TITRE VII TER - APPLICATION ET ÉVALUATION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

Article 24 ter A (art. L. 1412-1-1 et L. 1412-3-1 du code de la santé publique) Etats généraux de la bioéthique

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la possibilité d'organiser un débat public sous forme d'états généraux avant tout projet de réforme dans le domaine de la bioéthique.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le de l'article insère, dans le chapitre du code de la santé publique relatif à l'éthique, un nouvel article L. 1412-1-1 qui vise à prévoir que tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé peut être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux.

Ces états généraux sont organisés à l'initiative du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

A la suite du débat public, le CCNE établit un rapport qu'il présente devant l'Opecst, lequel procède à son évaluation.

Le insère, dans le même chapitre, un nouvel article L. 1412-3-1 pour préciser que les états généraux comprennent des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Ceux-ci reçoivent une formation avant de débattre, puis de rédiger un avis et des recommandations qui sont rendus publics.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission est tout à fait favorable à cette disposition. L'organisation d'un débat public préalable à tout projet de réforme en matière de bioéthique permettra en effet à la fois de tenir compte de la très grande spécificité de ces questions et de créer les conditions d'une discussion ouverte et large, associant les citoyens, dans le cadre d'un véritable débat démocratique.

C'est la même idée qui a présidé à l'organisation mise en place pour préparer la révision de la loi de 2004 et élaborer le présent projet de loi.

Déclaration inaugurale de Roselyne Bachelot-Narquin, ministre la santé et des sports (extrait) 28 janvier 2009

Les états généraux de la bioéthique constituent un événement démocratique sans précédent. Le Gouvernement et la représentation nationale, procédant au réexamen de la loi de bioéthique, bénéficieront, en effet, pour étayer leurs décisions, non seulement d'une somme considérable d'études, de travaux et de rapports produits par les différentes instances concernées, mais aussi du nécessaire préambule d'une réflexion collective suscitant l'expression d'un accord ayant vocation à être fondé sur la reconnaissance de valeurs partagées.

Les états généraux reposent ainsi sur une confiance toute républicaine dans les vertus du débat public. Le succès des états généraux dépend donc de notre capacité collective à faire prévaloir la pratique de l'argumentation , dans le respect du pluralisme démocratique.

La volonté générale que doit exprimer la loi n'est pas la somme, la juxtaposition abstraite de volontés ou de désirs particuliers parfois antagonistes. Résultant d'un échange, elle doit pouvoir trouver l'occasion de se façonner par le débat et par l'effet d'une réflexion collective, invitant chacun à s'accorder avec tout autre sur des principes qui transcendent son intérêt immédiat .

Ces principes que le droit incorpore (consentement, anonymat et gratuité, indisponibilité du corps humain...), il ne suffit pas de les invoquer. Leur institution n'implique pas leur légitimité, parce que ces principes ne s'imposent pas comme s'impose un argument d'autorité. Ces principes valent d'abord par l'assentiment réfléchi qu'ils suscitent .

En ce sens, une des fonctions essentielles des états généraux de la bioéthique est d'ouvrir un espace de temps qui permette d'éprouver ensemble la consistance de cet assentiment et le bien fondé de ces principes. Discuter le fondement des valeurs auxquelles nous sommes attachées est la condition même de leur vitalité. Le débat ouvert devrait ainsi permettre d'éprouver la capacité de nos valeurs à être partagées et collectivement reconnues, quelles que soient les particularités de chacun .

Cependant, parce que le régime de la loi n'est précisément pas celui du marché, il ne saurait simplement s'agir d'enquêter sur un état préformé de l'opinion pour y adapter le droit. Les états généraux de la bioéthique procèdent bien au contraire d'une éthique de la discussion qu'il s'agit de faire prévaloir en permettant au citoyen de se forger une opinion.

C'est ainsi que ces états généraux devraient être l'occasion d'ouvrir un vaste débat faisant appel à la participation du citoyen. Les conférences de citoyens qui seront organisées, devant garantir les conditions d'une discussion libre, instruite et contradictoire , ont en ce sens aussi pour fonction d'éclairer le décideur sur ce qui peut être considéré comme l'intérêt général.

C'est ainsi qu'ont été conçus et que seront organisés sur l'ensemble du territoire, durant le premier semestre 2009, les états généraux de la bioéthique : une manifestation qui se veut populaire au sens noble du terme .

Des états généraux de la bioéthique ont ainsi eu lieu au cours du premier semestre 2009. L'objectif était de « favoriser l'expression citoyenne et de mobiliser l'opinion, ainsi que faire oeuvre de pédagogie sur des questions délicates et complexes en veillant à dissiper les fausses craintes aussi bien que les faux espoirs que peuvent susciter les avancées de la science ».

Plusieurs actions ont été conduites :

- l'organisation de trois forums citoyens régionaux dans trois grandes villes de France, à Marseille, Rennes et Strasbourg. Chaque forum a porté sur un ou deux thèmes des états généraux de la bioéthique. Ils ont été organisés autour d'un débat entre les jurés (qui ont bénéficié d'une formation adaptée à la conduite d'un débat sur des thématiques complexes compréhensibles par tous), des « grands témoins », répondant aux questions des jurés, du public dans la salle et aux internautes. Les grands témoins - spécialistes et experts scientifiques et éthiques, philosophes - ont été choisis en fonction des thématiques de chaque forum ;

- un forum national, tenu à Paris le mardi 23 juin 2009 et au cours duquel a été effectuée la synthèse des travaux de ces manifestations citoyennes ;

- un site internet dédié , consulté par plus de 70 000 personnes et sur lequel 1 500 contributions ont été recueillies ;

- des rencontres régionales , organisées par les espaces éthiques rattachés aux CHU. Leurs responsables devaient choisir une thématique et rendre un rapport, mis en ligne sur le site internet des états généraux. Des experts multidisciplinaires étaient invités à exposer les problématiques et à ouvrir le débat à l'ensemble des citoyens souhaitant s'exprimer. Ces rencontres devaient respecter une charte de bonnes pratiques.

Saluant cette démarche et à l'aune de cette expérience, votre commission a souhaité renforcer le dispositif adopté à l'Assemblée nationale :

- sur proposition de Marie-Thérèse Hermange, elle a rendu obligatoire, et non pas seulement facultative, l'organisation d'états généraux avant tout projet de réforme ;

- sur proposition de son rapporteur, outre l'adoption d'un amendement rédactionnel, elle a rendu obligatoire, en l'absence de réforme, l'organisation d'états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans ;

- également sur proposition de son rapporteur, elle a précisé que les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d'indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

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