III. LES COMPTES SPÉCIAUX
A. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES AU FONDS D'AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES »
La création du présent compte de concours financiers, composé des programmes 871 et 872, résulte de l'article 63 de la loi de finances rectificative pour 2007 (n° 2007-1824 du 25 décembre 2007) et constitue la traduction budgétaire du dispositif de « bonus-malus » automobile .
Il convient de rappeler qu'outre le bonus et le malus, le « super bonus » 115 ( * ) , financé sur le programme 872 « Avances au titre du paiement de la majoration de l'aide à l'acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d'un véhicule de plus de quinze ans », a été temporairement suspendu en 2009 dans le cadre du plan de relance de l'économie au profit de la « prime à la casse » 116 ( * ) , financée sur le programme 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » de la mission « Plan de relance de l'économie » et qui doit prendre fin le 31 mars 2011. Des avances ont toutefois été réalisées sur le programme 872, à hauteur de 2,87 millions d'euros, au titre de véhicules acquis en 2008 mais dont la demande de « super-bonus » n'est intervenue qu'en 2009.
1. Un déficit de grande ampleur qui ne peut être légitimé par le seul succès du dispositif
Ainsi que cela a été rappelé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, le dispositif du bonus-malus automobile avait été initialement présenté fin 2007 comme budgétairement équilibré. La réalité fut tout autre dès 2008 avec un déficit constaté de 214 millions d'euros , imputable à la forte baisse des ventes de véhicules les plus polluants. Cette fiscalité « comportementale », jointe aux effets de la crise économique et à la hausse des prix du carburant, a eu des effets de substitution plus rapides et massifs qu'escomptés, vertueux au plan écologique mais budgétairement très coûteux .
La tendance s'est accélérée en 2009 avec un déficit en exécution de plus de 525 millions d'euros , soit près de 3,3 fois les prévisions inscrites en LFI. Les recettes du malus ont été inférieures à celles constatées en 2008, et le coût du bonus supérieur de plus de moitié aux prévisions pour atteindre 725 millions d'euros.
Equilibre du compte en 2008 et 2009
(en millions d'euros)
2008 |
2009 |
LFI 2010 |
|||
LFI |
LR |
LFI |
LR |
||
Recettes |
483,0 |
225,4 |
317,0 |
199,5 |
213,4 |
Dépenses |
483,0 |
439,4 |
478,0 |
724,6 |
339,6 |
Solde |
0 |
- 214,0 |
- 161,0 |
- 525,0 |
- 126,2 |
Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2009
La dépense au titre de la « prime à la casse », qui n'est pas financée sur la présente mission mais dont 332.174 dossiers ont bénéficié de bonus (sur 514.027 véhicules), s'est quant à elle soldée par un dépassement de 310 millions d'euros par rapport aux prévisions , avec 532 millions d'euros. Des redéploiements de crédits ont ainsi été réalisés sur le Fonds stratégique d'investissement, l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises et les avances sur marchés publics.
Ainsi que l'illustre le tableau ci-après, la structure des ventes de véhicules a été considérablement modifiée par le bonus-malus, cet effet étant renforcé par les rapides évolutions technologiques (réduction de la cylindrée et augmentation du rendement des moteurs, « stop and start »...), les campagnes commerciales, l'introduction de la prime à la casse et les abondements pratiqués par les constructeurs sur certains modèles de leur gamme.
La part des véhicules bénéficiaires du bonus et soumis au malus, retracée dans les deux indicateurs de performance du programme 871, s'est donc révélée éloignée des prévisions inscrites dans le projet annuel de performances.
Comme en 2008, la capacité unitaire moyenne d'émissions de CO 2 a diminué de 9 grammes en 2009 . L'ensemble des mesures a également permis de soutenir le marché automobile français, puisque le nombre d'immatriculations, malgré la crise, est demeuré quasiment stable en 2008 et a fortement progressé en 2009.
Evolution et structure des ventes de véhicules particuliers depuis 2007
2007 |
2008 |
2009 |
|
Nombre et évolution des immatriculations (VP) |
2 064 633 (+ 3,2 %) |
2 050 289 (- 0,7 %) |
2 268 721 (+ 9,6 %) |
Part des véhicules bénéficiaires du bonus |
30 % |
44,7 % |
55,5 %
|
Part des véhicules
|
24 % |
14 % |
8,8 %
|
Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2009
Vos rapporteurs spéciaux se félicitent du succès manifeste et inespéré du dispositif, mais constatent aussi son coût très important pour l'Etat - 865 millions d'euros sur trois ans si les prévisions pour 2010 sont respectées - et un probable effet d'aubaine qui relativise ses vertus écologiques . Le critère d'éligibilité à la prime à la casse est en effet relativement déconnecté des objectifs du Grenelle de l'environnement et plus élevé que celui du « super-bonus » (160 grammes contre 130 grammes) et le délai de remise pour destruction des véhicules a été allongé de huit jours à six mois, compte tenu de l'engorgement des centres de mise au rebut.
En outre, les constructeurs automobiles européens ont dû optimiser la technologie de leurs gammes pour anticiper l'entrée en vigueur des nouvelles normes d'émission Euro 5 (au 1 er janvier 2011 pour les immatriculations de véhicules neufs) et Euro 6 (au 1 er septembre 2015). L'évolution de l'offre et les changements de comportement des conducteurs ne sont donc pas exclusivement liés à l'application française du bonus-malus.
* 115 Soit une prime supplémentaire de 300 euros si l'acquisition d'un véhicule « propre » s'accompagne de la mise au rebut d'un véhicule de plus de quinze années de circulation acquis au moins six mois auparavant.
* 116 Soit le versement d'une prime de 1 000 euros pour la destruction d'un véhicule de plus de dix ans, lors de l'acquisition d'un véhicule neuf dont les émissions sont inférieures ou égales à 160 grammes de CO 2 par kilomètre. Cette prime a été progressivement réduite à 700 euros au 1 er janvier 2010 puis 500 euros au 1 er juillet 2010.