CHAPITRE VII BIS - DISPOSITIONS RELATIVES AUX POLICES MUNICIPALES
Article 32 ter (art. 20 du code de procédure pénale, article L 2216-6 du code général des collectivités territoriales) Elargissement de la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale
L'article 32 ter , inséré à l'Assemblée nationale lors de l'élaboration du texte de la commission à l'initiative du rapporteur, permet de conférer la qualité d'agent de police judiciaire (APJ), dans certaines conditions, au directeur des services de la police municipale.
Les dispositions concernant le cadre d'emploi des directeurs de police municipale figurent dans un décret du 17 novembre 2006 76 ( * ) . Ces fonctionnaires exercent leurs fonctions dans les communes et dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant une police municipale dont l'effectif est d'au moins 40 agents relevant des cadres d'emplois de police municipale . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, environ 20 communes seraient ainsi concernées.
En vertu du décret précité, les directeurs de police municipale assurent notamment l'exécution des arrêtés de police du maire et constatent par procès-verbaux les contraventions à ces arrêtés ainsi qu'aux dispositions des codes et lois pour lesquelles compétence leur est donnée.
Les directeurs de police municipale sont déjà, comme tous les agents de police municipale , agents de police judiciaire adjoints en vertu de l'article 21 du code de procédure pénale, ce qui leur permet de « seconder les officiers de police judiciaire, de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance, de constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi pénale et de recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions, le tout dans le cadre et dans les formes prévues par les lois organiques ou spéciales qui leur sont propres ; de constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
L'article 21-2 CPP précise que les agents de police municipale rendent compte immédiatement aux OPJ de la police et de la gendarmerie nationale des crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance, et qu'ils adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l'intermédiaire des OPJ de la police ou de la gendarmerie nationale, au procureur de la République.
Les agents de police judiciaire adjoints peuvent enfin effectuer des relevés d'identité pour dresser procès-verbal, uniquement pour certaines contraventions au code de la route et les contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse (article 78-6 CPP). En revanche, ils ne peuvent procéder à des contrôles d'identité.
La fonction d'agent de police judiciaire est associée à des pouvoirs supérieurs. Elle permet en vertu des articles 20, 20-1 et D 13 à D 15 du code de procédure pénale, de « constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser le procès-verbal, de recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions » . Sont essentiellement concernés les hypothèses de l'enquête en flagrance et de l'enquête préliminaire qu'ils peuvent diligenter d'office .
Les APJ peuvent également assurer l'exécution des mesures de contrainte contre les témoins défaillants, l'exécution des mandats de justice, des arrêts et jugements de condamnation, des contraintes judiciaires.
Toutefois, les agents de police judiciaire ne peuvent pas décider de mesures de garde à vue ni de mesures de vérification d'identité. Ils ne peuvent procéder seuls à la visite d'un véhicule qui peut éventuellement être prescrite par le procureur de la République. Ils peuvent toutefois, en vertu de l'article 76 CPP, procéder comme l'OPJ à une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire, si les personnes concernées l'y autorisent .
Par ailleurs, le texte proposé précise que :
-l'attribution de la qualité d'APJ n'est pas de droit mais résulte de la convention de coordination prévue à l'article L 2212-6 du code général des collectivités territoriales. Celle-ci est obligatoire pour les polices municipales de plus de cinq agents et précise les lieux et la nature des interventions des agents, ainsi que les modalités de coordination de ces interventions avec celles de la police et de la gendarmerie nationale. Elle est conclue entre le maire et le préfet après avis du procureur de la République ;
-le directeur de police municipale ne relèverait pas du maire bien que celui-ci soit OPJ, mais seulement des OPJ de la police et de la gendarmerie nationale.
La position de votre commission
L'attribution de la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale peut avoir deux effets : élargir le champ d'action de la police municipale et, dans la mesure où le nouvel APJ ne relèverait pas du maire mais des OPJ de police ou de gendarmerie, placer la police municipale dans une certaine subordination par rapport à la police et à la gendarmerie nationales.
