafic de wagons isolés, notamment pour les matières dangereuses, afin de prendre en compte l'aménagement du territoire.
M. Michel Teston . - On a bien compris. Selon le règlement sur les obligations de service public, la France devrait adapter sa législation afin de permettre aux autorités organisatrices de transport de choisir soit le gré à gré, soit la concurrence. Mais il faudra pour cela modifier la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Cet amendement n'est-il pas redondant avec ce qui existe déjà ?
M. Francis Grignon , rapporteur . - Je préfère le préciser, car la question de l'articulation entre concurrence et service public sera un des points centraux du « Quatrième paquet ferroviaire » qui devrait être présenté par la Commission européenne en 2012.
L'amendement n° 13 est adopté à l'unanimité.
La proposition de résolution est adoptée.
M. Jean-Paul Emorine , président . - Les groupes politiques pourront demander un débat en séance sur la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire. Faites-le d'ici trois jours, quand la proposition de résolution sera devenue celle du Sénat.
M. Michel Teston . - Ne risque-t-on pas de nous renvoyer à plus tard ?
M. Jean-Paul Emorine , président . - Il faudra voir en Conférence des présidents en fonction de l'ordre du jour de la séance publique.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Texte de la Proposition de résolution européenne |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. RIES |
1 |
Demande d'un rapport sur le bilan du 1er paquet ferroviaire. |
Rejeté |
M. GRIGNON, rapporteur |
7 |
Exigence d'une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique avant de poursuivre l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. |
Adopté |
M. RIES |
3 |
Modalités de fonctionnement des structures juridiques de holding, intégrant les fonctions de gestionnaires d'infrastructures et d'opérateur ferroviaire. |
Rejeté |
M. GRIGNON, rapporteur |
8 |
Conditions de gestion des facilités essentielles. |
Adopté avec modification |
M. RIES |
4 |
Conditions d'accès aux facilités essentielles. |
Rejeté |
M. GRIGNON, rapporteur |
9 |
Demande d'étude à la commission européenne sur l'évaluation des externalités négatives dans le domaine des transports. |
Adopté |
M. GRIGNON, rapporteur |
10 |
Suppression des dispositions relatives au service minimal en cas de grèves. |
Adopté |
M. RIES |
6 |
Identique au précédent. |
Adopté |
M. GRIGNON, rapporteur |
11 |
Exigence d'une convergence progressive des règles sociales, économiques et environnementales applicables au secteur ferroviaire. |
Adopté |
M. RIES |
2 |
Modalités de la mise en oeuvre de l'harmonisation sociale. |
Rejeté |
M. RIES |
5 |
Demande de fléchage des crédits des fonds structurels vers les investissements relatifs aux transports durables. |
Adopté |
M. GRIGNON, rapporteur |
12 |
Promotion de la stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire et des plans d'entreprise du gestionnaire d'infrastructure. |
Adopté |
M. GRIGNON, rapporteur |
13 |
Faculté pour les États membres de créer des services d'intérêt économique général (SIEG) dans le secteur ferroviaire. |
Adopté |