B. UN IMPACT SUR L'EMPLOI VRAISEMBLABLEMENT NETTEMENT INFÉRIEUR AUX CHIFFRES AVANCÉS PAR LE GOUVERNEMENT

Le RAP « Plan de relance de l'économie » donne des estimations de l'impact d'une partie des dépenses en termes d'emplois créés ou sauvegardés en 2009 204 ( * ) .

Cependant, seuls les programmes 315 et 317 se voient associer une estimation globale de leur impact sur l'emploi. Dans le cas du programme 316, le tableau indiquant le résultat pour l'indicateur concerné renvoie au texte du RAP 205 ( * ) , qui présente des estimations pour certaines dépenses, souvent sous la forme de « fourchettes ». Si l'on effectue la sommation des différentes estimations, on arrive au nombre, très élevé, de 370 000 emplois, avec un intervalle compris entre 250 000 et 480 000 emplois, comme le montre le tableau ci-après.

Les emplois créés ou sauvegardés en 2009 par la mission « Plan de relance de l'économie » : sommation des chiffres figurant dans le RAP

Moyenne

Estimation basse

Estimation haute

Programme 315 « Programme exceptionnel d'investissement public »

18 337

Programme 317 « Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité »

92 603

Programme 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi »

256 500*

143 000*

370 000*

Financement des petites et moyennes entreprises

30 000

Aide au remplacement de véhicules anciens

14 000*

8 000

20 000

Aide à l'embauche dans les très petites entreprises

112 500*

5 000

220 000

Politiques actives de l'emploi

<100 000

TOTAL

<367 440*

<253 940*

<480 940*

* Chiffres calculés par la commission des finances en fonction des données figurant dans le RAP.

Sources : RAP « Plan de relance de l'économie », calculs de la commission des finances

Ces chiffres suscitent de fortes interrogations. En effet, un calcul simple utilisant la « loi d'Okun » 206 ( * ) suggère qu'un supplément de croissance du PIB de 0,6 point réduit le taux de chômage de 0,3 point, ce qui correspond à environ 80 000 emplois.

Ce paradoxe vient du fait que l'impact des principales mesures du programme 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » est manifestement surestimé. C'est d'ailleurs peut-on supposer pour cette raison que le Gouvernement s'abstient de faire la sommation de ses différentes estimations. Les principales anomalies concernent les actions « Aide à l'embauche dans les très petites entreprises » et « Politiques actives de l'emploi », qui auraient créé ou sauvegardé chacune de l'ordre de 100 000 emplois.

Dans le cas de l'action « Aide à l'embauche dans les très petites entreprises », le bas de l'intervalle doit manifestement être retenu. En effet, il s'agit d'une mesure relativement banale de politique économique, consistant à réduire le coût du travail, et dont l'impact sur l'emploi peut être évalué de manière économétrique. Selon le Gouvernement, « les modèles estiment que l'effet structurel durable de l'allègement du coût du travail induit par cette aide est limité (5 000 à 11 000 emplois) ». De fait, cette mesure a coûté 200 millions d'euros, ce qui, si l'on suppose la même efficacité que les exonérations de charges sur les bas salaires de « droit commun » 207 ( * ) , correspondrait à environ 8 000 emplois créés. Le chiffre de 220 000 emplois vient d'un calcul contestable réalisé à partir des résultats d'une enquête 208 ( * ) . S'il était exact, le coût par emploi créé serait de 1 000 euros, ce qui en ferait de très loin le dispositif le plus efficace de la politique de l'emploi. Cela n'est hélas pas réaliste.

Dans le cas de l'action « Politiques actives de l'emploi », qui a coûté 800 millions d'euros (pour des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de 1,3 milliard d'euros), et dont l'opérateur est le Fonds d'investissement social (FISO), le Gouvernement indique que « les principales mesures du FISO sont (...) susceptibles de créer ou sauver au moins une centaine de milliers d'emplois, voire 150 000 sur la période 2009-2010 ». Il ressort des explications avancées que ces créations ou sauvegardes résulteraient en quasi-totalité de deux dispositifs : celui relatif au chômage partiel et la majoration de 100 000 du nombre de contrats aidés non marchands, pour un nombre d'emplois créés de l'ordre de respectivement 70 000 et 75 000. L'estimation est manifestement très surestimée dans les deux cas. L'effet d'aubaine est forcément important dans le premier. Dans celui des contrats aidés non marchands, le Gouvernement prend en compte une augmentation du nombre d'emplois aidés qui en réalité ne fait pas partie du plan de relance 209 ( * ) .


* 204 La méthodologie suivie a varié selon les dépenses concernées. Dans certains cas, elle a consisté à associer à chaque type de dépense un ratio de créations d'emplois. Par exemple, le Gouvernement estime que, pour 1 million d'euros, les technologies de défense créent 2,7 emplois, alors que les travaux de rénovation immobilière en créent 18,2. Dans d'autres cas, l'approche a été économétrique, ou s'est appuyée sur des enquêtes.

* 205 Le tableau de l'indicateur du programme 316 relatif au nombre d'emplois créés ou sauvegardés ne comprend aucun chiffre, mais la mention « cf. infra ». L'explication figurant sous le tableau est la suivante : « Le programme 316 comporte des actions diverses en faveur d'un soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi. De ce fait, le calcul de l'effet d'entraînement sur l'emploi s'est appuyé sur différentes méthodes qui reflètent la nature variée des interventions du plan de relance. Un total synthétique est néanmoins difficile à obtenir pour l'ensemble des mesures du programme 316. Le détail pour chaque mesure est fourni dans l'analyse des résultats ».

* 206 Selon la « loi d'Okun », l'augmentation du taux de chômage est égale à l'écart du taux de croissance par rapport à la croissance potentielle, multipliée par un certain coefficient, variant selon les pays. En France ce coefficient est estimé à environ 0,5.

* 207 Selon le consensus des économistes, les exonérations de charges sur les bas salaires, qui coûtent environ 20 milliards d'euros, auraient créé environ 800 000 emplois, ce qui correspond à un coût brut d'environ 25 000 euros par emploi créé.

* 208 Le Gouvernement indique : « Compte tenu du caractère exceptionnel de la crise, qui s'écarte des modèles, des enquêtes ont été réalisées auprès des dirigeants d'entreprises bénéficiaires de la mesure. Dans l'enquête BVA de mars 2009, 29 % des dirigeants de TPE ont déclaré que la mesure était « de nature à les faire embaucher alors que ce n'était pas prévu, à embaucher davantage que prévu ou à renouveler un contrat ». Il reste difficile d'en déduire un impact emploi absolu (qui serait de l'ordre de 220 000 emplois en appliquant un ratio de 29 % au nombre de dossiers), l'enquête étant déclarative sur échantillon ».

* 209 Selon le RAP, dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 2009, a été adopté « un amendement gouvernemental permettant de majorer de 100 000 les enveloppes de contrats aidés non-marchands ouvertes en 2009 (contrats d'accompagnement dans l'emploi - CAE - et contrat d'avenir - CaV) par rapport au niveau initialement présenté en PLF ». La prise en compte des 100 000 emplois correspondants ne se justifie pas, cette disposition ne faisant pas partie du plan de relance. Le plan de relance a seulement permis de consacrer 253 millions d'euros à l'augmentation du taux de subvention des CAE, porté de 70 % à 90 %.

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