Il ressort des débats en commission et en séance à l'Assemblée nationale que cette mesure viserait à améliorer la coordination entre les polices municipales d'une part et la police nationale ou la gendarmerie nationale d'autre part, en permettant aux nouveaux APJ de mieux seconder les OPJ de ces deux forces nationales. Toutefois, la qualité d'agents de police judiciaire adjoints permet déjà aux policiers municipaux d'assister ces OPJ. La nouvelle qualité des directeurs de police municipale leur permettrait donc plutôt d'agir davantage sans la présence immédiate d'un OPJ.
Votre commission a adopté l'article 32 ter sans modification.
Article 32 quater (art. 78-2 du code de procédure pénale) Participation des policiers municipaux aux contrôles d'identité sous l'autorité d'un OPJ
L'article 32 quater , inséré à l'Assemblée nationale lors de l'élaboration du texte de la commission à l'initiative du rapporteur, tend à permettre aux policiers municipaux d'effectuer des contrôles d'identité .
Dans l'état actuel du droit, les policiers municipaux peuvent seulement recueillir verbalement l'identité de toute personne ayant commis un crime ou un délit qu'ils ne peuvent pas verbaliser, ou relever l'identité de toute personne ayant commis une infraction qu'ils sont habilités à verbaliser dans le cadre de l'article 78-6 du code pénal. Ces procédures ne permettent pas d'utiliser la contrainte pour obtenir la présentation de documents d'identité : en cas de refus de la personne concernée, les policiers municipaux doivent recourir à l'assistance d'un agent habilité à procéder à un contrôle d'identité. A fortiori, elles ne permettent pas non plus de contrôler de manière préventive l'identité d'une personne, c'est-à-dire à l'égard d'une personne qui n'a pas commis une infraction.
En effet, les policiers municipaux, bien qu'agents de police judiciaire adjoints, ne peuvent pas réaliser de contrôles d'identité dans le cadre de l'article 78-2 du code de procédure pénale, sur l'ordre et sous la responsabilité d'un OPJ, alors que les agents de police judiciaires adjoints de la police et de la gendarmerie nationale ont cette faculté. Ces contrôles d'identité peuvent avoir un caractère préventif. Surtout, la réalité de l'identité d'une personne faisant l'objet d'un contrôle d'identité peut être vérifiée, la personne pouvant être retenue le temps nécessaire à cette vérification, dans un délai maximal de quatre heures à compter du contrôle.
Cet article tend ainsi à permettre aux agents de police judiciaires adjoints, dont les policiers municipaux, d'effectuer des contrôles d'identité dans les mêmes conditions que les policiers et gendarmes des forces nationales, dans le cadre d'opérations conjointes avec eux, dans tous les cas sous l'autorité d'un OPJ. En revanche, la vérification d'identité resterait de la seule compétence des OPJ de la police et de la gendarmerie nationale.
La position de votre commission
Cet article tend à modifier de manière significative les compétences des policiers municipaux. Jusqu'à présent, comme l'indiquait une circulaire de ministre de l'Intérieur sur les compétences des polices municipales 77 ( * ) , « les contrôles et vérifications d'identité sont de la seule compétence de la police et de la gendarmerie nationales, car ils sont liés à leurs missions d'enquête et de maintien de l'ordre, qui ne correspondent pas aux attributions des agents de police municipale. C'est la raison pour laquelle ceux-ci ne sont habilités à procéder qu'à des recueils et relevés d'identité ». En outre, la faculté d'effectuer des contrôles d'identité serait étendue à l'ensemble des agents de police judiciaire adjoints de l'article 21 du code de procédure pénale, et non seulement aux policiers municipaux : seraient ainsi notamment concernés les volontaires servant en qualité de militaires dans la gendarmerie, les adjoints de sécurité, les agents de surveillance de Paris et les gardes champêtres.
Il convient de rappeler que la jurisprudence constitutionnelle a encadré la possibilité d'effectuer des contrôles d'identité : dans sa décision 78 ( * ) sur la loi du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité, le Conseil a estimé que « la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle ». Il a également souligné qu'« il incombe aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables ; qu'ainsi il revient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de contrôler en particulier les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de contrôle et de vérification d'identité ».
Par ailleurs, les critères de mise en oeuvre de l'article 78-2 sont d'interprétation délicate, comme en témoigne l'abondante jurisprudence en la matière. Les contrôles d'identité constituent souvent le premier acte des procédures, dont la régularité est contrôlée par l'autorité judiciaire. L'irrégularité d'un contrôle d'identité peut ainsi entraîner l'annulation de la procédure.
Le fait que les contrôles d'identité aient obligatoirement lieu sous la responsabilité d'un OPJ , qu'ils soient effectués par des APJ de la police et de la gendarmerie nationale ou par des policiers municipaux, est cependant de nature à sécuriser ces contrôles.
Votre commission a adopté l'article 32 quater sans modification .
Article 32 quinquies (art. L 234-9 du code de la route) Participation des policiers municipaux aux dépistages d'alcoolémie sous l'autorité d'un OPJ
L'article 32 quinquies , inséré à l'Assemblée nationale lors de l'élaboration du texte de la commission à l'initiative du rapporteur, accroît les compétences des policiers municipaux en matière de contrôle d'alcoolémie .
Les agents de police municipale peuvent, en vertu de l'article L 234-3 et L234-4 du code de la route, soumettre à un contrôle d'alcoolémie l'auteur de certaines infractions qu'ils ont le droit de constater. Si le contrôle d'avère positif, ils doivent rendre compte de la présomption d'état alcoolique qui en résulte à l'OPJ de la police ou de la gendarmerie nationales territorialement compétents.
En revanche, les dispositions de l'article L 234-9, qui permettent aux OPJ ou, sur leur ordre et sous leur responsabilité, aux agents de police judiciaire, d'effectuer des contrôles préventifs de l'alcoolémie, notamment dans le cadre d'opérations de contrôles systématiques, ne sont pas applicables aux agents de police judiciaires adjoints, dont font partie les agents de police municipale (mais aussi les adjoints de sécurité ou les gardes champêtres).
Le présent article tend ainsi à permettre aux agents de police judiciaires adjoints, dont les policiers municipaux, d'effectuer ces contrôles préventifs.
Votre commission a approuvé cette modification qui permettra à davantage d'agents de participer aux contrôles d'alcoolémie préventifs.
Votre commission a adopté l'article 32 quinquies sans modification.
Article 32 sexies (art. L 412-49 du code des communes) Règles d'agrément des agents de police municipale
L'article 32 bis , inséré à l'Assemblée nationale lors de l'élaboration du texte de la commission à l'initiative du rapporteur, tend à dispenser les agents de police municipale du renouvellement de la procédure d'agrément et d'assermentation lorsqu'ils exercent leurs fonctions dans une nouvelle commune.
L'article L 412-49 du code des communes dispose en effet que la nomination des agents de police municipale est subordonnée à l'obtention de l'agrément du préfet et du procureur de la République, puis à leur assermentation. La décision d'agrément fait suite à une enquête administrative diligentée par les services de police et de gendarmerie nationales.
Or, l'agrément doit être renouvelé à chaque nouvelle nomination, dans la mesure où « l'agrément n'est pas une formalité préalable à la nomination, mais [où] cette dernière n'est parfaite qu'après que l'intéressé en a fait l'objet » (CE, 24 novembre 1982, Graciano). Ainsi, les agents qui changent de collectivité doivent à nouveau être agréés, et les délais pour accomplir cette formalité sont parfois longs. La modification apportée par cet article apparaît donc pertinente.
Toutefois, cette disposition conduirait à soustraire les agents de police municipale au contrôle que doit exercer le procureur de la République sur leur activité et les conditions dans lesquelles ils mettent en oeuvre leurs pouvoirs de police judiciaire.
Votre commission a donc adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement permettant de prévoir que les procureurs de la République du lieu d'exercice actuel et du lieu d'affectation de l'agent de police municipale soient informés du changement de lieu de fonction, et précisant que le procureur de la République territorialement compétent peut, en cas d'urgence, suspendre l'agrément qui a été délivré à l'agent de police municipale, sans avoir à respecter le principe du contradictoire. Ce magistrat devrait toutefois, à bref délai, soit rapporter cette décision de suspension, soit retirer l'agrément, après avoir convoqué l'intéressé et l'avoir mis en mesure de présenter toute observation, directement ou par l'intermédiaire de son avocat. En l'absence de toute décision du procureur de la République dans un délai à déterminer, la décision de suspension serait caduque.
Votre commission a adopté l'article 32 sexies ainsi modifié .
Article 32 septies (art. 3-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) Fouille des bagages à l'occasion des manifestations sportives, récréatives ou culturelles
L'article 32 septies , inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur, vise à assouplir les conditions de fouille des bagages à l'occasion des manifestations sportives, récréatives ou culturelles .
En effet, l'article 96 de la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a modifié l'article 3-2 de la loi du 12 juillet 1983 afin d'autoriser certains professionnels de la sécurité et membres de services d'ordre agréés par le préfet à procéder, pour l'accès aux enceintes dans lesquelles sont organisées ces manifestations, à des palpations de sécurité, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire et avec le consentement exprès des personnes. Elle les a également autorisés, ainsi que les agents de police municipale affectés sur décision du maire à la sécurité de la manifestation, à procéder à l'inspection visuelle des bagages à main et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.
Le présent article tend à abaisser le seuil permettant l'application de ces dispositions : désormais, toute manifestation rassemblant plus de 300 personnes, et non plus 1500 personnes, pourrait donner lieu à ces palpations et fouilles de sécurité.
La position de la commission
Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de l'article 96 de la loi du 18 mars 2003 79 ( * ) en indiquant qu'elles ne portaient pas atteinte à la liberté individuelle dans la mesure où « l'accès aux enceintes où se déroulent de grandes manifestations sportives, culturelles et récréatives justifie des mesures de surveillance particulières pour protéger la sécurité physique des participants ».
Votre commission a par conséquent validé ce dispositif. Elle a par ailleurs adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement permettant aux agents de surveillance de la ville de Paris d'avoir les mêmes prérogatives que les agents de police municipale en matière d'inspection et de fouille des bagages à main.
Votre commission a adopté l'article 32 septies ainsi modifié.
Article 32 octies (nouveau) (art. 20 du code de procédure pénale) Octroi de la qualité d'agent de police judiciaire aux policiers non titulaires
Cet article, qui résulte d'un amendement proposé par notre collègue Bernard Saugey, a pour but de permettre aux policiers stagiaires de se voir reconnaître la qualité d'agent de police judiciaire.
A l'heure actuelle, l'article 20 du code de procédure pénale n'accorde la qualité d'agent de police judiciaire qu'aux fonctionnaires titulaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale.
A l'inverse, ce même article donne cette qualité aux militaires de la gendarmerie dès la fin de leur scolarité, après une prestation de serment devant un magistrat du siège.
Cet article tend donc à aligner le régime applicable aux policiers sur celui qui est d'ores et déjà reconnu aux gendarmes.
Votre commission a adopté l'article 32 octies ainsi rédigé .
* 76 Décret n°2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale.
* 77 Circulaire du ministre de l'intérieur du 26 mai 2003.
* 78 Décision n° 93-323 DC du 05 août 1993 sur la loi n°93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité.
* 79 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003.